Les
deux plus gros acheteurs de Japan Inc naviguent à l’aveugle et n’en ont que
faire.
La Banque du Japon et le Fonds
d’investissement des pensions du gouvernement japonais ont acheté des ETF sur
les actions japonaises afin de gonfler le marché et de créer un « effet
de richesse » dans l’objectif de pousser les Japonais à se tourner de
nouveau vers les actions, après que beaucoup d’entre eux ont perdu une grosse
portion de leur épargne suite à l’implosion de la récente bulle sur le
secteur.
En 2014, le Fonds
d’investissement des pensions du gouvernement – sous la pression de
l’administration Abe – a décidé d’investir 25% de ses actifs sur les actions
japonaises. Il disposait à l’époque d’1,4 trillion de dollars d’actifs. 25%
de cette somme représentaient donc 350 milliards de dollars. Le fonds a
acheté énormément d’actions ! Lisez ceci : Japan
Mega-Pension Fund Dives into Stocks, Foreign Assets, Loses Shirt. People Not
Amused
Malgré le déclin des actions
japonaises l’année dernière, l’allocation du fonds aux actions domestiques
est encore de 21%. Pour combler les trous laissés derrière lui par le fonds
de pension, la Banque du Japon a annoncé le 28 juillet dernier qu’elle
doublerait ses achats annuels d’ETF sur les actions japonaises, pour les
faire passer à 6 trillions de yens (59 milliards de dollars).
La propriété d’actions
japonaises par ces deux entités a presque triplé au cours de ces cinq
dernières années fiscales, pour passer à environ 39 trillions de yens (381
milliards de dollars), selon The
Nikkei. Sur la période, l’indice boursier du Nikkei a gonflé de 70%, ce
qui « démontre leur puissant soutien ».
Mais, mais, mais… l’indice demeure
57% inférieur à son pic de 1989.
Quelles en ont été les
conséquences sur la propriété gouvernementale d’actions japonaises ?
Nous ne le savons pas vraiment. C’est un sujet qui reste très opaque. Voici
ce que nous en dit The Nikkei :
Ces acheteurs majeurs du
secteur public n’apparaissent pas sur la liste officielle des actionnaires en
raison de leur propriété indirecte au travers de banques et autres
intermédiaires.
Et pourtant, The Nikkei
stipule que « selon les informations publiques, ensemble, ces deux
entités représentent les plus gros actionnaires de 474 des 1.970
actions » listées dans la première section (plus grosses sociétés) du
marché boursier de Tokyo.
Et ce n’est qu’un début.
Le fonds de pension et la
banque centrale représentent 17% de TDK, 16,5% d’Advantest, 14,2% de Nitto
Denko, 14,2% de Yokogawa Electrix, et plus de 10% de Konami Holdings et de
Secom.
« Nous espérons les voir
conserver ces actions sur le long terme, » a déclaré un membre de la
direction de Yokogawa Electric. Parce que s’ils tentaient de vendre ces
actions, les forces de l’Enfer se déchaîneraient.
Dans
l’ensemble, la Banque du Japon et le Fonds d’investissement des pensions du
gouvernement détiennent aujourd’hui 7% de la première section du TSE. Le plus
gros actionnaire du secteur privé, Nippon Life Insurance, n’en possède que
2%.
Beaucoup espèrent que les 6
trillions de yens dépensés par la Banque du Japon sur les ETF japonais, ainsi
que les sommes que pourra encore dépenser le fonds de pension, feront gonfler
le marché. Nomura Securities estime que les 6 trillions de yens dépensés
annuellement par la Banque du Japon feront gonfler le Nikkei de 2.000 points
par an, soit 12%... et ce peu importe la conjoncture économique. Selon cette
logique, rien n’a d’importance en dehors des achats de la banque centrale et
du fonds de pension gouvernemental.
Si des sociétés enregistraient
un déclin de leurs ventes ou si leur équipe de direction n’était plus
convenable, cela n’aurait aucune importance. Ces sociétés resteraient malgré
tout capables de lever des fonds et de poursuivre leurs activités comme si
rien ne s’était passé, parce que leurs actions continueraient de grimper en
raison des achats à l’aveugle de la banque centrale et du fonds de pension,
qui investissent sur leurs actions au travers d’ETF. Les propriétaires d’ETF
ne peuvent pas se débarrasser d’actions individuelles, et ne peuvent donc pas
punir une société individuelle en vendant ses actions.
En d’autres termes, les plus
gros actionnaires de Japan Inc naviguent à l’aveugle. Voilà qui satisfait
certainement Japan Inc. Soutenues par ces gros investisseurs passifs, les
sociétés japonaises n’ont pas de quoi s’inquiéter. Oubliez la discipline du
marché, la découverte des prix, et toute autre fonction du marché. Toutes disparaîtront…
si elles ne l’ont pas déjà fait.
En conséquence, ces sociétés
se transforment en zombies à mesure que la Banque du Japon et le Fonds
d’investissement des pensions du gouvernement japonais continuent d’investir
sur leurs actions et d’en soutenir les prix. Et soutenir artificiellement les
prix des actions est le seul objectif de leurs achats.
Ni la Banque du Japon ni le
Fonds d’investissement des pensions du gouvernement ne pourrait se
débarrasser de ses investissements sans défaire l’inflation des prix des
actions générée par ces achats. Même les sociétés les plus performantes
verraient le prix de leurs actifs éviscérés si les deux actionnaires publics
vendaient leurs ETF.
Maintenant que ces deux
éléphants publics sont dans le magasin de porcelaine, plus rien d’autre n’a
d’importance. Ce qui aura des conséquences intéressantes, comme l’a expliqué
Shingo Ide, du NLI Research Institute : « Les investisseurs qui se
concentrent sur les analyses de sociétés pourraient hésiter à investir ».
Voilà qui pourrait avoir quelque chose à voir avec le déclin des actions
japonaises survenu ces douze derniers mois.
Mais
la Banque du Japon s’inquiète déjà du prochain effondrement, et a commencé à
accumuler une grosse pile de munitions. Voyez ceci : Bank
of Japan Prepares for Crash Triggered by Fed Tightening