Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Pauvres
« jeunes pousses » (green shoots), la dérision leur
pendait au nez, et ça n’a pas manqué : Mr.
Roubini les évoque aujourd’hui
comme « mauvaises herbes jaunissantes susceptibles de se transformer en
fumier brun ». Pourtant, je les avais encore entendues prises au
sérieux pas plus tard que la semaine dernière à Paris.
Bon,
elles appartenaient depuis leur apparition au vocabulaire de la
méthode Coué mais nombreux avaient été ceux qui
en parlaient avec solennité, en Grande-Bretagne comme aux
États–Unis, Mr. Bernanke en premier.
Elles
n’étaient pas seules bien entendu, il y avait aussi «
l’après crise ». Je suis intervenu la semaine
dernière à un colloque intitulé « Après la
crise… » et j’ai été interviewé ce
matin-même par un quotidien sur le thème du « monde de l’après
crise ». Vous faire parler des jeunes pousses où de
l’après crise, ça rappelle un peu la question vicieuse
que se posent les enfants : « Tu n’as pas oublié de mentir
? ». C’est un piège : à moins de répondre,
comme je n’ai pas hésiter à le faire dans les deux cas,
que la question est absolument prématurée - au risque de passer
pour un empêcheur de danser en rond - on est bien obligé de dire
quelque chose du genre : « L’après crise, ben…
euh… tout ira beaucoup mieux ». Ouf de soulagement : oui,
c’est exactement cela qu’on voulait vous entendre dire !
Il faut
dire que les éléments se conjuguent à faire jaunir les
pousses : pour le chômage américain, on tournait une fois de
plus en juin autour du demi-million d’emplois perdus, et
l’immobilier résidentiel – toujours au cœur de la
crise, je vous le rappelle, ça ne va vraiment pas non plus. Allez,
dans le désordre : les ventes d’appartements à New York
ont baissé de plus de 50 % en un an ; les demandes de crédits
immobiliers résidentiels ont plongé de 19 % en une semaine en
raison de la remontée des taux ; les saisies de logements
d’emprunteurs « prime » sont en hausse de 22 % en un
trimestre et le chiffre total des saisies pourrait d’ailleurs atteindre
cette année 2,5 millions – un record absolu ; les crédits
« modifiés » pour sauver des emprunteurs au bord de la
saisie connaissent un taux de rechute au bout d’un an de 63 %, ce qui
n’est pas très étonnant quand on apprend que la «
modification » du crédit consistait dans 70 % des cas à
rajouter les paiements en retard et les pénalités au principal
encore dû, et je n’ai encore rien dit de l’immobilier
commercial…
«
Jeunes pousses » et « après crise » ont donc du
plomb dans l’aile mais il en reste encore : « lueur
d’espoir », « bout du tunnel », la liste est longue !
Paul Jorion
pauljorion.com
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Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ?
(La Découverte : 2007).
Les vues
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