John Exter
(1910-2006)
Après avoir quitté le lycée en
1932, John Exter a poursuivi ses études d’économie
à l’université d’Harvard. Ce qu’il voulait, c’était comprendre la cause de la
Grande Dépression qui avait mis un terme à l’activité économique aux
Etats-Unis et dans le reste du monde lors de son enfance.
En tant que banquier et
économiste, Exter était destiné à une carrière
légendaire. Après avoir été membre du MIT durant la seconde guerre mondiale,
il intégra l’administration de la Réserve Fédérale en tant qu’économiste. En
1950, il fonda et dirigea la banque centrale de Ceylon.
En 1953, il fut nommé chef de
division du Proche-Orient à la Banque Mondiale. Il retourna à New York en
1954 pour occuper la place de vice-président des relations internationales et
des opérations sur les métaux précieux à la Réserve Fédérale. En 1959, Exter quitta la Réserve fédérale pour devenir
vice-président de First National City Bank (aujourd’hui Citigroup) et
responsable des relations avec les banques centrales et les gouvernements
étrangers.
Comment Exter,
un économiste, un banquier central et un banquier d’investissement, a-t-il pu
faire fortune sur l’or ? C’est l’histoire que nous raconte W A Wijewardena, gouverneur adjoint de la banque centrale de Ceylon dans son article intitulé John Exter:
Central Banker For All Times et publié le 28 février 2006, un an après
le décès d’Exter à l’âge de 95 ans.
Ayant fait fortune sur le
marché de l’or grâce à sa propre expertise et pour avoir su discerner les
conséquences inévitables des mesures irresponsables du système bancaire central,
Exter prit sa retraite anticipée en 1972 pour
ouvrir son cabinet de conseil privé.
Selon ses propres dires,
l’idée de faire fortune sur l’or lui vint après un débat amical qu’il eut en
1962 avec son ami de Harvard et lauréat du Prix Nobel Paul Samuelson.
Ensemble, ils ont discuté
de l’affaiblissement du dollar et du fait que les Etats-Unis perdaient de
l’or. Le diagnostic d’Exter était basé sur son
expérience à la Réserve Fédérale : ‘Paul, c’est très simple. La Fed
imprime trop de dollars qui affluent vers les banques centrales étrangères
qui ensuite demandent à les échanger contre de l’or’.
Mais Paul Samuelson n’a pas
accepté son argument et a tenté d’expliquer la maladie financière de son pays
en termes d’écarts de productivité entre les Etats-Unis et les autres pays,
tout particulièrement l’Europe et le Japon. Selon Samuelson, la productivité
de ces nations était plus importante que celle des Etats-Unis, c’est pourquoi
le dollar s’affaiblissait.
Exter aurait
pourtant expliqué à Samuelson que le Japon faisait face à des difficultés
bien plus grandes que les Etats-Unis, parce que la banque du Japon imprimait
des billets de banque bien plus rapidement que n’importe quelle autre banque
centrale du monde.
Exter s’était rendu compte que les dépenses
excessives de l’administration Kennedy ne pourraient en aucun cas favoriser
la stabilité du dollar et qu’un jour, l’or deviendrait l’actif de référence
de par le monde.
Il a donc converti son
épargne en or et a attendu patiemment. Il fut grandement récompensé lorsqu’en
1971 le gouvernement Américain fut forcé d’annuler la convertibilité du
dollar en or et de laisser le prix de l’or être déterminé par le marché
libre.
En
l’espace d’une nuit, le prix de l’or est passé de 35 à 70 dollars l’once. Il
en a bien entendu été de même pour le portefeuille d’Exter.
En 1971, Exter
était au centre des discussions sur l’or aux Etats-Unis. Le président Nixon,
qui décida de fermer le guichet de l’or en 1971, était influencé par les
idées de Milton Friedman et pensait que les dynamiques de marché libre
réguleraient bien mieux les devises papier que la discipline rigide de l’or.
Mais Friedman se trompait.
Paul Volker, secrétaire
adjoint du Trésor sous l’administration Nixon, demanda à Exter
son avis sur la question. Exter lui recommanda
d’augmenter le prix de l’or afin qu’il corresponde à la pression qui était
alors portée sur le dollar. Volker lui répondit que c’était politiquement
impossible. La seule solution était donc de fermer le guichet de l’or, ce que
Nixon fit deux semaines plus tard.
Exter commenta plus tard cette
décision :
Le dernier lien qui
subsistait entre l’or et le dollar a été rompu. Le dollar n’est désormais
rien de plus qu’une devise fiduciaire et la Fed est désormais libre d’élargir
la base monétaire à son bon vouloir. La conséquence en sera bien entendu une
explosion de la dette.
Gold Wars, Ferdinand Lips, Foundation for the Advancement of
Monetary Education, New York (2001)
Aujourd'hui, Exter est plus connu pour ce que l’on appelle la
‘pyramide inversée de John Exter’, un exemple de ce
qu’il se produit lors d’un effondrement déflationniste lorsque les
investisseurs fuient des actifs non-liquides pour d’autres actifs offrant
plus de sécurité et de liquidité.
