A la suite du défaut du gouvernement grec, et peut-être même avant, les
banques grecques se retrouveront insolvables et incapables de verser des remboursements
à leurs créditeurs. Qu’est-ce qu’un gouvernement devrait faire dans une telle
situation ?
Une
banque devient « insolvable » lorsque la valeur de ses actifs est
inférieure à celle de ses passifs. Avec le temps, une banque peut également
devenir non liquide – incapable d’emprunter de l’argent, et donc d’effectuer
des paiements – parce que les gens n’apprécient pas de prêter à des entités
insolvables. Les banques grecques ont pu s’en sortir jusqu’à présent grâce
aux prêts qui leur ont été accordés par la Banque centrale européenne, mais
la situation pourrait bientôt changer, peut-être même d’ici quelques jours.
Il y a
deux manières de répondre à cela : la première est d’accroître la
quantité d’actifs bancaires, possiblement au travers d’un investissement
gouvernemental. C’est ce qu’on appelle une « recapitalisation », et
lorsque le gouvernement est impliqué, un « bail-out ». Mais pour ce
faire, il faut de l’argent – 48 trillions d’euros dans le cas de la Grèce,
avant bail-out – et les termes de l’investissement sont souvent si peu clairs
qu’il s’agit plus d’un cadeau fait aux banquiers et à leurs créditeurs.
L’autre manière est de diminuer la quantité de passifs, ce qui signifie une
certaine dose de pertes pour les créditeurs de la banque, dont ses déposants.
Une fois cet ajustement comptable effectué, la banque, en bien meilleure
santé financière, peut rouvrir ses portes. Ce procédé est parfois connu sous
le nom de « vacances bancaires », un terme qui montre que, lorsque
le système financier est temporairement suspendu, il n’y a pas grand-chose
qui puisse être fait sinon passer la journée dans un parc.
L’insolvabilité
et la réorganisation des banques, comme le défaut souverain, sont considérées
comme des évènements concevables, un peu comme un tremblement de terre catastrophique
à Los Angeles, mais qui ne se produisent jamais. Ce point de vue n’est pas
correct. La Federal Deposit Insurance Corporation, qui est responsable de ce
processus aux Etats-Unis, a listé 513 faillites
bancaires depuis le début 2008.
Dans le
cas de ces banques américaines, les déposants assurés n’ont pas été affectés,
mais les déposants non-assurés et les autres créditeurs ont enregistré une
perte partielle ou totale. Les actifs, passifs et opérations des banques en
faillite ont été vendues à des banques plus importantes. Les banques ont
ensuite rouvert leurs portes, souvent sous le même nom que la banque
acheteuse. Les gens qui possédaient des dépôts auprès d’elles se sont
retrouvés avec des dépôts auprès de la banque acheteuse. C’est une transition
qui ne coûte habituellement rien au FDIC, puisque les dépôts assurés sont
inférieurs à la valeur des actifs restants. Ultimement, tout n’est question
que d’ajustement de registres. (J’ai déjà abordé
ce sujet en détails dans une série
d'articles publiés entre 2008 et 2011. J’y ai également consacré un
chapitre entier de mon livre, Gold: the Monetary Polaris.)
L’une
des premières banques à avoir été soumise à ce processus a été Washington
Mutual, qui a été fermée par l’Office of Thrift Supervision en septembre
2008. A la fin 2007, les actifs de la banque s'élevaient
à 328 milliards de dollars, ses passifs s’élevaient à 188 milliards de
dollars, elle disposait de 2.239 succursales et employait 43.198 personnes.
La banque a rapidement été vendue à JP Morgan Chase ;
et les anciennes succursales ont rouvert sous le nom de Chase. Les anciens
clients de Washington sont devenus des clients de Chase.
En mars
2014, le système bancaire grec disposait environ de 319 milliards d'euros
d'actifs dans 19 institutions grecques, dont 93% étaient détenus par les
quatre plus grosses banques. A l’inclusion des succursales de banques
étrangères, il y avait 2.688 succursales et 45.654 employés de banque dans le
pays.
En
d’autres termes, le système bancaire grec est à peu près de taille
équivalente à celle de Washington Mutual – pour ne pas mentionner les 512
autres banques que le FDIC a réorganisées ces dernières années.
Comme
c’est le cas pour de nombreuses banqueroutes, ce genre de situation ouvre la
porte à toutes sortes de criminalités. Cet élément criminel a déjà été
intégré dans la loi sur les bail-ins, adoptée par une majorité des pays
développés dont la Grèce. La législation sur les bail-ins contourne le
parcours judiciaire actuel des banqueroutes, le système autrefois mis en
place pour éviter un pillage des non-riches, des non-puissants et des non-politiquement-connectés.
La
récente loi sur les bail-ins adoptée
en novembre dernier suite à une réunion du G20 rend spécifiquement les
produits dérivés de passifs supérieurs aux dépôts non-assurés. C’est là pratiquement
une garantie de voir les déposants non-assurés des banques émettrices de
produits dérivés se retrouver ruinés. Ce pourrait également représenter un
Armageddon pour les fonds du marché monétaire, qui aujourd’hui sont
principalement des conduits pour les financements bancaires. En revanche, aussi
terrible que cela puisse être, ce pourrait ne pas être un problème pour
les petites banques grecques, qui ne sont typiquement pas impliquées sur les
marchés des produits dérivés.
(Les
accords du G20 rendent également les passifs des banques issus des actifs de
leurs clients inférieurs à tout autre passif sécurisé, ce qui ouvre la porte
à tous les abus.)
Il
serait bon de voir le gouvernement grec s’intéresser à ce que tout cela
signifie, avant d’être traîné vers l’abattoir par ses conseillers étrangers
aux airs serviables.
Les
banques grecques ont besoin de passer par une restructuration. Cela signifie
que certains créditeurs enregistreront des pertes, bien qu’ils puissent
obtenir des actifs dans le cadre d’un swap pour devenir les actionnaires
d’une nouvelle banque en meilleure santé. Les banques elles-mêmes n’auraient
pas besoin d’être fusionnées, vendues ou liquidées, et pourraient poursuivre
leurs activités et conserver leurs actifs. Elles devraient être capables de
rouvrir leurs portes sous quelques jours sous la forme de banques propres et
en bonne santé – peut-être même en meilleure santé que les autres banques
d’Europe. Le gouvernement ne devrait rien avoir à dépenser.
Les
gouvernements ne devraient pas avoir à s’inquiéter de ce phénomène, ou encore
à l’abandonner à des entités étrangères qui ne prennent pas à cœur les
meilleurs intérêts des Grecs. Ils devraient guider le processus afin qu’il
parvienne à la meilleure issue possible : une distribution tolérable et
juste des pertes entre les créditeurs, et la prévention de nouvelles
activités criminelles afin que le système bancaire puisse être ramené à la
normalité.
C’est
beaucoup demander à un gouvernement que de gérer un défaut souverain et
réorganiser le système bancaire, tout en gardant un œil sur l’opinion
publique et maintenant des relations étrangères sereines. Mais parfois, des
choses doivent être faites. Surtout quand il n’existe pas de meilleure
alternative.
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