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Grands monopoles publics et économies d'échelle : l'impossible rêve des étatistes

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Publié le 04 février 2008
2152 mots - Temps de lecture : 5 - 8 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Si vous vous  laissez entraîner dans une discussion sur le terrain de la privatisation des services publics, vous risquez fort de rencontrer des contradicteurs qui, sans être pro-activement étatistes, vont émettre un certain nombre d'objections à l'idée de remplacer un monopole public par une offre privée multiple.

 

"Oui, tu comprends, au lieu d'avoir un service unique dont les clauses sont étudiées par des experts et des parlementaires, on devra comparer des dizaines d'offres privées, dont certaines relèveront du pur margoulinage: les gens se feront avoir".

 

Si votre interlocuteur est un peu plus pointu, il vous affirmera que "les gains de productivité attendus dans la production du service lui même seront intégralement mangés par les frais induits par la concurrence: nécessité de faire de la pub, d'entretenir autant de réseaux commerciaux que de sociétés en concurrence, de verser une marge aux actionnaires: nous paierons au final plus cher". 

 

Et s'il a vraiment potassé quelques livres plutôt à gauche sur le sujet, il fermera le débat en affirmant que "si les entreprises se regroupent pour être plus efficaces, alors pourquoi le regroupement ultime, l'état, ne le serait pas ?" et d'enfoncer le clou: "La preuve: depuis la privatisation de la poste en suède, le prix du timbre a augmenté" (*). Derrière l'apparente rationalité de ces arguments, se dissimule en fait de lourds contresens, alimentés par notre propension naturelle à vouloir minimiser nos efforts et nos risques. 

 

Agir coûte : coûts de transaction vs. coût des règles

 

L'économiste Ronald Coase a expliqué, dans quelques articles magistraux qui allaient lui valoir un prix Nobel d'économie en 1991, que d'un point de vue théorique, les transactions étaient supérieures à la loi pour résoudre les difficultés qui naissent des interractions entre individus. Mais il a également montré que si les individus devaient, pour chacun de leurs actes, négocier avec toutes les personnes avec lesquels ils doivent interagir, alors le « coût  de la transaction » induit par l'action deviendrait trop élevé et empêcherait la conclusion des transactions, au plus grand préjudice de tous. Voilà pourquoi les individus tendent à s'organiser au sein d'entités régies par des règles et des codes, des "firmes", qui, en substituant à la transaction des règles et des processus en leur sein, réduisent ces coûts ("La nature de la firme", 1937 - résumé en Français ).

 

Par extension totalement abusive de ce raisonnement, certains justifient le recours à des monopoles d'état comme le  moyen ultime de réduire les coûts de transaction. Leur raisonnement (qui se réfère rarement à Coase, dont ils n'ont pour la plupart jamais entendu parler) peut être schématisé ainsi : si, en remplaçant la transaction par des règles dans l'espace limité de la firme, celle ci parvient à être plus efficace, alors l'extension de la règle à l'ensemble de la société augmentera l'efficacité collective.

 

Un exemple récent: les socialistes suisses ont tenté d'expliquer – heureusement, sans succès - à leurs citoyens, qu'une caisse unique d'assurance maladie réduirait les frais de structures par rapport à ceux des 92 compagnies qui actuellement se battent pour conquérir le client. "92 services comptables, 92 bureaux du marketing, 92 services de paie, 92 réseaux de vente, tout ceci est il bien sérieux ? Une caisse unique réduira les coûts induits". Et les étatistes de conclure que si les firmes opèrent des fusions et acquisition en vue de réduire leurs frais de back-office, pourquoi le monopole public, vendu ici comme le stade ultime de la fusion acquisition, ne constituerait pas à son tour le meilleur moyen de réduire ces coûts ? L'argument est utilisé dans l'autre sens, par exemple pour nous expliquer que la libéralisation de l'électricité ou des postes augmenterait le coût global supporté par le consommateur.

 

L'argument est facilement réfutable. La raison en est simple: la règle réduit les transactions à l'intérieur de la firme, mais celles ci reprennent leurs droits à l'extérieur, forçant l'entreprise à revoir ses règles internes si celles ci sont moins efficaces que celles en vigueur chez la concurrence, voire à externaliser certains processus, ce qui revient à revenir en arrière et substituer des coûts transactionnels à des coûts de règles internes lorsque ceux-ci dérapent.

