Or donc et comme je me suis employé à le montrer avec quelques petits exemples de l’actualité récente, il existe plusieurs crimes sans victimes. Suffisamment, en tout cas, pour beaucoup occuper la justice française. C’est bien dommage pour elle, parce qu’elle ne manque justement pas d’occupations légitimes. En revanche, il semble bien que ce soit les moyens (humains, matériels, financiers) qui lui font défaut…
On apprend ainsi, par voie de presse même si elle reste feutrée, que les retards de paiements s’accumulent à Vannes. On pourra m’objecter que Vannes n’étant heureusement pas la plaque tournante du grand banditisme et des pires trafics du pays, les dommages seront probablement réduits et que, comme d’habitude dans ce pays, on fera contre mauvaise fortune bon cœur.
Peut-être. En attendant, les problèmes provoqués par cette trésorerie ultra-tendue (pour ne pas dire déficitaire) sont tout de même inquiétants puisqu’ils touchent des éléments vitaux de la procédure judiciaire au jour le jour : les factures en souffrance de la Poste impactent négativement l’envoi de recommandés. L’alternative électronique n’étant pas en place, il n’y a pas de moyen de déroger à la « règle papier » et à ces encombrants et coûteux procédés. Le justiciable, victime ou accusé, attendra. Mais cela ne s’arrête pas aux frais postaux puisque tous les frais de fonctionnement sont concernés : l’électricité, le gaz, les fournitures de bureau, l’essence, à tel point qu’un huissier de justice s’est même rendu dans un tribunal breton pour couper le gaz.
Heureusement, ce petit côté grotesque du côté de Vannes n’est apparu que récemment. Après tout, l’année est déjà bien entamée. Il en va autrement pour d’autres tribunaux qui ressentaient les problèmes de trésorerie … dès janvier, comme à Nancy ! Et la situation dure depuis des mois puisque de l’aveu même des autorités concernées, le tribunal de Nancy est en cessation de paiement depuis le mois d’août 2015. Dans ce contexte, on comprend que le désengorgement des tribunaux devienne une priorité. Priorité qui ne semble pas avoir atteint le législateur, toujours aussi verbeux et productif en matière de lois débiles, amphigouriques et surnuméraires.
Et en plus d’être étendus dans l’espace (de Vannes à Nancy) et d’être étendus dans le temps (des défauts de paiement depuis plus d’un an, cela commence à se voir), les problèmes financiers entraînent des dysfonctionnements de plus en plus graves de l’institution judiciaire, aux conséquences désastreuses pour le justiciable en particulier et le citoyen en général.
À Bobigny, les retards de traitement s’accumulent à tel point que certains dossiers se retrouvent prescrits avant d’avoir pu être traités.
Dernièrement, plusieurs affaires de prisonniers relâchés pour d’obscures errements dans les procédures de transferts auront défrayé la chronique. Outre les réformes hasardeuses qui auront largement favorisé ces errements, il faut ajouter, encore une fois, des problèmes financiers aigus qui ont fourni un terreau fertile à ces dérives lamentables. C’est ainsi qu’à Poitiers, un multirécidiviste a été relâché faute d’avoir pu être présenté à un juge dans les bonnes conditions. On ne parle pas ici d’un commerçant multirécidiviste de la surfacturation du café post-prandial, ou d’un petit artisan ayant fait un peu de black à l’occasion, mais bien d’un type dangereux et violent, déjà condamné neuf fois, et accusé d’avoir donné un coup de couteau à un homme en Vendée. Un enfant de chœur, on le voit.
Le pire étant que ces extravagantes dérives ne sont plus fortuites et rares : selon Pierre-Louis Jacob, le président de la chambre à Poitiers,
« C’est une situation de plus en plus fréquente qui donne un surcroît de travail aux greffes et au parquet général. »
En fait, si l’on s’en tient à de nombreux témoignages, notamment des contractuels (ou « collaborateurs occasionnels du service public », COSP) qui œuvrent pour la Justice française, la situation a même été institutionnalisée et les retards de paiements sont monnaie courante puisqu’ils peuvent se faire attendre sept à huit mois en moyenne et certains attendent leur paie parfois deux ans… Quand les personnels ne sont pas carrément employés au noir, comme l’a révélé une enquête de 2015 qui montrait que le ministère employait jusqu’à 40.000 personnes sans l’ombre d’un contrat de travail, sans que cela n’ait d’ailleurs déclenché de scandale majeur pour la République ou son ministre.
En somme, outre un déficit financier de plus en plus épineux, on doit ajouter un déficit moral qui mine l’institution : pour un avocat vannetais, il faut en effet se demander « Comment juger des commerçants en délicatesse, créanciers de l’État, alors même que le tribunal lui-même ne peut pas payer ses factures ? Le taux de crédibilité est alors égal à zéro. » Tout ceux qui se sont fait pincer, un jour, pour un travailleur sans contrat apprécieront l’ironie mordante de la situation, créée et entretenue par un État complètement impécunieux et particulièrement désinvolte, qui consacre une part toujours plus faible de son budget à l’un de piliers les plus importants du pouvoir régalien.
Il faut dire que la Justice, en pratique, les politiciens s’en foutent d’autant plus qu’ils n’ont quasiment jamais affaire avec elle, et lorsque c’est le cas, comme pour Cahuzac, cela sent le téléguidage pratique. Dans cette optique, il est absolument scandaleux qu’on trouve encore des centaines de millions d’euros pour assurer la survie de Ministères croupions comme ceux des Anciens combattants ou de la Culture, qu’on trouve sans sourciller des douzaines de millions pour une nouvelle chaîne de télé que personne n’avait demandé et dont on se demande objectivement ce qu’elle va bien pouvoir apporter au paysage audiovisuel français aussi médiocre qu’encombré.
Eh oui : il n’y a aucun mal à trouver de l’argent pour un ministère de la Culture aux interventions pléthoriques qui favorise la création de merdes insondables dont le PAF, les musées et les jardins de Versailles sont maintenant remplis. Il n’y a pas plus de mal à trouver de l’argent pour faire fonctionner un sénat ou une assemblée qui nous pondent des lois qui, par exemple, finissent par imposer des quotas de zouk ou de chants corses à la radio. Il n’y a jamais aucun mal à organiser moult réceptions petit four pour le Chef de l’État qui n’a plus de républicain que le nom.
Mais pour équilibrer le budget de la Justice, pour simplement faire en sorte que l’institution fasse correctement son travail, il n’y a plus personne. On dépense des fortunes pour une éducation qui forme de plus en plus d’illettrés et de « sauvageons » approximatifs. On brûle une quantité invraisemblable d’argent dans des associations lucratives sans but qui ont durablement miné la société française avec leurs slogans agressivement niais, câlins et vivrensemblesques, on s’emploie tous les jours à distribuer une richesse qu’on n’a plus à des groupes dont l’apport à la société se fait toujours plus douteux. En revanche, lorsqu’il s’agit de simplement s’assurer que la justice française fonctionne correctement, que le nombre de prisonniers par cellules n’atteigne pas des records, qu’ils ne soient pas relâchés faute de place, faute de moyens de transfèrement, bizarrement, il n’y a plus personne. Pire, on noie cette Justice sous des affaires de plus en plus loufoques.
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