LA PYRAMIDE INVERSEE DE
JOHN EXTER
L’erreur fatale du paradigme
des banquiers n’est autre que leur orgueil. Les économistes les ont
convaincus qu’en imprimant de la monnaie, ils pourraient atteindre le plein
emploi (Keynes) ; que sans l’or, les marchés libres seraient capables de
stabiliser les devises (Friedman) ; et qu’en élargissant la base
monétaire, une dépression pourrait être évitée (Friedman) – ou combattue par
le biais de l’emprunt (Keynes).
Les Keynésiens de gauche et
les Friedmaniens de droite étaient convaincus
que la gestion de la monnaie papier
par les banques pourrait mieux fonctionner sans l’or, et qu’un château
construit sur du sable était bien plus solide qu’un château construit sur du
roc. Mais comme on l’entend parfois dire, si la pensée n’a pas de limites,
l’irréflexion n’en a pas non plus.
Exter, un ami de Ludwig von
Mises, était membre de l’école Autrichienne, une discipline économique
dédaignée par les économistes qui préféraient les opportunités apparentes du
crédit et de la dette. Après une discussion quant aux idées Autrichiennes d’Exter, Paul Samuelson lui a dit : ‘Tu as peut-être
raison, John, mais tu es bien le seul’.
Lors d’une conversation que
j’ai moi-même eue avec la fille d’Exter, Jane Exter Butler, cette dernière m’a confessé qu’elle aurait
aimé que son père puisse vivre assez longtemps pour pouvoir observer de ses
propres yeux l’effondrement économique qu’il avait prédit. Exter est décédé en 2006, deux ans avant l’effondrement.
Je lui ai répondu que j’étais
certain que son père n’avait pas besoin d’une telle preuve. Il avait la
certitude d’avoir raison. Il avait raison à l’époque, et il a encore raison
aujourd’hui.
JOHN
EXTER : LA DEPRESSION ET L’OR
La bonne compréhension
qu’avait Exter des facteurs économiques lui a
permis de prédire avec précision les évènements économiques à venir. Il était
certain qu’une dépression se profilait à l’horizon et qu’elle serait bien
pire que celle des années 1930. Voici l’extrait d’une interview de John Exter datant de 1981 :
J’ai
vécu la Grande Dépression. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je sais ce
qu’elle a fait aux gens. Je me souviens du taux de chômage de 25%. Et cela ne
me fait certainement pas plaisir de dire que la dépression à venir sera bien
pire.
Un jour viendra où le prix des propriétés
diminuera tant que les acheteurs les plus récents perdront l’ensemble de
leurs fonds propres. Lorsque cela se produira, ils se demanderont sûrement
pourquoi ils doivent continuer de payer leur banque. Il se pourrait bien que
naissent des défauts sur prêts immobiliers et que les saisies se multiplient.
Plus
de saisies signifie également plus de pression sur les valeurs immobilières.
Lorsque les gens feront défaut de leurs dettes, les ennuis se multiplieront.
C’est la raison pour laquelle je pense impossible d’éviter un effondrement du
secteur bancaire.
Je
pense que les gens sont très nombreux à se rendre compte qu'une dépression
approche, ou que les temps se font de plus en plus difficiles. Lorsque vos
revenus diminuent et que vous êtes endetté, le fardeau que représente votre
dette devient insupportable et vous faites tout pour emprunter plus. Je pense
que le gouvernement répondra à la déflation en alimentant l’inflation.
Attendons-nous à de très importants déficits budgétaires. Quant au dollar, il
ne vaudra bientôt plus rien.
La
Réserve Fédérale a déjà fait défaut. Lorsque je n’étais encore qu’un jeune
homme, la Fed devait rembourser ses obligations en or à hauteur de 20,67
dollars par once. Chacun d’entre nous pouvait se rendre à la banque avec un
billet de 100 dollars et demander cinq pièces d’or de 20 dollars. Pour
maintenir ce système en place, la Fed aurait dû éviter les emprunts de court
terme et les prêts de long terme. Mais elle ne l’a pas fait. En conséquence,
les dollars en circulations ne représentent aujourd'hui plus des promesses de
paiement. Ils ne sont plus que des obligations de rien du tout.
Le
papier n’a aucune valeur en tant que valeur de réserve. La seule chose qui
puisse donner au dollar de la valeur est la promesse qu’il puisse être
échangé contre un actif de valeur par la personne qui le détient. Le
gouvernement n’a pas tenu sa promesse, et ses obligations ne valent désormais
rien de plus que le papier sur lequel elles sont imprimées.
Tôt
ou tard, le public réalisera que le dollar n’a plus aucune valeur. A mesure
que la crise s’intensifiera, les débiteurs commenceront à faire défaut de
leur dette ; et à mesure que s’installeront la dépression et la
déflation, l’or entrera à nouveau en jeu en tant que valeur de réserve par
excellence.