 

Lorsqu'une offre devient monopolistique, les termes de la transaction fixés par l'offreur deviennent de facto "la" règle imposée à tous hors de toute possibilité de transaction, réduisant considérablement l'incitation à rendre les règles internes de l'organisation plus efficientes. Si la réduction des coûts de transaction par les firmes privées est infiniment supérieure à celle opérée par l'état, c'est parce que la concurrence entre firmes les oblige à conserver ces coûts, qu'ils soient ceux de la transaction ou ceux issus de l'application de règles,  au niveau le plus bas possible. Dans ce domaine comme dans tous les autres, seule la concurrence réduit les coûts !

 

Seule une logique de marché concurrentiel, sans barrière à l'entrée de nouveaux offreurs ni frein légal aux fusions-acquisitions entre eux, permet de déterminer le meilleur compromis entre la  "granularité" nécessaire de l'offre et le niveau de concentration permettant des économies d'échelle, afin de proposer la gamme de rapports qualité-prix la plus attrayante à l'ensemble des consommateurs.

 

... Mais la concurrence entre firmes ne transfère-t-elle pas une partie du coût de transaction sur le consommateur final ?

 

La logique des coûts de transaction s'applique aussi au consommateur final. Si celui ci a le choix entre 50 assureurs pour sa couverture maladie, il devra passer du temps à comparer des offres, à déterminer celle qui lui convient le mieux... Et à encourir les foudres de ses proches s'il se trompe en lisant mal une de ces clauses écrites en bas et tout petit. Bref, à titre individuel, chaque transaction a un coût "financier" (en temps passé) et un coût "émotionnel" (peur  de faire un mauvais choix).

 

L'état n'hésite pas à se présenter comme l'ultime réducteur de ces coûts individuels. Prenons à nouveau le cas d'une assurance maladie publique monopolistique comparée à une offre privée diversifiée. Reconnaissons qu'aller négocier "le bout de gras" avec plusieurs assureurs n'est pas une façon toujours agréable d'occuper ses loisirs. Le monopole public jouit de ce point de vue d'un apparent avantage marketing: prélèvements automatiques, pas d'alternative possible, tiers payant souvent pris en charge de façon souvent transparente, clauses étudiées par des technocrates souvent perçus comme "des experts" travaillant " au nom de l'intérêt général" et "sous contrôle politique"... Pas besoin de distraire de précieuses minutes de son temps libre pour de fastidieuses séances de choix de fournisseur, l'état-Nounou fait tout ça pour vous ! Et si vous êtes mal remboursé, ce n'est pas parce que vous avez signé un mauvais contrat, c'est parce que "c'est comme ça": vous avez une excuse facile ! C'est sur cette paresse naturelle de l'individu, qui cherche à diminuer l'effort et le risque qu'il consent en vue d'obtenir un résultat, que jouent parfois les monopoles publics pour justifier leur existence: avec eux, vous ne vous fatiguez pas et vous êtes sûrs de ne pas vous tromper tant que vous oubliez de réfléchir à ce qu'ils vous coûtent vraiment !

 

Ceci dit, cette argumentation pro-étatiste est de moins en moins facile à vendre. Tout d'abord, des intermédiaires spécialisés dans la réduction des coûts de comparaison des offres profitent de l'éclosion de l'âge de l'information disponible partout tout le temps et à coût très bas pour prospérer. MeilleurTaux.com, Kelkoo, E-bay et les forums d'utilisateurs sont de fabuleux économiseurs d'énergie individuelle pour se repérer dans une jungle d'offres pléthoriques !

 

D'autre part, il devient de plus en plus difficile, pour ces monopoles publics, de masquer le fait que le coût de leur inefficacité dû à l'absence de concurrence surpasse de très loin celui de l'investissement personnel nécessaire à un individu pour exercer sa capacité de choix. De plus en plus de gens comprennent qu'avec le monopole public, ils sont peut être sûrs de ne pas se tromper, mais ils sont absolument certains de se faire avoir... Les suisses l'ont bien compris en mars 2007. Les Français qui tentent massivement de fuir l'éducation nationale en inscrivant leurs enfants dans l'enseignement privé sont en train de s'en rendre compte aussi.
 

