|
Le déficit
budgétaire 2008 s'élèvera à 56 ou 57 milliards
d'Euros au lieu de 42 prévus par la loi de finances initiale. C'est en
substance ce qu'a déclaré le ministre du Budget Eric Woerth sur
Europe 1 ce dimanche soir.
15 milliards
d'Euros d'erreur: certes, le gouvernement aura beau jeu d'affirmer que cela
ne représente que 1% du PIB. Mais Cela représente surtout
environ 6% des recettes nettes du budget de l'Etat. Ou encore, 35% de la
prévision initiale de déficit. Une paille.
Plus
inquiétant: le dérapage est à mettre au compte d'une
baisse de 12 milliards des rentrées fiscales pour 2008. Or, tout porte
à croire que le phénomène se reproduira en 2009, car les
résultats des grandes entreprises du CAC et du SBF, principales
pourvoyeuses d'IS, s'annoncent mauvais, crise oblige. Les rentrées de
TVA, d'ISF, et d'IRPP sur les revenus de capitaux, ne devraient pas
être fameuses non plus. Par contre, les demandes d'indemnisation du chômage,
de RMI/RSA et assimilés, vont augmenter.
Or, la
prévision de déficit budgétaire pour 2009
s'élève d'ores et déjà à 79 milliards
d'Euros (>4% du PIB), soit environ 1/4 des recettes brutes de
l'état (hors CL et sécu), et environ 9% de l'ensemble des
dépenses publiques (Etat, CL, sécu). Même si l'erreur
finale ne sera peut être pas de 35% cette fois ci, on peut s'attendre
à une accélération de l'effet "coup de ciseau"
sur les dépenses publiques: hausse de la demande d'interventions
sociales liées à la crise, entrainant une hausse des
dépenses du même nom, combinée à une baisse des
recettes de l'état faute de marges suffisantes pour les entreprises.
Le déficit final risque donc d'être nettement plus
élevé.
Je ne voudrais
pas apparaître inutilement pessimiste, mais le mur que
j'annonçais dès 2004 (mais en situant le choc plus tard,
faute d'avoir prévu la crise des subprimes...) se
rapproche dangereusement. Si encore nous étions les seuls à
tomber. Mais une grande partie des pays d'Europe et les USA suivent la
même pente savonneuse. En cas de chute, aucun "bailout" ne sera
à espérer de la part de la "communauté
internationale", de l'Europe, ou de qui que ce soit.
Les
déficits ne sont financés que par la confiance de ceux qui
prêtent aux états. Mais celle ci est elle immuable ? Dans sa
dernière édition (janvier 2009), le magazine
"éco-people" Capital conseille aux épargnants de...
Se tenir à l'écart des obligations d'état. Une
première ! L'inquiétude est d'autant plus forte que des
analystes réputés (Barron's)
recommandent de se tenir à l'écart des bons à longue
durée du trésor US, et que le Washington
Post estime que pour le trésor US, la fête
est finie, et que les taux demandés par les emprunteurs vont fortement
augmenter, voire que les USA risquent la pénurie de prêteurs. Et
si la dette US n'inspire plus réellement confiance, qu'en sera-t-il de
la nôtre ?
Comment se
comporteront les institutionnels (banques, assurances) qui assurent la
liquidité des marchés obligataires des états, alors que
la somme des plans de relance mondiaux qu'il faudra financer en 2009 va
alourdir le "stress" sur les capitaux "prêtables",
d'au moins 30% ? Quels états continueront d'inspirer confiance envers
et contre tout ?
Je crains qu'au
vu de telles dérives comptables, l'Etat français ne
bénéficie pas du même a priori de confiance que
l'état Allemand, par exemple. Et je ne vous parle même pas de
l'Italie.
Suffira-t-il à l'état de payer un peu plus cher l'argent pour
le trouver ? Beaucoup plus cher ? Ou va-t-il devoir lui aussi faire face
à un credit crunch, synonyme de cessation de paiement ?
Les optimistes me
rétorqueront que divers organes tels que le FMI envisagent un rebond
de la croissance en 2009 (1,9%) et une croissance forte en 2010 (2,6%), ce
qui devrait permettre à l'état de retrouver un niveau de
recettes lui permettant de limiter ces pertes. Ces prévisions ont
selon moi autant de valeur qu'une météo à 100 jours, et
relèvent d'une poussée de wishful
thinking.
Car pour
retrouver un tel niveau de croissance, il est absolument nécessaire
que les entreprises investissent, ou que des individus investissent dans des
entreprises naissante ou en phase de croissance. Or, pour investir, la
confiance dans l'avenir est indispensable. Et avec la perspective d'une fuite
en avant dans la dette de l'état, d'une contraction des
capacités de crédit des banques, et surtout, aucune
éclaircie fiscale sur les revenus de l'investissement productif, je ne
vois guère ce qui permettrait à nos entreprises d'adopter un
comportement autre que terriblement défensif, ni à nos petites
entreprises de trouver les capitaux qui leur permettraient de grandir et
d'atteindre une taille moyenne...
Bref, sauf
changement radical et rapide de politique publique, l'état va vers de
sérieux problèmes de financement quelque part entre 2009 et
2011. Que le gouvernement les anticipe ou qu'il les subisse, il devra,
après l'ivresse de la relance, mettre le cap sur une rigueur
inflexible s'il ne veut pas que le bateau coule. Un peu comme avait dû
le faire un certain François Mitterrand en 1983, pour
récupérer de la gueule de bois de 1981-82...
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
|
|