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Cours Or & Argent

Foi païenne et communisme II

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Extrait des Archives : publié le 11 juillet 2012
1890 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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[Dans la troisième partie de son livre, Rose Wilder Lane étudie les tentatives révolutionnaires pour établir la liberté et lutter contre l'Autorité. Elles en distingue trois : la tentative judéo-chrétienne (qui échoue selon elle quand l'Église prend le pouvoir, trois siècles après J.C.), la tentative mahométane (RWL est très, très favorable aux Sarrasins musulmans et très défavorable à l'Occident chrétien de la même époque), et la tentative américaine.

 

C'est de l'analyse de cette dernière tentative qu'est tiré le passage suivant. NdT]

 

Une raison essentielle de la longue hésitation de ces hommes - Washington, Jefferson, Franklin, John Adams, Madison, Monroe - était leur peur de la démocratie.

 

C'étaient des hommes cultivés. Hormis Franklin (autodidacte), chacun avait reçu l'éducation d'un gentleman anglais. Ce qui veut dire que la philosophie et l'histoire de tout le passé européen avaient été martelés dans sa tête avant l'âge de douze ans. Par conséquent, quand il était assez âgé pour pouvoir penser par lui-même, il pouvait s'appuyer sur des milliers d'années d'expérience humaine en ce qui concerne chaque forme de gouvernement.

 

Cette connaissance était considérée comme nécessaire à tout homme dont la naissance lui permettait de prendre part au gouvernement de son pays.

 

Ils savaient aussi la signification de chaque mot dont ils usaient : ils en connaissaient les racines grecques, latines et anglo-saxonnes. Jusqu'à il y a quarante ans, ce savoir était considéré de première importance dans les écoles américaines. Chaque élève, à treize et quatorze ans, apprenait l'étymologie tout comme il avait appris l'orthographe depuis l'âge de six ans, par répétition constante jusqu'à ce que les faits soient gravés dans sa mémoire.

 

Aujourd'hui, la confusion sur le sens des mots aux États-Unis est un danger pour le monde entier. Peu d'écoles américaines exigent encore qu'un élève remonte aux racines des mots, ou qu'il sache ce qu'il veut dire quand il parle. Et les membres disciplinés du Parti communiste des États-Unis ont depuis vingt ans suivis délibérément l'ordre de Lénine : "Jetez d'abord le trouble dans le vocabulaire."

 

La pensée ne peut s'élaborer qu'à l'aide de mots. Une pensée précise réclame des mots ayant un sens précis. On comprend que la communication entre les êtres humains est impossible sans mots possédant une signification précise. [Notons que Lénine demandait aussi de créer le désordre dans la monnaie, elle aussi outil de communication, comme l'enseigne Hayek. NdT]

 

Jetez le trouble dans le vocabulaire et les hommes ne savent plus ce qui se passe : ils ne peuvent plus tirer la sonnette d'alarme, ils ne peuvent plus atteindre un quelconque but commun. Jetez le trouble dans le vocabulaire et des millions seront sans défense contre un petit nombre de personnes disciplinées qui savant ce qu'elles veulent dire quand elles parlent. Lénine était intelligent.

 

Aujourd'hui, quand vous entendez le mot de "démocratie," que veut-il dire ?

 

Les États-Unis bien sûr ; et l'Angleterre, le Commonwealth britannique, l'Empire britannique, la Norvège, la Suède, le Danemark et la Belgique ; une partie de la France [le texte est écrit en 1943. NdT] ; la Finlande quand les Russes attaquent les Finlandais mais pas quand ces derniers attaquent la Russie ; la Russie quand les Russes combattent les Allemands mais pas quand Staline signe un pacte avec Hitler ; les royaumes et les dictatures des Balkans ; mais aussi la sécurité économique, l'assurance obligatoire et le système de pointage pour obtenir les cotisations obligatoires aux syndicats ; la gentillesse, les rapports de bon voisinage et le sens unique des Américains pour l'égalité humaine ; un droit de vote pour tout le monde ; le socialisme et le communisme ; la cause des Espagnols pour laquelle combattent républicains, démocrates, socialistes, syndicalistes, anarchistes, communistes russes et américains ; la liberté, les droits de l'homme, la dignité humaine et le savoir vivre.