 

Un autre exemple:  nous devons aujourd'hui étudier les offres téléphoniques d'une poignée d'opérateurs téléphoniques (sans compter les MVNO), ce qui n'est pas toujours facile, mais l'on se rappelle encore du temps où même les communications locales étaient facturées fort cher à la minute, et où France Télécom mettait plusieurs semaines à installer une ligne. De plus en plus de personnes comprennent qu'un peu de temps ''perdu'' à sélectionner le service le plus adapté à ses besoins et à son budget est largement compensé par le rapport qualité-prix de l'offre disponible.

 

Gageons qu'à l'avenir, ces arguments relatifs aux différents coûts de transactions ne pourront plus être fallacieusement détournés par les monopoles étatiques pour justifier leur existence. Mais en attendant, cette dialectique reste couramment employée et rencontre encore un certain écho, nourri par la paresse naturelle des individus envers les transactions qui ne leur apportent pas de plaisir immédiat.

 

Petits départements ou grandes régions ?

 

La même logique nous est servie pour justifier la nécessité de supprimer les petits échelons administratifs que sont les communes et les départements, au profit de grandes entités que sont les "communautés de communes" et les régions. Deux arguments nous sont servis à ce stade: le premier est que "des grandes entités peuvent lancer de grandes politiques", ce qui devrait faire peur à tout libéral digne de ce nom, le second est que "les coûts bureaucratiques seraient réduits" suite à un tel transfert : moins d'assemblées, de services comptables, de bureaux du personnel, etc... Rêves d'énarque que tout cela.

 

Tant la théorie que l'expérience nous montrent que ce second argument ne vaut rien. Lorsque, sur une aire géographique correspondant à un bassin d'emploi donné, plusieurs collectivités sont en concurrence pour offrir le meilleur rapport "prix prestations" aux habitants, alors elles tendent à être mieux gérées et plus efficaces. L'IEDM montre, dans une étude bien documentée, que les fusions de communes moyennes au sein de grandes métropoles unifiées (Toronto, Montréal, entre autres) a conduit à un désastre en terme de qualité de gestion et de projets mis en oeuvre. Le même constat d'échec peut être tiré des mégafusions municipales conduites aux USA depuis les années 60-70. La situation antérieure, où des entités plus petites collaboraient sur certains projets mais restaient globalement en concurrence, coûtait moins cher au contribuable et procurait globalement une meilleure satisfaction quant à la qualité des services financés par l'argent public.  Aucune approche théorique ne peut montrer qu'il en irait différemment si les compétences de conseils généraux étaient transférés à de véritables petits états que sont les régions.

 

Cela ne signifie pas qu'il convient de ne rien faire concernant la prolifération de structures publiques qui se marchent les unes sur les autres en France, mais la fusion d'entités de taille petite ou moyennes au profit de méga-institutions, en réduisant la concurrence interstructurelle, est sûrement la pire des solutions que l'on puisse imaginer : à problème mal posé, réponse inadéquate. J'y reviendrai en détail dans les jours à venir.

 

Conclusion : too big, too bad !

 

Les arguments liés aux économies d'échelle que l'on peut attendre d'un monopole, réduisant le nombre de "fonctions support" (GRH, paye, comptabilité, publicité, etc...) nécessaires pour permettre aux opérationnels d'accomplir une mission donnée, sont fondamentalement erronés. Seuls des mécanismes concurrentiels efficaces peuvent déterminer le bon équilibre entre taille et nombre de structures accomplissant une mission ou une prestation commerciale pour des clients ou des usagers.

 

-------
(*) Au fait, et notre prix du timbre scandinave cité au premier paragraphe, pourquoi a-t-il augmenté ? Et bien, d'une part parce que le gouvernement suédois a taxé cette marchandise redevenue profitable, et d'autre part parce qu'il a supprimé toute forme de subvention déguisée aux opérateurs de courrier.  le prix hors taxe, n'a pas augmenté plus vite que l'inflation, et n'exclut plus aucun coût caché transféré sur l'impôt.

 

Vincent Bénard

Objectif Liberte.fr

Egalement par Vincent Bénard

 

Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones dédiés à la diffusion de la pensée libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement, crise publique, remèdes privés", ouvrage publié fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de marché pour y remédier.

 

Il est l'auteur du blog "Objectif Liberté" www.objectifliberte.fr

 

Publications :

"Logement: crise publique, remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat

Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république, bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc française, avec Pierre de la Coste

 

 

Publié avec l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent Bénard.

 

 

 

 

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