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Des (mauvais) économistes aux commentateurs
économiques, l'unanimité est quasi totale. "Un état
n'est ni un ménage, ni une entreprise ! Il ne peut obéir aux
mêmes règles de gestion ! Son rôle économique est
différent !" - Et de justifier, ainsi, 37 années
consécutives de déficits budgétaires dont les niveaux
croissants aboutissent à des niveaux d'endettement dont nous pouvons
envisager qu'ils deviennent insoutenables.
J'ai beau retourner la question dans tous les sens, je ne vois pas pourquoi
l'état ne devrait pas être géré
"presque" comme une entreprise. Avec un bilan convenablement tenu
et un compte de résultats digne de ce nom, et
bénéficiaire de surcroît.
Analogies entre comptes d'un état et comptes d'entreprise.
Il est vrai que même des économistes par ailleurs loin
d'être stupides nous affirment (enfin, je suppose,
"affirmaient") sans rougir que "la dette publique est un faux
problème". J'ai, dans un (trop) long billet passé,
expliqué pourquoi leur raisonnement, vrai en flux (compte de
résultat), était faux en bilan et que de là venaient nos
ennuis. Il n'est pas inutile d'y revenir, mais en version courte.
Imaginons que nous considérions le produit fiscal de l'état
comme son "chiffre d'affaires". Ok, philosophiquement, c'est plus
que discutable, pour ne pas dire tiré par les cheveux, mais, en
mettant de côté l'aspect coercitif de l'impôt, celui-ci
est bien le prix que "la société" (hem)
"accepte" (re-hem), via le processus
démocratique, de payer pour les services et prestations rendus par
l'état, quand bien même leur qualité est chaque jour un
peu plus déplorable. Bref, comptablement
parlant, "produit fiscal = chiffre d'affaires" est une analogie
correcte.
En fin d'exercice, tant les entreprises que les états affichent un
"bénéfice" ou un "déficit". Pour les
entreprises, ce résultat net est calculé à partir du
compte de résultat. Pour l'état, c'est le sacro-saint
"budget" qui sert de référence. Là encore, les
différences entre les deux notions existent, et là, c'est
même au niveau comptable que l'on peut chipoter. Le
"déficit" de l'état s'apparente plus à un
résultat d'exploitation incluant le service de la dette, avant
dotations aux amortissements (que l'état ignore) et impôts (que
l'état ne se paie pas à lui-même), mais enfin, là
encore, arrachons des soupirs de rage aux puristes et acceptons l'analogie
imparfaite mais pas stupide "solde budgétaire = résultat
net".
Bien que l'état ne publie pas de "bilan", c'est à
dire d'état de son patrimoine à un instant T donné, il a
un bilan.
Ce n'est pas parce qu'il ne se donne pas la peine d'en établir la
liste qu'il n'a pas d'actifs, et nous ne savons que trop bien qu'il a une
dette. Et donc nous pouvons calculer ses fonds propres (FP=actifs - dettes ;
peuvent être négatifs). Simplement, il est très
imprécis et les politiques ne s'y réfèrent pas. Mais un
bilan n'est pas qu'une pièce comptable, il est la
représentation d'une réalité patrimoniale. Ce n'est pas
parce qu'il n'y a pas de bilan "officiel" que cette
réalité n'existe pas.
Quand l'état
perd de l'argent...
Nous avons vu que lorsque une entreprise effectue un exercice déficitaire,
elle voit ses fonds propres se réduire, mécaniquement. Elle met
donc souvent en place les mesures suivantes :
- Réorganisation interne et évolution de l'offre commerciale,
en vue de réduire le déficit, voire de redevenir
excédentaire rapidement : restauration d'un profit.
- Si cela ne suffit pas, ventes d'actifs non vitaux et diminution des stocks
pour que la dette n'augmente pas d'autant que le déficit, et donc que
ses ratios d'endettement ne deviennent pas insoutenables. Ou encore
augmentation de capital par dilution des actionnaires existants.
L'état, lui, agit différemment.
- Succession de 37 années déficitaires, augmentant sa dette et
réduisant ses fonds propres, sans aucun effort tangible et soutenu
dans le temps d'amélioration des résultats.
- Politique de gestion intelligente de ses actifs permettant de privatiser ce
qui peut l'être au meilleur moment pour réduire son recours
à la dette uniquement par intermittence, et pratiquement
stoppée depuis 2002. Au contraire, extension du
périmètre incontrôlée à travers la caisse
des dépôts, le grand emprunt, etc...
- Aucun abandon de "secteur d'activité" non
stratégique pour augmenter l'efficacité de son intervention,
efficacité dont les critères d'évaluation sont, au
demeurant, fort vagues.
