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Ils ont inventé la crise perpétuelle…

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Paul Jorion.
Publié le 17 mai 2010
2181 mots - Temps de lecture : 5 - 8 minutes
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Rubrique : Editoriaux





Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Après la téléconférence des ministres des finances du G7 de la fin de la semaine dernière, présentée de la manière la plus anodine possible une fois révélée de Tokyo, ceux de l’Eurogroupe vont se retrouver une nouvelle fois à Bruxelles lundi matin. Avec une grosse question à l’ordre du jour : comment stopper la chute brutale de l’euro, qui a repris ?

Ils vont devoir faire face à une situation paradoxale : les marchés, après s’être inquiétés de l’ampleur des déficits publics et avoir réclamé des mesures énergiques pour les diminuer, craignent maintenant que ces mêmes mesures n’entravent la croissance économique…

Wolfgang Schäuble, le ministre allemand, vient de prévenir dans le Spiegel qu’il va plaider pour la mise en place d’un « programme concerté » de réduction des déficits budgétaires. Angela Merkel a appelé les membres de la zone euro à « mettre de l’ordre dans leurs finances publiques » et à « améliorer leur compétitivité ». Mais les Allemands sont en retard d’un train, une nouvelle fois.

Dénoncer la simple spéculation sans en chercher les raisons, comme ils s’y tentent, sans les combattre, c’est se résoudre à perdre d’avance la bataille qui est désormais engagée à l’échelon supérieur. Exit la Grèce, bonjour l’Europe. Crier au diable ne l’a jamais fait renoncer. C’est lui qui imprime sa marque aux événements, reléguant les gouvernements – à la tête des Etats – dans un rôle subalterne qu’ils cherchent à nier contre toute évidence.

Jean-Claude Trichet, président de la BCE, qui cultive le genre mesuré et ferme, vient de reconnaître que les marchés se trouvent « dans la situation la plus difficile depuis la deuxième guerre mondiale, voire depuis la première (…) Nous avons vécu et vivons des temps véritablement dramatiques » a-t-il poursuivi, révélant que, la semaine dernière, « les marchés ne fonctionnaient plus, c’est presque comme  au moment de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008″.

A propos du krach boursier intervenu aux Etats-Unis le 6 mai dernier, qu’il a interprété comme un avertissement, Ben Bernanke, le président de la Fed, vient de déclarer qu’ »il n’y a pas de possibilité d’éliminer les crises financières, même les plus graves, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune occasion significative de réduire les risques et les effets ». Il pourra toujours dire, maintenant, qu’il avait prévu la prochaine, bien qu’il pourrait mieux faire et expliquer comment sortir de l’actuelle.

En attendant, il élève les crises financières au rang de catastrophe naturelle, justifiant l’intervention de l’Etat pour en réparer les débats à sa façon, annonçant que, tout comme les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques, nous ne pouvons que les subir sans même savoir les prévoir. Il justifie les sacrifices à venir sur l’autel d’une rigueur qui n’est qu’une croyance travestie. Est-ce bien raisonnable ?

Tirer le bon petit fil rouge met pourtant à portée la résolution de la crise actuelle. Le fil qui a été choisi n’avait d’attaché que la réduction des déficits publics grâce à un mélange de mesures d’austérité et fiscales, que va-t-il réellement offrir au bout ? Pourtant, si au cours de cette pêche miraculeuse deux autres fils étaient saisis avec adresse, permettant d’attraper pour les démêler l’inséparable duo formé par la dette privée et publique, soudées dans une relation incestueuse, le gros lot serait en vue.

Venons-en aux faits. Contre toute vraisemblance, on continue de soutenir que le système bancaire est redevenu solide sur ses pieds, au vu de ses résultats trimestriels qui se succèdent sur un mode flamboyant. Ce qui est démenti par les nouvelles mesures adoptées par la BCE, dont l’objectif prioritaire est, une fois encore, de venir au secours des banques. Car ce choix a bien été fait, sans naturellement être explicité. L’option en a été également vivement recommandée outre-Atlantique, comme en témoignent les largesses sans façon du FMI ainsi que les interventions de Barack Obama et de la Fed, qui se sont mis à craindre une contagion systémique atteignant les banques américaines.

