Mes chères contrariées,
mes chers contrariens !
Tout d’abord je voulais vous
souhaiter tous mes meilleurs vœux de santé et de bonheur pour
cette nouvelle année 2013 qui s’ouvre. Nous ne devrions pas nous
embêter cette année, et l’actualité
économique sera sans doute très riche.
France 2 a été
fidèle à son slogan lors du JT du 20/12/12 !
Tout s’est passé comme
prévu
Bon, disons-le, l’année
commence bien. Enfin pour la Bourse qui décide de monter de 2 %
grâce à la bonne nouvelle du fiscal cliff. Les États-Unis
ont évité de tomber de la falaise fiscale avec un accord de
dernière minute qui augmente les impôts des ménages
gagnant plus de 450 000 dollars !!
Ce qui m’inspire la remarque que
la définition d’un « riche » entre la France (ou
notre Président avait déclaré qu’un riche
c’est quelqu’un qui gagne plus de 4 000 € par mois) et les
États-Unis n’est pas vraiment la même. Mais ce n’est
pas le plus important.
Ce qu’il faut retenir,
c’est qu’en ce qui concerne les coupes budgétaires et le
reste des sujets du fiscal cliff, ils sont renvoyés à une
négociation ultérieure devant aboutir à un nouvel accord
dans les deux mois qui viennent.
En réalité, encore une
fois, rien n’est réglé. Le déficit US est toujours
là. La dette américaine, qui grossit de jour en jour, est
toujours là. Mais pour le moment et pour deux mois encore,
l’argent gratuit coulera à flot, alors… le show peut
continuer, les Bourses peuvent monter, les robots de trading peuvent «
roboter » et tout va bien dans le meilleur des mondes. Fin de
l’histoire et fin de la crise.
La France en fureur !
Le 20 décembre, France 2, notre
chaîne nationale, diffuse dans son JT de 20 heures deux fictions. Deux
scénarios économiques pour 2013. Le premier est le
scénario rose, qui globalement n’a retenu l’attention de
personne semble-t-il sans doute parce que personne n’y croit vraiment.
Puis vient le scénario noir.
Celui d’une forme d’effondrement économique avec, à
la fin de l’année 2013, l’explosion de l’euro sur
fonds d’émeutes urbaines… surtout en Espagne (il ne faut
pas nous dire tout de même que cela pourrait se passer en France).
C’est une grande première.
L’hypothèse d’un scénario noir,
évoqué au JT à l’heure de plus grande
écoute, puisqu’il s’agit de la grand-messe cathodique.
Normalement, tout va mieux que bien et le pire forcément
derrière nous. En dehors du fait que le scénario noir
présenté est parfaitement crédible et les
enchaînements plutôt bien faits, ce qui est passionnant
c’est la réaction des gens face à une
réalité « fiction » présentée qui
dérange le confort intellectuel et psychologique des masses.
C’est du « vrai »
journalisme que France 2 nous a offert. Sous forme de fiction, cela permet
d’initier une réflexion et un débat autour de
l’économie. C’est suffisamment rare pour être souligné
et pour féliciter France Télévision de cette initiative
courageuse. L’information, en tant que contrarien nous le savons bien,
cela peut déranger.
Un déni
généralisé de la gravité de la situation
Or les réactions «
populaires » sont unanimes et très, très
négatives. Les insultes à caractère professionnel
proférées à l’encontre de Monsieur Pujadas sont
très nombreuses. Cela va de « rendez votre carte de presse
» à « vous ne savez plus ce que c’est
qu’informer » en passant par « vous êtes un
incompétent ».
Mais quelle incompétence y
a-t-il à évoquer des scénarios ? Quelle
incompétence y a-t-il à vouloir faire «
réfléchir » ?
Voici quelques commentaires
représentatifs que j’ai sélectionnés pour vous
Monsieur X
« Nuls hier soir les 2 pseudos
scenarii pour 2013.
Si les présentateurs ont voulu
faire peur aux Français, c'est gagné !
Pourquoi avoir voulu faire ces clips
dont l'un était trop pessimiste et l'autre trop optimiste, à
quoi ont joué les concepteurs ?
Il aurait été plus
raisonnable de rester dans "l'information" !
Le téléspectateur veut de
l'information, pas du baratin dirigé, aucun journaliste ne sait plus
travailler, sans faire transpirer ses opinions, et essayer de les faire
partager.
INFORMATION, pas science-fiction ou
commentaires tendancieux ! »
Pour Monsieur X, ce reportage «
fait peur ». Il faut bien comprendre que personne, personne à
part quelques rares « pessimistes » dont je revendique faire
partie, n'accepte l’idée que nous ne sommes pas mieux que les
Grecs ou les Espagnols et que ce qui leur arrive… va sans doute nous
arriver aussi, même s’il y aura certainement quelques
différences.
La « peur » qu’a
suscitée ce scénario est l’un des reproches les plus
nombreux faits à notre chaîne nationale. Nos concitoyens ne
veulent pas avoir peur. Ils veulent pouvoir continuer tranquillement leur
rêve d’État-providence éternel.
Ou encore le commentaire de Monsieur Y
plutôt laconique.
« Le journal
télévisé est sorti de son rôle c'est le moins que
l'on puisse dire ! »
Aucune réflexion, aucun recul,
juste un agencement fort d’être dérangé pendant son
dîner sur ses certitudes de bien-être matériel
éternel.