 

En bref, le mot n'a aucune signification. Son sens a été détruit.

 

Il fut autrefois un mot sain. C'est un mot nécessaire, parce qu'aucun autre ne possède sa signification précise. Démocratie veut dire : pouvoir par le Peuple. Tout comme monarchie veut dire gouvernement d'un seul (par une personne).

 

Demos, le Peuple, était une idée imaginée par les anciens Grecs, dans leur recherche de l'Autorité qui (pensaient-ils) contrôlaient les hommes. Ils attachaient à cette idée la signification de Dieu, qui est toujours attribuée à toute forme d'Autorité, et il y a encore des gens qui croient que "la voix du Peuple est la voix de Dieu."

 

Le Peuple n'existe pas. Les personnes individuelles composent tout groupe de personnes.

 

Ainsi, en pratique, toute tentative d'établir la démocratie est une tentative de faire d'une majorité de personnes au sein d'un groupe les dirigeants de ce dernier.

 

Considérez ceci pendant un instant, non pas au plan des idées, mais appliqué à votre propre expérience dans les groupes des personnes vivantes que vous connaissez, et vous comprendrez pourquoi toute tentative d'établir la démocratie a échoué.

 

Bien sûr, il n'y a pas de raison de supposer que la règle majoritaire soit désirable, même si elle était possible. Il n'y a aucune moralité ni aucune efficacité dans de simples nombres. Quatre-vingt-dix-neuf personnes n'ont pas plus de chances d'être justes qu'une seule.

 

Dans les Federalist Papers, Madison énonce la raison pour laquelle toute tentative d'établir la démocratie crée rapidement un tyran :

 

"Une démocratie pure ne peut admettre aucun remède contre les dégâts d'une faction. Une passion ou un intérêt commun seront ressentis par une majorité, et il n'y a rien pour enrayer les motifs conduisant à sacrifier la partie la plus faible. Ainsi, les démocraties ont toujours été incompatibles avec la sécurité personnelle et les droits de propriété. Et elles ont été en général aussi brèves dans leur vie qu'elles ont été violentes dans leur mort."

 

Les gentlemen qui avaient pris la responsabilité de sauver la Révolution américaine avaient peur que la démocratie ne la termine. Les Américains inconnus, les Ebenezer Fox [nom d'un jeune américain dont les aventures sont racontées dans "The Revolutionary Adventures of Ebenezer Fox of Roxbury", Massachusetts. Boston, 1838, livre évoqué par R. Wilder Lane auparavant. NdT], avaient combattu l'Autorité pendant des années et chacun était déterminé "à faire ce qui était juste à ses propres yeux." Mais ils ne connaissaient ni le latin ni le grec, ils ne savaient rien de tous les efforts précédents pour faire marcher la démocratie et réclamaient cette dernière.

 

D'un autre côté, les gros propriétaires, les banquiers, les riches marchands et une grande cohorte de corrupteurs rapaces et de spéculateurs immobiliers, conduits par Alexander Hamilton, l'aventurier illégitime des Antilles qui était aussi un génie, réclamaient une monarchie américaine.

 

[Le lecteur pourra cependant méditer la remarque suivante : "Paradoxe apparent, l'État capitaliste est aristocratique parce que distant, avec cependant une tonalité suffisamment bourgeoise pour évoquer les gouvernements de la Monarchie de Juillet. De toute manière, un tel État n'a que fort peu de chances d'être républicain. Au passage, on se souviendra, même si cela ne prouve pas grand-chose, qu'Alexander Hamilton était un royaliste convaincu. [...] Et quant à être favorable au capitalisme, si tant est qu'un homme d'État américain le fût jamais (ce qui n'est pas évident), c'est Alexander Hamilton qui l'était". Et pour mieux y réfléchir, je recommande la lecture du livre dont est tiré ce passage, à savoir "L'État" d'Anthony de Jasay, aux Belles Lettres, collection Laissez faire (1994) pp.45-46, traduit par Sylvie Lacroix et François Guillaumat. "The State", Liberty Fund (1998) pp.34-35 pour l'édition en anglais (première édition en 1985 chez Basic Blackwell). NdT]

 

Les vrais révolutionnaires, quand ils signaient la Déclaration d'Indépendance et de liberté individuelle, s'engageaient non seulement à gagner une guerre contre des risques impossibles mais aussi à créer un type de gouvernement entièrement neuf.