Avec la bénédiction de tous, la BCE achète désormais des obligations d’Etat sur le marché secondaire, c’est à dire aux banques. Elle prête à celles-ci, avec un intérêt de 1% et en quantité illimitée, de la liquidité, c’est à dire des fonds. Ce qui leur permet en toute sécurité de souscrire aux émission des Etats, dont les obligations seront rachetées. Quand on utilise des mots simples, le mécanisme n’a rien de compliqué ! Et que l’on ne vienne pas chipoter sur ces obligations que les banques s’étaient engagées auprès de leur gouvernements à ne pas céder, et dont ne sait plus très bien dorénavant où elles se trouvent…

Il reste donc de petits mystères à percer, ceux qui font toute la beauté étrange d’une banque centrale, enveloppée dans d’opaques voiles (défendant son intégrité avec opiniâtreté, un vote unanime du Sénat américain vient de réaffirmer celle de la Fed, qui a consenti à un petit examen de la Cour des comptes pour éviter le pire). Ainsi, on connaît le taux auquel la BCE prête de l’argent aux banques, mais on ne sait pas à quel prix elle leur achète leurs obligations d’Etat. Si c’est au prix du marché, les banques enregistrent une moins-value pour les obligations qu’elles avaient dans leurs livres. On ignore également si des limites de volume ou de temps ont été fixées à cette intervention.

Ne faisons pas les difficiles, ce mécanisme a déjà fait descendre les taux obligataires des sommets qu’ils avaient atteints. Le hic est qu’ils ne sont pas redescendus à des niveaux supportables, ce qui fait problème pour la suite. Car cela implique la poursuite de l’intervention de la banque centrale. Les Etats en situation de faiblesse, et qui auront été soutenus, ne pourront en effet pas revenir pour se financer sur le marché auquel ils sont actuellement soustraits. Serions-nous une nouvelle fois placés dans un cas de figure, déjà rencontré, face à des mesures qui – une fois mises en application, comme l’ont été les injections de liquidité – ne peuvent plus être rapportées  ?

Si cela devait se confirmer, la pente serait glissante qui amènerait la BCE, toute honte bue en raison de ce reniement suprême, à pratiquer stricto sensu une politique de création monétaire. Qui ne doit pas être automatiquement associée à la relance de l’inflation, car où se trouveront les liquidités déversées, une fois que les banques en auront bénéficié. Dans l’économie ? peu probable. Dans ces conditions, l’inflation qu’elles relanceront risquera fort d’être celle des actifs, et non celle des prix à la consommation ou à la production. Celle-là n’est pas mesurée, on croit à tort pouvoir respirer !

On se focalise sur la création monétaire et ses dangers, fort bien, et l’on oublie le principal d’entre eux : la bulle des actifs qui continue d’enfler. Dans ce système qui marche sur la tête, c’est donc le prix à payer pour dégonfler la dette publique ! Il risque d’être à nouveau élevé, lorsque la bulle éclatera car c’est son destin, impliquant un nouveau sauvetage du système financier. Le capitalisme financier a inventé la crise perpétuelle.

Va-t-il être possible de nier pendant longtemps – non plus la poursuite lancinante de la crise, car ce ne serait plus crédible – mais une autre incontestable et douloureuse vérité ? De toute urgence, c’est le système bancaire qui devrait faire l’objet de toutes les attentions (mais pas les mêmes qu’actuellement). C’est ainsi seulement que la question de la dette publique pourra entrer sur le bon chemin de son règlement. Dans le couple maudit dette privée / dette publique, il a été fait une mauvaise pioche qu’il est possible de réparer : ce ne sont pas les banques qu’il faut financer, afin qu’elles achètent de la dette publique pour la revendre, au profit de leurs spéculations financières ; c’est la dette publique qu’il faut réduire en imposant aux banques de subir le coût de l’opération.

En d’autres termes, tenter de leur interdire telle ou telle activité périlleuse par des mécanismes par nature imparfaits, leur permettre d’augmenter leurs fonds propres en les laissant à nouveau utiliser pour y parvenir des artifices, essayer de réguler l’inréglable, ou de tout faire reposer sur un impossible calcul des risques, c’est rester à la surface des choses. Cette régulation-là sera toujours à côté de la plaque.

