Le 6 juillet dernier, l’Assurance maladie a accepté que les tarifs
de consultation des médecins généralistes passent de 23 à 25 euros. Une
augmentation qui semble minime et qui, d’ailleurs ne convient pas du tout aux
organisation syndicales de médecins, mais qui en réalité se révèlent
particulièrement avantageuse au regard de l’évolution des prix en général
durant ces trente dernières années.
C’est décidé, après de longues tractations entre les syndicats (CSMF, FMF
et SML pour les spécialistes et généralistes, MG France pour les généralistes
et le Bloc pour les chirurgiens) et l’Assurance maladie qui est chargée de
fixer tous les 5 ans les conditions de remboursement des praticiens
conventionnés, la consultation de base chez les généralistes passera
bien de 23 euros à 25 euros d’ici 2018. Cependant, cette
augmentation se fera en deux fois : 1 euro en 2017, puis 1 euro supplémentaire
l’année suivante. Et c’est en partie ce qui fait grincer les dents des
syndicats de médecins.
Pourquoi cette augmentation ?
D’abord parce que les tarifs de consultation des médecins conventionnés
n’ont pas évolué depuis 5 ans, date de la dernière négociation sur
les conditions de la convention passée entre la Sécurité sociale et les
praticiens dits conventionnés (soit 93% des généralistes qui ne
dépassent pas les honoraires préconisés par la “sécu”). Certes, l’inflation a
peu évolué durant ces cinq dernières années, mais les médecins considèrent
que leur pouvoir d’achat s’est érodé en raison de ce gel quinquennal.
Ensuite, la différence entre les tarifs des spécialistes et ceux
des généralistes tend à se creuser d’année en année au point de
créer un fossé qui dissuade de plus en plus de jeunes diplômés de choisir la
médecine de proximité. Ainsi, selon les organisations professionnelles de
médecins, la faiblesse des honoraires contribuerait directement au phénomène
croissant de “désert médicaux” en France.
Enfin, la comparaison avec les conditions de rémunération des praticiens
d’autres pays européens laisse dire aux représentants de médecins que
notre pays ne paie plus décemment ses généralistes. À ce titre,
alors que la plupart des syndicats exigeaient une revalorisation de 23 à 25
euros par consultation, certains autres comme la Confédération des syndicats
médicaux français (CSMF) militaient pour que l’on fixe désormais les
honoraires des généralistes à 30 euros minimum.
Pourquoi les médecins sont-ils mécontents d’un résultat conforme aux
souhaits du plus grand nombre ?
Hormis cette minorité qui souhaitait voir ses honoraires bondir d’environ
30%, on peut s’étonner de voir que tous les autres qui souhaitaient une
consultation à 25 euros se déclarent finalement mécontents alors même que
l’Assurance maladie a accepté ce nouveau tarif. Le fait est que,
confrontée à l’ambition gouvernementale de réaliser 3 milliards
d’euros d’économies sur le budget santé, l’Assurance maladie n’a eu
d’autre choix que d’accorder aux médecins le minimum prévu lors des
négociations de février dernier, histoire d’amener les tarifs des
généralistes au même niveau que le tarif de base des spécialistes de
secteur 1 (soit 56% des spécialistes en France) qui, eux aussi, ont
signé une convention avec l’Assurance maladie leur interdisant tout
dépassement d’honoraires.
Sauf que dans les faits, les spécialistes ne pratiquent que rarement le
tarif de base, ils le complètent très souvent d’actes supplémentaires qui
font rapidement monter la note, à la fois pour les patients et pour la
Sécurité sociale. Au final, cette augmentation de 2 euros
est vécue par les généralistes comme un os à ronger permettant à l’Assurance
maladie (et au gouvernement) de ne pas être accusée de paupériser la médecine
générale tout en ménageant la susceptibilité des spécialistes, lesquels
pourraient en effet voir dans la hausse des tarifs des généralistes une
“dépréciation” de leurs propres spécificités.
Et pour être sûre de bien ménager la chèvre et le chou, l’Assurance maladie
prévoit en outre que l’augmentation sera progressive, en
deux ans, ce qui fait dire aux syndicats de médecins qu’on leur fait surtout
l’aumône d’une revalorisation pour éviter une nouvelle fronde comme
celle qu’ils avaient déclenchée en début d’année 2015 contre la Loi Santé de
Marisol Touraine. D’ailleurs, certains syndicats ont d’ores et déjà
indiqué qu’ils ne signeraient pas cette nouvelle convention qu’ils jugent
inacceptable, ce qui augure de nouvelles discutions à la rentrée de
septembre.
Pour autant, cette augmentation est-elle justifiée ?
On le sait, le gouvernement veut économiser sur les dépenses de santé et
semble prêt à couper tout ce qui dépasse. Or, même si ces 2 euros
supplémentaires ne donnent pas l’impression de révolutionner la face du
monde, la revalorisation des remboursements qui en découlera coûtera
550 millions d’euros à l’Assurance maladie. Soit à peu près ce que
la “Sécu” arrive à économiser chaque année avec les médicaments génériques. À
croire que “généralistes” et “génériques” sont appelés à s’équilibrer en
termes de budget…
Du reste, même avec une consultation de base fixée pour l’instant à 23
euros, les statistiques de l’Assurance maladie montrent que,
dans les faits, un médecin généraliste gagne en moyenne entre 27 et 30 euros par patient (grâce
notamment aux frais annexes : consultations d’enfants en bas âge ou de
seniors de plus de 80 ans, actes complémentaires, etc.). Une fois déduits ses
frais de fonctionnement, y compris les assurances et la rémunération de son
éventuel secrétariat médical, il lui reste (toujours en moyenne) environ 6800
euros net par mois, selon une étude de la Direction de la recherche, des
études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publiée en février 2016
à partir des déclarations de revenus 2005, 2008 et 2011 de quelque 57261 généralistes
de France métropolitaine.
Alors certes, ce revenu qui équivaut tout de même à deux fois et
demi le salaire moyen reste en-deçà de ce que gagnent les
généralistes dans certains pays voisins de l’Union Européenne, à commencer
par les médecins d’Outre-Rhin qui touchent plus de 4 fois le salaire moyen
allemand. Néanmoins, une récente étude publiée par le magazine Le Point et portant
sur l’évolution du coût de la vie durant ces trente dernières années
montre que le prix d’une consultation chez un médecin généraliste a
progressé plus rapidement que le niveau moyen des rémunérations en France,
passant d’un montant équivalent à 1 h 13 de travail au salaire moyen en 1984
à 1 h 24 en 2014.