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Toutes les anciennes civilisations sont mortes, ou ont au moins connu un �tat
de stagnation, bien avant d'avoir atteint le niveau de d�veloppement mat�riel
que la civilisation europ�enne moderne a r�ussi � mettre en place. Des
nations furent d�truites lors de guerres avec des ennemis �trangers, ainsi
qu'au cours de querelles intestines. L'anarchie les a oblig�es � revenir en
arri�re quant � la division du travail. Les villes, le commerce et
l'industrie d�clin�rent. Avec cette d�t�rioration des fondements �conomiques,
les raffinements intellectuels et moraux durent laisser place � la brutalit�
et � l'ignorance. Les Europ�ens de l'�poque moderne ont r�ussi � resserrer
les liens sociaux entre les individus et entre les nations bien plus
fortement qu'on ne l'avait jamais connu au cours de l'histoire. Ceci
constitua un haut fait de l'id�ologie lib�rale qui, depuis la fin du XVIIe
si�cle, fut �labor�e avec une clart� et une pr�cision sans cesse plus grande
et eut de plus en plus d'influence sur les esprits. Le lib�ralisme et le
capitalisme cr��rent les fondations sur lesquelles reposent toutes les
merveilleuses caract�ristiques de notre vie moderne.
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Notre civilisation commence cependant � d�gager un parfum de mort. Des
dilettantes affirment haut et fort que toutes les civilisations, y compris la
n�tre, sont destin�es � mourir: ce serait une loi inexorable. La derni�re
heure de l'Europe aurait sonn�, nous expliquent ces proph�tes de malheur.
Certains les �coutent. Partout, une humeur maussade s'installe.
La civilisation moderne ne peut toutefois p�rir qu'en raison d'un acte
d'autodestruction. Aucun ennemi ext�rieur ne peut la d�truire comme les
Espagnols ont d�truit la civilisation azt�que, car personne sur terre ne peut
rivaliser avec la puissance des porte-drapeaux de la civilisation moderne.
Seuls ses ennemis int�rieurs peuvent la menacer. Elle ne peut d�p�rir que si
les id�es du lib�ralisme sont remplac�es par une id�ologie antilib�rale,
hostile � la coop�ration sociale.
Les gens sont de plus en plus nombreux � comprendre que le progr�s mat�riel
n'est possible que dans une soci�t� lib�rale et capitaliste. M�me si les
antilib�raux ne veulent pas l'accepter ouvertement, ce fait est implicitement
reconnu dans les pan�gyriques exaltant l'id�e de stabilit� et d'immobilisme.
Le progr�s mat�riel des derni�res g�n�rations, dit-on, a bien s�r �t� tr�s
agr�able et b�n�fique. Mais il serait d�sormais temps de faire une pause. Le
tourbillon fr�n�tique du capitalisme moderne doit laisser place � la
tranquille contemplation. On doit prendre le temps de la communion et un
autre syst�me �conomique doit remplacer le capitalisme, un syst�me qui ne
soit pas sans cesse � la poursuite des nouveaut�s et des innovations. Le
regard du romantique se tourne avec nostalgie vers les conditions �conomiques
du Moyen-�ge � pas du Moyen-�ge tel qu'il �tait, mais d'une image tir�e de
son imagination, sans rapport avec la r�alit�. Ou alors il regarde du c�t� de
l'Orient � non pas, bien s�r, du v�ritable Orient mais d'une r�verie issue de
ses fantasmes. Comme les hommes �taient heureux sans la technique et la
culture modernes! Comment avons nous pu renoncer � ce paradis de mani�re tellement
inconsid�r�e?
Ceux qui pr�nent le retour � des formes simples d'organisation �conomique de
la soci�t� devraient garder � l'esprit que seul notre syst�me permet d'offrir
le style de vie auquel nous sommes habitu�s aujourd'hui au grand nombre
d'individus peuplant d�sormais la terre. Un retour au Moyen-�ge signifierait
l'extermination de plusieurs centaines de millions de personnes. Les amis de
la stabilit� et de l'immobilisme disent, il est vrai, que nul n'est besoin
d'en arriver � cette extr�mit�. Il suffit de s'en tenir � ce qui existe d�j�
et de renoncer � aller plus loin.
Ceux qui chantent les louanges de l'immobilisme et de l'�quilibre stable
oublient qu'il existe en l'homme, pour autant qu'il est un �tre pensant, un
d�sir inh�rent d'am�liorer sa condition mat�rielle. Cet �lan ne peut �tre
supprim�: il constitue la force motrice de toute action humaine. Si on
emp�che l'homme d'oeuvrer pour le bien de la soci�t� tout en satisfaisant ses
propres besoins, seule une voie lui reste ouverte: s'enrichir et appauvrir
les autres par l'oppression et la spoliation violentes de ses semblables.