Je
trouve ces mots difficiles à prononcer en tant que banquier, mais s’il est un
conseil que je puisse vous donner, c’est de rester loin des banques. Les
dépôts bancaires sont des obligations papier. Une banque vous doit des
billets de la Fed. Et même les billets de la Fed ne valent rien. Une banque
est tout ce qu’il y a de pire, parce qu’elle-même pourrait faire défaut de sa
promesse de vous payer vos billets de papier. Retenez bien ceci : l’or
ne fait jamais défaut.
2013 :
BEN BERNANKE ET SHINZO ABE, LES CO-SPONSORS DE L’EFFONDREMENT DEFLATIONNISTE
PREDIT PAR JOHN EXTER
En octobre 2011, Jay Taylor,
un expert en actions sur l’or, interviewait le beau-fils de John Exter, Barry Downs. Au cours de cette interview, Downs a
discuté des signes contre lesquels nous mettait en garde Exter,
ceux qui annonçaient l’arrivée d’un retournement économique.
Au sein des économies basées
sur le crédit, la dette doit augmenter constamment parce que si elle ne le
fait pas, c’est un signe que l’économie entre une phase dangereuse. Et si la
dette se contracte, la situation est bien pire, puisqu’elle signale une
dépression déflationniste. En 2008, comme l’a précisé Downs, la dette des
Etats-Unis a commencé à se contracter.
Note : l’interview de
Barry Downs par Taylor se trouve entre les minutes 20 et 30 : http://www.voiceamerica.com/episode/56715/pondering-the-possibilities-of-a-greater-deflationary-depression
.
C’est pourquoi la Fed, la banque du Japon, la banque
d’Angleterre et la BCE continuent d’emprunter dans une tentative désespérée
de sauver le schéma Ponzi du crédit et de la dette
qui les a jusqu’à présent si bien servi.
Exter aurait dit à Barry Downs qu’une fois
que la dette totale commencerait à se contracter, les banquiers centraux ne
pourraient plus rien faire pour renverser le processus. Un tsunami de la
dette viendrait balayer toute tentative d’injecter assez de crédit dans
l’économie pour inverser le processus.
QE3 et QE4 ne pourront pas
mieux faire que QE1. Aucune politique de rachat d’obligations ou de développement
du crédit ne pourra arrêter le tsunami du défaut. Et nous avons déjà atteint
le point de non-retour.
Le crédit excessif des banques
centrales ont engendré des niveaux de dette tels qu’aucune quantité de crédit
ne puisse plus régler le problème. Nous approchons de la fin du jeu. Le
capitalisme basé sur le crédit prenait la route de sa propre mort dès 1694.
En 2013, il y est finalement arrivé.
La
banque centrale du Japon a fixé ses objectifs d’inflation à 2% cette année
(contre 1% en 2012) et prévoit d’embrasser les politiques de stimulus
employées par la Réserve Fédérale et la BCE.
Financial Times, 21 janvier
2013
LA
FIN DE LA PARTIE ET LES BEAUX JOURS A VENIR
Les tentatives manquées de Ben
Bernanke à régler le problème du chômage et à
stimuler la croissance économique grâce à des politiques de QE sont aussi futiles
que les tentatives de Lance Armstrong à sauver sa réputation.
Il n’est aucune quantité
d’optimisme, d’abnégation et de crédit qui puisse venir réparer ce que les
banquiers ont brisé. Rien n’est éternel. Pas même le rêve des banquiers de
vivre de la productivité, du travail et de l’ingénuité des autres en
imprimant des coupons qu’ils leur prêtent en tant que monnaie.
Souvenez-vous de ceci : l’or
ne fait jamais défaut.
John Exter
Dans ma récente vidéo (2013: The Mother of All Paradigm Shifts),
j’explique comment est né le paradigme des banquiers, et présente comment
l’effondrement de ce paradigme coïncide avec la fin d’un paradigme bien plus
ancien : l’inégalité des genres. Voir ce lien : http://youtu.be/EZ7HTALQ4JU.
Comprenez bien que l’arrivée
d’une nouvelle dépression a des airs pessimistes, mais qu’elle laissera
derrière elle naissance à un nouveau monde. Bien que le processus s’annonce
difficile, nous en profiterons bien plus que nous pouvons le croire.
John Exter
savait que lorsque les lois échouent, les Hommes qui disposent d’une
conscience morale peuvent faire des miracles.
W A Wijewardena,
gouverneur adjoint de la banque centrale de Ceylon.
Les vautours ne se
nourrissent ni des pâtures des taureaux ni des réserves des ours. Ils se nourrissent que de l’ignorance des autruches.
Darryl Robert Schoon, Time of the
Vulture: How to Survive the Crisis and Prosper in the Process, 3rd
ed. 2012
Achetez
de l’or, achetez de l’argent, et gardez la foi.
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