S’attaquer au marché en lui faisant assumer le coût de la crise, à concurrence de l’accroissement brutal de la dette publique qui en a résulté du fait de ses acteurs, est la seule solution réaliste. Car le niveau sans précédent atteint par la dette publique n’a pas d’autre origine que la crise financière et ses conséquences. Une fois ceci admis, comment croire que c’est en serrant les dépenses d’investissement et de fonctionnement des Etats que l’on va pouvoir régler le problème ? C’est ce tromper de cible et, de plus, prendre tous les risques de ne pas y parvenir. C’est cela ou alors l’inflation, agitée comme un spectre. Que l’on ne vienne pas nous dire que l’on est contre cette dernière afin de protéger le petit rentier, il a bon dos dans l’affaire !

Décréter une forte décote de la dette publique, sélective afin de choisir sa cible et d’épargner ceux qu’il ne faut pas ruiner, n’est pas une mince affaire ; évidemment présentée comme impossible. Les lobbies des hedge funds britanniques n’utilisent pas un autre argument pour s’opposer à la réforme européenne en cours, ils se découvrent les plus ardents défenseurs des charities, ces fonds de bienfaisance dont les budgets sont grossis par leurs spéculations. Ceux qui aux Etats-Unis s’opposent à la régulation des produits dérivés, se réfugient derrière la défense des intérêts des entreprises et producteurs qui s’en servent effectivement comme des assurances, comme des terroristes qui font de leurs victimes des remparts.

Certes, une action résolue de cette nature opérerait une ponction brutale à la masse des capitaux dits flottants, dont l’horizon n’est que la spéculation. Cela reviendrait à faire non pas oeuvre de Dieu, mais de salut public. En complément avec l’interdiction des paris sur les fluctuations des prix, qui restreindrait très considérablement la taille du terrain de jeux, et empêcherait de recommencer la partie. Il n’y a pas trente six mille manières pour remettre à sa place l’activité financière et stopper sa fuite en avant.

« Les riches peuvent payer », dit la sagesse populaire quand elle n’applaudit pas à un Robin des Bois de fortune. En l’occurrence, la dynamique d’une telle mesure irait plus loin que ne l’a été le généreux brigand de Sherwood. Car le système bancaire tout entier serait emporté dans un implacable maelstrom, impliquant de le remettre ensuite d’aplomb. Ce qui pourrait avoir été anticipé, cette fois-ci. Nous nous retrouverions dans la situation qui a suivi la chute de Lehman Brothers, mais pour procéder tout autrement. En ressortissant, pour l’appliquer, le schéma inventé par Willem Buitter qui proposait de sortir les dépôts des banques (devenues des bad banks) pour, sous l’autorité de la puissance publique, les placer dans de nouvelles banques (appelées good banks), qu’elle créerait. (Il ajoutait en vue de les privatiser ultérieurement, pour être honnête, mais ne précipitons pas les choses !).

Ce schéma – purement théorique à ce stade, est-il besoin de le souligner, mais sur quoi les autres reposent-ils ? – réglerait de nombreux problèmes. Il aurait, entre autre avantage, de ne pas essayer de résoudre un problème d’endettement par l’empilement de nouvelles dettes. Une logique sans fin que le FMI voudrait bien briser, si la possibilité lui en est accordée, en s’engageant dans une politique de super création monétaire, une échappatoire de plus. Qu’il pourrait opérer dans le cadre d’une restructuration globale du système monétaire international, par contre inévitable.

Ce qui va advenir est totalement imprévisible, mais il peut être par contre affirmé, sans risque de se tromper, que ce ne seront pas des demi-mesures qui permettront de sortir de la crise actuelle, telle qu’elle est engagée et ne cesse de rebondir. Est-ce que cela n’autorise pas à préconiser une solution radicale, car de toute manière celle qui sera tentée le sera, quelle qu’elle soit ? A proposer alors de changer de système, en arguant que cela ne sera pas un drame, en tout cas moins que de vouloir à tout prix le sauver ? Mais tout dépend, il est vrai, du point de vue où l’on se place.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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