Même en période de deuil, d’état d’urgence et de menace terroriste, il y a des gens qui ne reculent devant absolument aucune vilénie et refusent de participer au vivrensemble. Certains vont même jusqu’à bafouer la loi pour organiser leur sordide commerce au nez et à la barbe des autorités et de cette protection sociale que, pourtant, le reste du monde nous envie.
Comme souvent, l’histoire se déroule loin des caméras et des micros, dans ces petits villages à l’écart de cet indispensable contrôle social qu’on connaît si fort dans ces grandes villes exemplaires, et qui permet à chacun de rester synchrone avec ce que toute la société attend de lui. Cette fois-ci, il s’agit du petit bourg de Parennes, 500 habitants dans la Sarthe, et c’est à cet endroit que Marielle, la gérante du Sporting Bar, a dépassé toutes les bornes des limites, a fait voler en éclat le vivrensemble et a violenté les lois républicaines.
Marielle, sans vergogne, a employé sans les déclarer cinq personnes le samedi 7 juin 2014, jour de la fête du village. Elle était en réalité en récidive puisque le 31 mai précédent, des gendarmes — venus vérifier la bonne tenue du bar à la demande du maire — remarquent une jeune femme qui prépare un café derrière le comptoir alors qu’après vérification, le bar n’a pas enregistré le moindre salarié. Bien évidemment, l’explication de la patronne (« Mais c’était seulement ma fille qui se faisait un café ») ne dupera personne, et pas les fins limiers de notre gendarmerie nationale qui reviendront donc ce 7 juin fatidique où ils ne pourront que constater la présence de cinq dangereuses paires de bras supplémentaires aidant Marielle sans la moindre honte.
Trainée au tribunal pour travail dissimulé, l’impétrante arguera par la voix de son avocat qu’il ne s’agissait que d’amis et de proches venus donner un coup de main pendant la fête de village, et que ces derniers, n’étant rémunéré que par un bon repas offert par la patronne, ne sont en rien des salariés du bar.
La justice en décidera autrement et la jugera coupable tout en la dispensant de peine, cette dernière étant laissée en pitance à l’URSSAF qui aura toute latitude pour lui coller une amende pouvant monter jusqu’à 55.000€, ruinant ainsi Marielle.
Or, si de nombreuses précédentes affaires du même style sont une indication de ce que décidera l’URSSAF, tout porte à croire que le sort funeste du bar est scellé : non, décidément, comme le titre Ouest-France, les amis de la gérante n’auraient vraiment pas dû l’aider.
Si cette aventure doit nous apprendre quelque chose, c’est que le vivrensemble s’arrête là où commence le fisc et les cotisations sociales. Eh oui : en France, la protection sociale est d’une importance absolument capitale qui mérite amplement de ruiner quelques artisans et créer quelques nécessiteux (on ne protège pas l’omelette républicaine sans casser quelques œufs, je suppose).
Et alors que certaines urgences sociales (déjà largement vraies en 2014, encore plus actuellement) se dégagent assez nettement, comme par exemple empêcher les atteintes directes aux biens et aux personnes, la multiplication des exemples navrants comme la mésaventure de Marielle montre pourtant qu’on choisit d’occuper les forces de l’ordre à ce genre de tâches, qui s’ajoutent à la traque des automobilistes frôlant le 53 km/h sur les tronçons limités à 50, ainsi qu’à une guerre sans merci contre la drogue pourtant contre-productive et largement perdue.
Que voulez-vous, les autorités ont décidé depuis longtemps qu’il ne sert à rien de résoudre les problèmes et que les administrer suffit amplement ; à chaque difficulté, on trouvera une administration pour y répondre, et si elle n’existe pas, on la créera, comme l’illustre parfaitement ce tweet :
.@CorinneNara annonce «la mise en place d'une commission de travail chargée de produire une position sur le terrorisme et #Daesh» #DirectPS
— Parti socialiste (@partisocialiste) June 30, 2015
De nos jours, en cas de pépin, Les énarques, les ministres, les politiciens, les partis se réunissent et font de grosses et de petites commissions pour savoir quoi penser. Et pendant qu’ils sont réunis, l’administration, elle, administre. Et pour administrer, elle ne fait que ça, à fond les ballons, dans tous les sens et plutôt deux fois qu’une. Elle administre le travail, et elle administre le chômage. Elle administre la santé, bien évidemment, et ne peut s’empêcher d’administrer la maladie, son traitement et sa prévention. Elle administre ce que vous avez le droit de porter comme vêtements, tout comme elle administre vos repas, en qualité et en quantité. Elle administre votre religion, et votre athéisme le cas échéant. Elle administre ce que vous devez apprendre, savoir et enseigner. Elle administre vos comptes en banque, vos transactions, vos dépenses et vos gains. C’est aussi elle qui administre vos déplacements et une bonne partie de vos loisirs. Et pour vos rapports sexuels, ne comptez pas la tenir à l’écart, elle administrera ça un jour, soyez-en sûrs.
Bref, l’administration s’occupe de vous, partout, tout le temps. Et le plus beau, c’est qu’elle le fait sous les applaudissement d’une population largement acquise à sa cause pourtant délétère et vendue dans le packaging du Service Public (que le monde gnagnagna). Autrement dit, le pays s’est lentement mais sûrement laissé coloniser par sa propre administration, et croit s’en trouver très bien, oubliant dans un déni qui tient plus du problème psychiatrique que d’un lapsus mémoriel fortuit que tout ceci finit par avoir un coût exorbitant.
Dans cette optique, les mésaventures de Marielle et de toutes les autres victimes de l’administration en folie, depuis les mamies-bingo jusqu’aux familles jetées à la rue par le RSI, s’expliquent très bien : le colonisateur n’a que faire des jérémiades des colonisés. Ces derniers sont là pour assurer aux colons une vie agréable et sans souci, doivent les servir sans broncher et lorsqu’ils rechignent, il est de la plus haute importance d’affirmer son pouvoir, violemment s’il le faut, afin de dissuader les autres colonisés de se rebeller. À l’aune de cet éclairage, l’actuel état d’urgence s’inscrit donc dans la continuité de cette lutte sans merci entre les administrations et les administrés. Seul point positif : ces administrations ont tant grossi qu’elles ont acquis une inertie énorme.
Dès lors, on peut conclure avec certitude que, oh oui, nous irons à la dictature, mais rassurez-vous : on le fera très doucement.
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