Vous me direz que "la finalité de l'état n'est pas
d'accroitre indéfiniment ses fonds propres". Nous sommes bien
d'accord, mais l'état a besoin d'un appareil de production valide pour
rendre les services pour lesquels les ... (hem) "clients" -analogie
uniquement comptable, je répète- paient, pour l'instant sans
trop se révolter.
Un service au rapport qualité prix dégradé...
Or, de l'état lamentable des voies SNCF hors TGV, au
délabrement de nos tribunaux, en passant par celui de notre police,
sans oublier nos universités catégorie "tiers monde",
nos hôpitaux dont le taux d'équipement en matériels de
pointe est en queue de peloton européen, et j'en passe, force est de
constater que l'appareil de production public ne s'apprécie pas, et de
fait, ses performances non plus. Oh, j'ai oublié nos avions de chasse
et les navires qui les portent dont la maintenance fait peine à
voir... Les exceptions à ce tableau très sombre sont rares.
En fait, seules quelques entités que l'état a placées en
position d'être gérées comme des entités
privées, en directe concurrence avec elles, échappent parfois
au massacre.
Bref, tout porte à croire que l'actif de l'état se
déprécie fortement, menaçant sa capacité à
remplir les missions qu'ils s'est attribuées
(à tort ou à raison, mais c'est un autre débat). Ce
n'est pas sans conséquences sur sa capacité à faire
rentrer de l'argent dans ses caisses.
... Qui obère l'économie marchande
D'abord, parce qu'une part croissante des entrepreneurs regardent
de près le rapport qualité prix de l'Etat des pays dans
lesquels ils pourraient s'implanter avant de choisir. Et je ne parle pas ici
que des grandes multinationales, non. La PME du limousin peut aussi choisir
de s'agrandir en France ou à l'étranger, et l'étudiant
un peu dynamique d'aller fonder sa start up
à Dublin ou en Suède plutôt que dans un des merveilleux
pôles de compétitivité que le monde ne nous envie pas.
Les témoignages de "clients" (ahemmm,
je sais...) qui "votent avec les pieds" et vont domicilier leur
base fiscale ailleurs se multiplient.
Et malgré les biais utilisés par l'agence "France
Investissements" pour faire croire que la France est attractive, la part
réelle de notre pays dans les décisions d'investissements
nouveaux productifs est déclinante. Enfin, les contribuables captifs
déploient des trésors d'ingéniosité,
légale ou pas, pour réduire leur facture fiscale.
Tout indique par conséquent que le patrimoine non pas des
français (que considèrent certains
péri-économistes, comme si l'état pouvait à tout
moment l'accaparer), mais simplement de l'état Français, a une
valeur comptable nette assez inférieure à ses dettes, et de
toute façon, la revente d'une trop grande part de ce patrimoine
l'empêcherait de remplir "ses" missions, ou plutôt
celles qu'il croit devoir nous imposer.
Par conséquent, seul un retour à un très fort solde
budgétaire positif, c'est à dire un résultat net positif
(après paiement des intérêts de la dette, et non avant,
comme le disent les même péri-économistes qui ne savent
pas lire un bilan) peut permettre à l'état de retrouver un
semblant de solvabilité, et encore, je n'inclus même pas
l'exigence pourtant criante de la remise aux normes les plus actuelles de son
appareil productif.
L'état a donc un ratio de levier ("gearing")
quasi infini, une rentabilité des actifs qui s'étiole, et des
actifs de moins en moins liquidables. Mais tout va bien, vous dit-on,
"l'état n'est pas une entreprise..." !
Le "unfair advantage"
de l'état
L'état, comptablement
parlant, ne doit sa survie qu'à ce que j'appellerais "l'inertie
démocratique" : les contribuables, mes "clients", sont
en grande majorité captifs, et les électeurs suffisamment
divisés et "accros" aux sucreries socialement accoutumantes que l'état-dealer leur distribue
pour qu'ils ne soient pas en mesure de se révolter contre lui, ce qui
ferait chuter son chiffre d'affaires, exploser son déficit, et
provoquerait sa faillite, faute de prêteurs...
C'est cette capacité à exercer sur les contribuables une
coercition dont l'aspect volontaire apparait de plus en plus évanescent
qui a poussé les prêteurs à croire qu'un état aux
caractéristiques comptables si peu flatteuses méritait une
évaluation maximale en terme de sécurité du
remboursement, d'où cette notation AAA qui a donné confiance
aux investisseurs, sans les inciter à réfléchir un peu
plus sur la réalité de cette évaluation.
Cela pourrait donner lieu à un long débat sur
l'immoralité de l'usage de la dette par l'état, puisque la
promesse de remboursement est liée à une promesse d'extorsion
future. Mais je laisse les questions d'éthique de la dette publique
pour d'autres occasions.
