La
leçon de la crise grecque est immédiate, alors qu’elle
n’est pas encore résolue : rien n’est réglé,
tout s’est encore compliqué, et pas uniquement seulement au plan
financier. Quelle que soit la formule politique qui parviendra à
émerger, l’Etat grec n’est pas devenu solvable pour autant
et la société va continuer de traverser une crise profonde. La
solution d’un gouvernement d’unité nationale, si elle
parvient à être mise sur pied, ne donnera pas davantage de
légitimité à un pouvoir à qui il a
été trop demandé et qui a trop exigé.
D’autres
pays au bord de gouffre et qui s’apprêtent à changer de
gouvernement – l’Espagne et l’Italie, pour commencer
– ne vont pas plus trouver à cette occasion de solution à
une équation qui n’en possède pas, telle qu’elle est
posée. Les dirigeants européens sont entraînés
vers le fond par la dynamique de leur stratégie. Ils peuvent se
succéder, se coaliser, s’unifier, ils n’en restent pas
moins démunis à l’arrivée. En France,
l’opposition socialiste se révèle incapable de formuler
une alternative construite, alors qu’elle s’approche du pouvoir.
La
crise est donc politique, au sens qu’elle traverse tout le monde
politique. Mais elle s’exprime également dans la défiance
généralisée, quand ce n’est pas l’opprobe, qui touche les élus sans exception. Dans
la conviction profondément ancrée qu’ils ne sont pas
à la hauteur, incapables de régler les problèmes
qu’ils prétendent gérer. Sans parler de la
légèreté de leur conduite dans tous les domaines, qui en
dit long sur leur sentiment d’impunité.
Sous-jacente,
se profile l’idée que les Etats-Nations ne sont plus à la
mesure d’une finance mondialisée devenue folle, rendant
inopérants des systèmes de représentation
démocratique nationaux. Un vide s’installe, affolant ceux qui
dénoncent immédiatement le populisme, amalgamant tout ce
qui n’est pas dans leurs cordes.
Dans
le camp des autorités, le mot d’ordre reste de tenir envers et
contre tout. En considérant comme un mal nécessaire
l’élargissement des zones de pauvreté, le
développement des petits boulots informels destinés
à la survie, ainsi que la montée de la précarité,
qui se poursuit. En jouant sur l’angoisse et le découragement,
sur le sentiment qu’il n’y a rien à faire,
encouragé par des discours d’opposition qui prônent aussi
le recours à la responsabilité, en l’occurrence à
la soumission.
Sauvent
l’honneur ceux qui continuent de s’indigner, recueillant la
sympathie d’une opinion publique désarmée.
Déterminés et utilisant des tentes de sans abri comme
symbole de leur protestation, accueillant pour les nourrir les exclus du
voisinage. Tout un programme !
Les
rebondissements imprévus de la crise ne s’arrêteront pas
en si bon chemin. Le besoin qu’a ressenti George Papandréou de
consulter les électeur grecs, par delà ses calculs, exprime la
nécessité que les gouvernements ressentent de trouver des
points d’appui lorsqu’ils font défaut et que la crise
sociale dérive vers le chaos. La manœuvre a tourné court,
laissant le problème entier.
La
situation sociale et politique devient progressivement toute aussi instable
que le système financier. Désormais globale, la crise incite au
partage d’une vision libératrice qui le soit aussi.
Présentée
comme solution, la gouvernance économique européenne en
est à l’exact opposé. Porteuse non pas d’un
déficit mais d’un gouffre démocratique.
Billet
rédigé par François Leclerc
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