Ou encore le commentaire de Monsieur Z,
l’un de mes préférés.
« David Pujadas et
François Lenglet ne sont plus dans leur rôle de journalistes.
Ils font de la politique fiction, et devraient être sanctionnés
pour de tels débordements. Ils sont payés par A2 pour informer,
pour renseigner, et non pour mettre la pagaille dans la tête de
certains qui sont un peu faible d'esprit.... ».
Pour Monsieur Z, il faudrait
carrément « sanctionner de tels débordements » car
tenez-vous bien, cela « met la pagaille dans la tête de certains
» qui pourraient commencer à comprendre ce qui pourrait se
passer… et cela ne doit surtout pas arriver pour que le rêve
général puisse se poursuivre.
Ce que l’on voit à travers
ces commentaires, c’est que les gens ne veulent en
réalité pas être informés. L’information, la
vraie justement, ils ne veulent pas l’entendre. Les
téléspectateurs et les citoyens eux-mêmes deviennent
leurs propres autocenseurs. C’en est remarquable de bêtise et
aussi de tristesse.
La rigueur sera forcément pour
les autres
Pendant les fêtes, c’est
bien sûr l’occasion de se retrouver en famille et entres amis. Ce
fut bien sûr mon cas.
J’ai constaté une nouvelle
fois le déni de la réalité, déni qui
s’exprime qui plus est en fonction des « préoccupations
» de la personne concernée.
Aimant bien mettre une ambiance saine
dans les dîners en ville au plus grand désarroi de mon épouse
qui désespère de faire un jour de son époux un Homme
« sortable » et « politiquement correct », je
n’ai pas résisté à quelques provocations
intellectuelles.
Première cible : une copine
médecin, charmante et intelligente de surcroît. « Dis-moi
copine, toi qui est docteur, tu sais qu’en Grèce et en Espagne
on ne trouve plus de médicaments ou très difficilement car les
laboratoires pharmaceutiques qui ne sont plus payés ou
remboursés ne livrent tout simplement plus les pharmacies, quels sont
les cinq médicaments les plus importants que tu stockerais au cas
où… surtout pour les enfants ? »
Sa réponse : « Tu sais, il
est impossible qu’il n’y ait plus de médicaments en
France. Ils supprimeront les retraites, mais de quoi soigner on aura toujours
ce qu’il faut… » Circulez, il n’y a rien à
voir, et ne demandez pas à un médecin d’imaginer exercer
la médecine sans pouvoir prescrire une liste à la
Prévert de cachets modernes.
Deuxième cible : les
retraités de la famille. « Alors ? Êtes-vous prêts
à une baisse importante de vos pensions de retraites dans les mois qui
viennent (ça c’est pour faire très peur) ? »
Leur réponse unanime ? «
Impossible qu’ils baissent les retraites et les pensions (ce qui est le
cas partout en Espagne, en Grèce on n’en parle même pas,
et même au Royaume-Uni ou aux États-Unis) ! »
Pourquoi ?
Parce que nous, les retraités,
nous représentons un poids électoral trop important !
Brillant raisonnement. « Oui mais
les caisses sont vides, donc comment vont-ils payer vos retraites ? »
« Ho, ils couperont dans les dépenses de la sécu et
rembourserons moins les médicaments… On augmentera un peu les
taxes et la CSG mais on continuera à payer les retraites. C’est
impossible de ne plus les payer. »
Impossible, sans doute comme en
Grèce. Impossible, sans doute comme en Espagne, au Royaume-Uni ou aux
États-Unis, où les séniors vivent au mieux très
« petitement », et le plus souvent, travaillent à des
âges surprenants pour des salaires de misère, ou doivent se
contenter de bons d’aides alimentaires.
Le déni se poursuit
Alors cette nouvelle année
s’ouvre sur des stations de ski qui ont fait le plein de touristes pour
les fêtes. Les huîtres n’ont jamais été aussi
cher (j’en sais quelque chose), les retraites ont été
payées, les chômeurs ont été indemnisés,
les médicaments ont été remboursés.
Le déni
généralisé peut se poursuivre en ce début
d’année. Je ne suis pas inquiet pour le début
d’année, il y a de l’inertie dans l’économie
et la Grèce a mis cinq années avant d’en arriver à
sa situation actuelle.
Mais hélas, pour beaucoup, la
deuxième partie de l’année 2013 sera certainement celle
de la prise de conscience que la situation devient vraiment difficile pour
tout le monde, et pas uniquement pour le voisin.
Le réveil sera douloureux pour
la grande majorité des gens, c’est ce que nous montre ce
reportage que France Télévision a eu le courage de
diffuser… Et qui sait, si l’objectif n’était pas aussi,
justement, de commencer à préparer la population
française à un futur compliqué et à une
austérité douloureuse, car il ne faut pas se leurrer,
l’austérité heureuse cela n’existe pas.
Alors encore une fois, je vous
présente tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année
qu’à mon sens vous devrez consacrer avant tout à la
protection de votre patrimoine et de votre famille pour vous permettre
d’aborder au mieux la plus grande période d’incertitudes économiques
que nous avons jamais eu à affronter depuis la Seconde Guerre
mondiale.
Bon courage.
Au fait, ma femme, me dit qu’elle
vous souhaite à tous une excellente année, qu’il ne faut
pas trop m’écouter, que je suis un indécrottable
pessimiste... si c’est ma femme qui le dit !!
Charles SANNAT
Directeur des Études
Économiques Aucoffre.com
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