Et donc, jusqu'ici, non seulement l'état a pu assurer le
renouvellement de ses tranches de dettes arrivées à
échéance (dans la presse : "roll over"), mais aussi
trouver des pi... des acheteurs pour financer
l'extension de son endettement.
Aujourd'hui, les limites du système sont clairement
dépassées en Grèce, atteintes en Espagne, et en voie de
l'être en France.
"La faillite, nous voilà !"
Nous en sommes au point où toute tentative d'augmenter brutalement le
"chiffre d'affaires" de l'état se soldera soit par une
hausse réelle du produit fiscal très inférieure à
la hausse escomptée, soit... une baisse du chiffre d'affaires, par
l'effet de désincitation des agents
productifs, alias "Effet Atlas Shrugged",
ou encore "Effet Laffer". Les
contribuables rappelleront plus ou moins durement à l'état
qu'ils ne sont pas tout à fait des "clients totalement
captifs", soit en manifestant, soit en fraudant, soit en
délocalisant leur base taxable quand ils le pourront.
Toute fuite en avant dans l'endettement se heurtera très vite à
la barrière de la confiance : faute de croissance suffisante du PIB,
voire faute de croissance tout court, la capacité à augmenter
le chiffre d'affaires de l'état par simple effet "règle de
trois" à taux de pression fiscale constante sera nulle. Or,
l'état a des charges croissantes, faute de savoir modérer sa
demande salariale...
Et donc arrivera très vite le moment où les créanciers,
d'abord, exigeront un taux d'intérêt "italien", puis
peut être "grec", et enfin, ne voudront plus simplement
assurer le "roll over" de la dette arrivée à
échéance. Ce jour-là... Défaut, ruine des
épargnants, grippage bancaire généralisé, et,
certainement, troubles à l'ordre public incontrôlables nous
attendent, ce qui entrainera une nouvelle chute du chiffre d'affaires de
l'état, etc... Naturellement, d'autres états subiront le
même sort, ce qui augmentera l'instabilité politique mondiale au
moment où nous nous en passerions bien.
L'état, un agent économique ordinaire
Il est temps d'arrêter de croire que l'état a des vertus
"créatrices de valeur" différentes des autres agents
économiques, qui lui permettraient on ne sait trop comment de
créer plus de valeur qu'il n'en détruit, tout en
dégradant son bilan. Malgré l'importance qu'il a prise en
pourcentage du PIB, la valeur de l'état ne vaut que par la valeur
ajoutée qu'il apporte à ses "clients", tout comme
pour une entreprise lambda. La seule différence est que si
l'entreprise lambda n'apporte pas cette valeur à ses clients,
l'entreprise oméga prend sa place. Le service rendu reste
assuré, et la faillite de l'entreprise lambda n'a pas de
conséquences durablement négatives pour l'ensemble de la
société(*).
Si l'état, lui, se révèle mauvais, tant pis pour les
payeurs de l'impôt, clients captifs et résignés. Du coup,
il réduit la capacité des contribuables à faire
croître le reste de l'économie. Et si la mise en défaut
survient, les remous dans l'économie seront imprévisibles...
De même que prendre l'argent des contribuables ou des prêteurs
pour "sauver" des canards boiteux ou, plus simplement, permettre le
co-financement de projets structurellement non rentables, revient à
accorder une prime à la médiocrité, et donc
réduit la richesse globale, prendre ce même argent pour sauver
LE canard boiteux ultime, l'état, est encore plus destructeur de
valeur. Jusqu'ici, le secteur privé a réussi le quasi miracle
d'augmenter suffisamment sa productivité pour, tout de même, arriver
à faire croître l'économie malgré le parasitisme
croissant du secteur public. Mais nous arrivons clairement à la fin de
ce cycle de croissance hors de contrôle des états providence
financée par une société civile qui n'en peut mais.
Gains de productivité : nécessaires mais pas suffisants
Si l'agent économique le plus important en volume ne réalise
pas les gains de productivité que le secteur privé a fait, il
finira par être en cessation de paiement, et entrainera une grande
partie de l'économie avec lui. Seul sa nature coercitive a rendu le
processus plus lent que pour une entreprise privée, mais sauf
changement de cap radical, la fin est écrite : "droit dans le
mur".
Mais l'état, entre autres caractéristiques
désagréables, est quasi-inerte. Les "efforts de
productivité", à périmètre constant, ne
produiront que des effets lents et d'un montant parfaitement marginal par
rapport aux sommes nécessitées par son redressement. Donc
l'état ne peut espérer redresser l'abîme comptable dans
lequel il se trouve par de simples ajustements de type RGPP (Revue
Générale des Politiques Publiques), qui n'en sont
pas moins indispensables, mais insuffisants.
