« Il est bien entendu toujours
possible de commettre une erreur outrageuse, comme épeler le mot ‘lapin’ avec
4 ‘m’, porter un soutien-gorge noir sous une chemise blanche, ou, pour
prendre un exemple plus masculin, s’engager dans une guerre terrestre en
Asie. » - John Cleese
Nous commettons tous des
erreurs, mais certaines erreurs sont plus graves que d’autres. Un exemple
d’erreur sérieuse à la fois catastrophique et pouvant facilement être évitée
est de prêter de l’argent sur une longue durée, en période de croissance de
la dette et d’instabilité financière. Qui, par exemple, accepterait de prêter
du capital pour trente ans à l’Italie en achetant au pays une part de sa
dette de long terme ? « Personne » est la bonne réponse. Et
pourtant, le pays trouve encore des acheteurs.
Mais il y a pire encore :
L'Irlande
vend ses premières obligations sur cent ans
L’Irlande vient de vendre sa
première obligation à un siècle, moins de trois ans après avoir retrouvé sa
souveraineté nationale en se retirant d’un programme de refinancement
international.
Le bureau national irlandais de
la dette a vendu 100 millions d’euros d’obligations à cent ans, qui offrent un
rendement de 2,35%. Les investisseurs demandent au gouvernement un rendement
de 2,66% sur leurs obligations à trente ans.
La nation étant aujourd’hui en
pleine commémoration du centenaire de la rébellion de 1916 qui a mené à la
sécession de l’Irlande avec le Royaume-Uni en 1922, elle cherche à s’assurer
un coût d’emprunt plus faible dans le cadre du programme de stimulus
monétaire sans précédent établi par la Banque centrale européenne. L’année dernière,
le Mexique a vendu la première obligation à un siècle en euros.
Cette vente est « à la fois
un testament du renouveau de la confiance des marchés en la solvabilité de
l’Irlande, et un signe que les investisseurs assoiffés de rendements de
longue durée cherchent à prolonger leurs rendements le plus possible, »
a expliqué Owen Callan, stratégiste en revenus fixes chez Cantor Fitzgerald
LP à Dublin.
Les coûts d’emprunt de l’Irlande
ont plongé depuis que le pays s’est retiré d’un plan de refinancement
international à la fin de 2013, et en raison de la reprise économique et de
la promesse de Mario Draghi, le président de la BCE, de faire tout son
possible pour sauver l’euro.
Les rendements des obligations
irlandaises à dix ans ont atteint un record de 14,2% au sommet de la crise en
2011. Ils ont depuis chuté pour passer en-dessous de 1%, et étaient récemment
de 0,73% à la fermeture du marché de Londres.
La BCE vient d’entamer une
deuxième année d’achats de dette souveraine, qui s’intègre dans son programme
de stimulus qui inclue la mise en place de taux négatifs sur les réserves des
banques, ce qui a écrasé les rendements au travers de la zone euro. En
Allemagne, même les obligations à huit ans ont des rendements inférieurs à
zéro.
Objectifs d’offre
En décembre, le bureau irlandais
de la dette a annoncé la vente de 6 à 10 milliards d’euros d’obligations en
2016. Mercredi, une vente a été organisée au travers des groupes Goldman
Sachs et Nomura Holdings Inc.
« Ces titres à maturité de
très long terme sont une première pour l’Irlande, et représentent un
important vote de confiance pour l’Irlande en tant qu’émetteur d’obligations
souveraines, » a expliqué Frank O’Connor, directeur du département du
financement et de la dette de l’émetteur souverain, basé à Dublin.
Quelques questions
Si vous étiez un investisseur
« assoiffé de rendements », vous intéresseriez-vous à une
obligation offrant 2,35% ? D’un point de vue historique, c’est
ridiculement bas. Les comptes épargnes offrent en moyenne bien plus depuis la
fin de la seconde guerre mondiale.
Et parce que les institutions
telles que les fonds de pension et sociétés d’assurance, ainsi que les
particuliers à la retraite, ont basé leurs plans sur des rendements deux ou
trois fois plus élevé, posséder de telles obligations ne rend pas ces entités
plus viables. « Qui sait ! » est donc la seule réponse valable
à la question posée plus haut.
Pour ceux qui s’intéresseraient à
une durée d’investissement plus longue, comment la garantie d’un faible
rendement sur plus long terme vous est-elle favorable ? Quelles obligations
peuvent être à la fois valables sur un siècle et prédites grâce à un peu plus
qu’une simple extrapolation ? Il n’en existe aucune. Les fonds de
pension et les compagnies d’assurance pourraient avoir à verser des bénéfices
en 2116, mais ils pourraient tout aussi bien être remplacés d’ici là par des
services d’intelligence artificielle qui pourront satisfaire les besoins de
leurs esclaves humains sans avoir recours au principe archaïque de la
monnaie. Il est absurde de prévoir sur une durée aussi longue.
Ce qui nous mène à une question
plus importante encore : quelle personne saine d’esprit accepterait de
débloquer de l’argent pour cinq ans, ou pire encore, cent ans, dans la
conjoncture actuelle ? Voici un graphique de la valeur du dollar au
cours du siècle dernier.
Et souvenez-vous que c’est là la
meilleure des devises. D’autres ont perdu plus de valeur encore. Le plus gros
de leur déclin est survenu quand la finance globale était bien plus solide
qu’elle l’est aujourd’hui. Si vous aviez acheté des obligations à cent ans en
1920, vous seriez toujours payé aujourd’hui, mais en dollars 95% moins chers.
Et votre principal aurait perdu tant de valeur qu’il serait devenu
négligeable.
A l’avenir, même les économistes
qui pensent que le système financier pourra être remis sur pieds définiront
cet arrangement comme étant une poussée d’inflation qui aura permis aux plus
endettés de rembourser leurs intérêts grâce à une monnaie dévaluée. Un taux
d’inflation de 4% obtenu au travers d’une dévaluation soutenue de la devise
rendrait les obligations à cent ans l’idéal du mal-investissement. Et c’est
là le meilleur des scénarios – les autres impliquent l’extinction de tous les
actifs financiers.