Les
mâchoires de la tenaille étaient trop dangereusement
serrées, il a finalement été nécessaire de les
desserrer. Ce qui montre bien que « quand on veut, on
peut ! ».
Contrairement
à ce qui se profilait, les 17 sont donc parvenus à
l’arraché à prendre trois décisions. La
première correspond à une victoire de la BCE, qui a obtenu
– comme elle ne cessait de le demander – que le fonds
européen de stabilisation financière soit autorisé
à acheter à sa place des obligations d’Etat sur le
marché primaire (lors de leur émission). La seconde que les
montants pouvant être mobilisés par le fonds pour des sauvetages
ultérieurs passeront de 250 à 440 milliards d’euro, par
le seul biais d’une augmentation des garanties des Etats qui le
financent. La troisième, enfin, concerne la Grèce, qui a obtenu
sa remise de peine, sous forme d’une baisse du taux
d’intérêt de l’Union européenne et d’un
rallongement de la durée de son prêt.
Les
marchés, qui manifestaient leur grande nervosité,
pourront avoir le sentiment qu’ils ont été entendus, et
l’on verra lundi quelle détente effective il en résultera
sur le marché obligataire ! La Grèce, qui était au
bord de l’effondrement, a gagné un répit. Des moyens
supplémentaires ont été accordés au fonds. Les
dirigeants européens ont une nouvelle fois gagné
in extremis du temps, car ils n’avaient en réalité plus
les moyens de refuser de mettre la main au portefeuille. La BCE va pouvoir
replier son éventaire et stopper ses achats d’obligations. Les
Allemands régler entre eux leurs comptes. Toutes les autres questions
restent posées.
Dans
l’immédiat, celle de l’Irlande, qui a refusé le deal
proposé et d’échanger une baisse du taux de son
prêt contre une augmentation de celui de l’impôt sur les
sociétés. Il faudra attendre le sommet de l’Union
européenne des 24 et 25 mars pour qu’un compromis soit
probablement trouvé. On ne sait pas ce que le Grecs ont
pour leur part concédé.
Dans
la nuit de vendredi à samedi, les dirigeants européens ont
changé de nom le pacte qu’ils ont signé. Il n’est
plus de compétitivité mais est devenu « le pacte
de l’euro ». Une tentative de l’associer à la
monnaie commune, moins suspecte de mauvaises intentions aux yeux du public
que la compétitivité. Celles-ci demeurent
néanmoins, même si leur formulation est nettement moins
contraignante pour les Etats que celles de la version initiale du pacte
présentée par les Allemands. L’intention demeure, si
l’arme est émoussée, on verra à l’usage.
Le
fragile édifice, qui a été un peu consolidé, va
continuer d’être attentivement scruté, pour voir où
de nouvelles lézardes apparaissent. D’une certaine
manière, l’apparition de celles-ci viennent
d’être anticipées par la décision
d’accroître les disponibilités du fonds et
également d’aligner le taux de ses futurs prêts sur celui
du FMI, moins élevé, diminuant la hauteur de la barre à
franchir en cas de sauvetage.
Ce
dispositif renforcé et allégé continue
d’éluder l’état du système bancaire, et
repose toujours sur l’idée qu’il faut uniquement donner
aux banques le temps de se renforcer, afin d’absorber
ultérieurement l’impact de dévalorisations d’actifs
qu’elles diffèrent. Les péripéties
déjà entamées de la seconde vague des stress tests
bancaires expriment on ne peut mieux cette stratégie des trois
petits singes.
Un
fragile mécanisme a donc été mis en place, qui repose
sur une lente progressivité des mesures de renforcement des fonds
propres des banques, une grande mansuétude quant à
l’examen des bilans des banques, ainsi que l’absence de toute
sérieuse mesure de régulation du casino. Mais comme le montre
aujourd’hui de la manière la plus évidente
l’exemple espagnol, ce calcul repose sur des hypothèses sujettes
à caution.
Sur
quoi, en effet, reposent les divergences importantes
d’appréciation entre la Banque d’Espagne et les agences de
notation à propos des besoins de financement du système
bancaire espagnol ? Sur des prévisions de tenue du marché
immobilier, avec leurs conséquences sur la dévalorisation
à venir des actifs immobiliers. Or l’opacité continue de
régner dans les calculs officiels, ce qui amène les experts
à considérer comme peu crédibles les estimations qui en
découlent.
On
n’est plus dans le film catastrophe à court terme, mais
l’on reste toujours sur le fil du rasoir. La seule chose que les
dirigeants européens savent faire, c’est faire durer la crise
plus longtemps dans l’espoir qu’elle se résolve par
elle-même. Il semble bien que ce soit la commande qu’ils ont reçue.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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