Gérer le redressement de l'état comme celui d'une entreprise
Par conséquent, l'état, compte tenu de sa situation, et par
analogie avec une grande entreprise au bord du dépôt de bilan,
doit :
- Vendre ses actifs non stratégiques et licencier les personnels
concernés, qui doivent trouver un autre employeur, c'est à dire
réduire son bilan pour réduire sa dette. Cela revient à
réduire considérablement son périmètre
d'intervention, et privatiser tout ce qui peut l'être. A terme, rien de
ce qui n'est pas "régalien", c'est à dire de l'ordre
de la sécurité des personnes et de la propriété,
n'a vocation à rester dans son giron.
- Comme cela ne suffira pas, il doit réduire ses "interventions
extérieures", et pas qu'un peu. Par interventions
extérieures, il faut comprendre aides sociales et subventions au
secteur privé lucratif ou non, poste de dépense qui n'existe
pas dans une entreprise, mais qui est aujourd'hui au coeur
de la machine étatique.
- Diminuer son chiffre d'affaires (les impôts), pour accroître la
part des autres agents dans l'économie, et donc permettre un
redémarrage de la croissance générale. Dans un tout
premier temps, il serait déjà bon qu'il ne les augmente pas.
- Se concentrer sur les gains de productivité de type RGPP uniquement
sur les secteurs d'intervention qu'il choisira de garder. Moins
dispersé, il sera, espérons-le, plus efficace dans la
réforme.
Tout ceci doit conduire l''état à dégager un profit
(#Excédent) AVANT OPERATIONS EXCEPTIONNELLES (privatisations) et APRES
dotation aux amortissements, suffisant à la fois pour remettre en
état l'appareil productif des fonctions qu'il jugera bon de garder, et
augmenter ses fonds propres. De surcroît, il devra :
- Utiliser exclusivement les recettes exceptionnelles de privatisation pour
réduire le recours à l'endettement, et donc éviter de
céder au chantage "à la cagnotte" qui agite les
syndicats à chaque fois que les recettes sont plus
élevées que le budget prévisionnel ne l'espérait.
- Les actifs vétustes rendus au secteur privé, pour la plupart,
retrouveront une utilisation plus rentable, ou au pire seront détruits
et remplacés par d'autres.
- L'état ne votera plus seulement un "budget" (#compte
d'exploitation prévisionnel) mais tiendra un "bilan", et
sera astreint à faire des "bénéfices" qu'il
utilisera d'abord pour réduire sa dette, puis, lorsqu'il sera
désendetté, pour accroître encore les réductions
d'impôts. Il sera géré comme une entreprise dont nous
serions les actionnaires.
Dans l'idéal, le mandat des dirigeants devrait être
réduit, comme dans l'entreprise, et en cas de dégradation de la
situation financière, un audit négatif d'une super-cour des
comptes pourrait provoquer le licenciement des incompétents en place
avant le terme normal prévu par le mandat. Mais je suppose que la
révolution culturelle sous-tendue par ce paragraphe repousse sa mise
en oeuvre à une échéance plus
lointaine...
Conclusion
Tout milite pour un recentrage aussi rapide que possible de l'état sur
sa mission régalienne(**) (défense
extérieure, garantie de la propriété et justice
intérieure), la société civile locale et les
collectivités du même nom entrant dans une saine concurrence
pour assurer les prestations qu'il devra abandonner. Ce recentrage doit
s'accompagner d'une mise en place de méthodes de gestion
financière de type privé ainsi que d'une rénovation
drastique des outils de la comptabilité publique et des critères
de bonne gestion dérivés de ces outils.
Ces efforts n'éviteront peut être pas une mise en cessation de
paiement, car la France n'est pas seule, et si tous nos partenaires
commerciaux souffrent, nous en subirons le contrecoups.
Mais dans ce cas, les changements de paradigme ci-dessus ne seront plus
simplement nécessaires, ils seront forcés, sauf prise de
pouvoir de forces autoritaires niant les libertés individuelles et
l'économie de marché. Je n'ose y penser.
Et enfin, contre l'avis de presque tous les imbéciles qui se croient
économistes parce que des facultés aussi
étatisées que leurs doctrines faillies
leur ont donné un parchemin valant argument d'autorité à
vie, il faut traiter l'état comme une entreprise comme les autres. Ou
presque.
Si nous n'y arrivons pas ? Achetez des boules quiès,
car les claquements des bottes des milices fanatisées et les cris des
vieilles dames que l'on égorge dans la nuit seront assourdissants.
Vincent
Bénard
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