La nomination d’un technocrate comme premier ministre en Italie a recueilli
peu de bravi.
Fou, le Monti ?
Mario Monti n’ayant
pas été élu, son arrivée au pouvoir soulignerait
la nature élitiste et non-démocratique de ce qui ce passe
aujourd’hui au sein de la zone euro.
Mais ce technocrate a des atouts que certains
politiques italiens n’ont pas. Son expérience semble avoir
prouvé qu’il comprend les pays étrangers et les institutions financières. Il a
la confiance de ses partenaires gouvernementaux européens et la
confiance est précieuse pour rassurer les pays du Nord.
Si Monti échoue
à réformer État italien, le paysage politique du pays risque de se
radicaliser. L’Italie nourrit de fortes traditions
d’extrémisme. Comme ailleurs en Europe, ces extrémismes considèrent que
l’Union européenne (UE) promeut ce qu’elles haïssent :
le multiculturalisme, le capitalisme
international, l'érosion des frontières
et la
disparition des monnaies nationales. Le recours aux thèmes
économique et eurosceptique est un cache-misère aux idées
xénophobes et classistes de ces
extrémismes. Imaginez ce que cela
pourrait donner si la situation devenait catastrophique.
Afin d’éviter les conséquences politiques
d’un tel scenario, le gouvernement doit réussir à
reformer le pays. Le problème est que Monti est un technocrate et non un
magicien.
Monti face au Python du marché du travail italien
Après un bref
répit suite à la nomination de Mario Monti, le rendement des
obligations de l’État italien a repris sa trajectoire ascendante.
En dehors de la Banque centrale européenne (BCE), il n’y a pas
ou peu d’acheteurs d’obligations d’État italien et beaucoup
de vendeurs.
On comprend la
prudence des investisseurs : il faudrait du temps pour rendre soutenable la dette publique et
compétitive l’économie du pays. Un seul homme peut-il
sauver un pays entrant en récession après dix ans de croissance
anémique ?
L’État italien
détient un volume d’actifs égal au montant de sa dette
publique. Vendre 10% de ces actifs pourrait être fait rapidement et
mettre en place un programme de privatisation à long terme pourrait ramener
la dette italienne à un niveau soutenable.
La seule manière de
résoudre cette crise est de rassurer les investisseurs
obligataires en stabilisant les finances publiques, réformer
structurellement l’État italien pour faire disparaitre la
corruption et mettre en place des réformes permettant au pays de
renouer avec la croissance.
L’Italie en a
besoin. Sur les 27 millions de
travailleurs italiens, 15 millions bénéficient
d’emplois stables, 8 millions de personnes précaires enchainent
les contrats de courte durée, ne bénéficiant
d’aucun des avantages du généreux code du travail
italien, long de 2700 pages tellement opaques qu’une partie non
négligeable des licenciements donne lieu à des suites
judiciaires. Les 4 millions de travailleurs restants sont actifs sur le
marché noir : selon l’OCDE et le FMI, 15 à 27% de
l’activité économique du pays est clandestine.
Le marché du
travail est à l’agonie. De
peur de perdre leurs avantages, les salariés n’osent pas démissionner pour lancer leur entreprise.
Et malheur à ceux qui affrontent leur patron : le revers des
privilèges garantis est qu’il est très difficile de
changer d'employeur.
Environ 95% des entreprises du
pays emploient moins de 10 travailleurs afin d’échapper aux
lourdeurs administratives étouffant les entreprises de plus grande
taille. Le Forum économique mondial classe l'Italie en 123ème
position sur 142 pays en termes d’efficacité de son
marché du travail.
Les travailleurs italiens font six
fois plus d’heures de grève en moyenne que leurs homologues allemands,
selon l'Observatoire européen des relations industrielles.
Le chantier est immense et le
temps est compté. Mario Monti a certainement les capacités
techniques de réaliser les réformes nécessaires mais
survivra-t-il aux rigueurs de la politique démocratique ?
Survivra-t-il tout court ? Parce
qu’ils conseillaient le gouvernement à réformer le code du travail italien, deux professeurs de politique
industrielle - Massimo D'Antona en 1999 et Marco Biagi en 2002 - ont été
assassiné par des terroristes se réclamant des Brigades Rouges.
Ces reformes
pourraient pourtant sauver l’État italien et, si elles sont
mises en place ailleurs, la zone euro elle-même.
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