 

Ils faisaient face au pouvoir armé de l'Empire britannique, avec derrière eux treize colonies désorganisées et se disputant, et deux dangers les menaçaient : la monarchie et la démocratie.

 

Ils ne dirent rien sur le Peuple. Ils ne réitérèrent pas les non-sens sur la Science, la Loi Naturelle et l'Age de la Raison. Ils ne se répandaient pas sur la nature noble de l'Homme Naturel. Ils connaissaient les hommes. Ils étaient des réalistes. Ils n'avaient pas d'illusions sur les hommes mais savaient qu'ils étaient tous libres.

 

Ils se dressèrent à la fois contre la monarchie et contre la démocratie, parce qu'ils savaient que lorsque les hommes mettent en place une Autorité imaginaire pourvue de la force, ils détruisent toute occasion d'exercer leur liberté naturelle.

 

Comme hommes cultivés, ils avaient étudié les nombreux essais pour établir la démocratie. Les résultats étaient connus en Grèce il y a vingt-cinq siècles. La démocratie ne marche pas. Elle ne peut pas marcher, parce que tout homme est libre. Il ne peut pas transférer sa vie et sa liberté inaliénable à quelqu'un ou quelque chose extérieure à lui-même. Quand il essaie de le faire, il cherche à obéir à une Autorité qui n'existe pas.

 

Ce qu'il imagine être cette Autorité - Ra ou Baal ; Zeus ou Jupiter ; Cléopâtre ou le Mikado ; la Nécessité Économique, la Volonté des Masses ou la Voix du Peuple - n'a pas d'importance. Le fait têtu est qu'il n'existe pas d'Autorité, de quelque ordre que ce soit, qui contrôle les individus. Ceux-ci se contrôlent eux-mêmes.

 

Chacun, dans un groupe libre, peut décider d'abandonner sa propre idée et d'accompagner la majorité. S'il ne veut pas le faire, il peut quitter le groupe. C'est utiliser sa liberté et exercer sa responsabilité de contrôle de soi.

 

Mais quand un grand nombre d'individus pensent faussement que la majorité est une Autorité qui possède un droit de contrôler les individus, ils doivent permettre à une majorité de choisir un homme (ou quelques hommes) pour constituer un Gouvernement. Ils croiront que la majorité a transféré à ces hommes le Droit Majoritaire de contrôler tous les individus vivants sous ce Gouvernement. Mais le Gouvernement n'est pas une Autorité qui contrôle, il est l'usage de la force, il est la police, l'armée. Il ne peut contrôler personne. Il ne peut qu'empêcher, restreindre ou arrêter l'utilisation par quelqu'un de son énergie.

 

Comme l'a dit Madison, une passion ou un intérêt commun créeront une majorité. Et parce qu'une majorité soutient un gouvernant que la majorité choisit, rien ne peut arrêter son usage de la force contre la minorité. Ainsi, le dirigeant d'une démocratie devient rapidement un tyran. Et ceci constitue la mort rapide et violente de la majorité.

 

Ceci se produit toujours, sans exception. C'est aussi certain que la mort et que les impôts. Ceci s'est produit à Athènes il y a vingt-cinq siècles ; en France en 1804, quand une majorité écrasante eut élu l'Empereur Napoléon; en Allemagne en 1932, quand une majorité d'Allemands - conduits par une passion commune pour la nourriture et l'ordre social - ont élu Hitler.

 

Madison a énoncé un fait historique : en démocratie, il n'y a rien pour arrêter les motifs conduisant à sacrifier la partie la plus faible. Il n'y a pas de protection pour la liberté. C'est ainsi que les démocraties détruisent toujours la sécurité personnelle (la Gestapo, les camps de concentration) et les droits de propriété (quels droits de propriété reste-t-il en Europe actuellement ?) et elles ont été en général aussi brèves dans leur vie qu'elles ont été violentes dans leur mort.



Extrait de The Discovery of Freedom (1943, Troisième partie, chapitre V, épisode 4), republié en 1993 par Fox and Wilkes


 

Traduction :  Hervé de Quengo

 

 

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