Il est vrai que cette tendance et le combat pour accro�tre son niveau de vie
ne rendent pas l'homme plus heureux. N�anmoins, il est dans sa nature de
continuer � vouloir am�liorer sa situation mat�rielle. S'il lui est interdit
de satisfaire cette aspiration, il devient maussade et brutal. Les masses
n'�couteront pas les exhortations � la mod�ration et � se satisfaire de sa
condition. Il se peut que les philosophes qui expriment de telles
remontrances soient victimes d'une grave illusion. Quand on raconte aux gens
que leurs parents vivaient dans des conditions bien pires, ils r�pondent
qu'ils ne voient pas pourquoi ils devraient se contenter des conditions
actuelles et renoncer � des possibilit�s encore meilleures.
Que ce soit bien ou mal, que cela m�rite ou non la r�probation morale, il est
certain que les hommes ont toujours cherch� � am�liorer leur condition et
qu'ils continueront de le faire. C'est le destin sans issue de l'homme.
L'agitation et l'inqui�tude de l'homme moderne est l'�peron de l'esprit, des
nerfs et des sens. On peut aussi facilement lui rendre l'innocence de
l'enfance que le ramener � la passivit� des p�riodes r�volues de l'histoire
humaine.
Mais, apr�s tout, qu'offre-t-on en retour, contre la renonciation � de
nouveaux progr�s mat�riels? Bonheur et contentement, paix et harmonie
int�rieures ne surgiront pas de ce que les gens ne chercheront plus � am�liorer
la satisfaction de leurs besoins. Aigris par le ressentiment, les gens de
lettres s'imaginent que la pauvret� et l'absence de besoins cr�eraient des
conditions particuli�rement favorables au d�veloppement des capacit�s
spirituelles de l'homme, mais c'est un non-sens. En �tudiant ces questions,
il faudrait �viter les euph�mismes et appeler les choses par leur nom. La
richesse moderne s'exprime par dessus tout par le culte du corps: l'hygi�ne,
la propret�, le sport. Aujourd'hui encore un luxe r�serv� aux gens ais�s �
peut-�tre plus aux �tats-Unis, mais partout ailleurs � ils seront � la port�e
de tous dans un futur proche si le d�veloppement �conomique continue sur sa
lanc�e. Pense-t-on servir d'une fa�on quelconque la vie int�rieure de l'homme
en emp�chant les masses d'atteindre le niveau d'entretien physique d�j�
accessibles aux gens ais�s? Le bonheur se trouve-t-il dans un corps n�glig�?
Aux apologistes du Moyen-�ge, on ne peut que r�pondre que nous ne savons pas
si l'homme m�di�val se sentait plus heureux que l'homme moderne. Mais nous
pouvons laisser ceux qui consid�rent le mode de vie oriental comme un mod�le
pour nous, r�pondre � la question suivante: l'Asie est-elle vraiment le
paradis qu'ils nous d�crivent?
L'�loge excessif de l'�conomie stationnaire comme id�al social est le dernier
argument sur lequel ont d� se replier les ennemis du lib�ralisme pour
justifier leurs doctrines. Il faut cependant garder en t�te que le point de
d�part de leur critique �tait que le lib�ralisme et le capitalisme
emp�chaient le d�veloppement des forces productives, qu'ils �taient
responsables de la pauvret� des masses. Les adversaires du lib�ralisme
avaient pr�tendu que ce qu'ils voulaient, c'�tait un ordre social pouvant
cr�er une richesse plus grande que celui qu'ils combattaient. Et d�sormais,
acul�s par la contre-attaque de l'�conomie et de la sociologie, ils doivent
admettre que seuls le capitalisme et le lib�ralisme, seules la propri�t�
priv�e et l'activit� libre des entrepreneurs peuvent garantir la plus grande
productivit� du travail humain.
On affirme souvent que ce qui s�pare les partis politiques actuels est une
opposition fondamentale entre leurs engagements philosophiques ultimes,
opposition qui ne peut �tre �limin�e par des arguments rationnels. Un �change
de points de vue entre les protagonistes ne pourrait donc que se r�v�ler
st�rile: chacun campera, in�branlable, sur ses positions, car ces derni�res
se basent sur une vision globale du monde qui peut pas �tre modifi�e par des
consid�rations purement rationnelles. Les fins derni�res que recherchent les
hommes sont vari�es. Par cons�quent, il serait de toute fa�on hors de
question que des individus ayant des vis�es diff�rentes puissent se mettre
d'accord sur une proc�dure commune.
Rien n'est plus absurde que cette croyance. Hormis quelques asc�tes
coh�rents, qui cherchent � d�barrasser la vie de toutes ses fioritures
ext�rieures et qui r�ussissent finalement � atteindre un �tat de renoncement
� tout d�sir et � toute action et, de fait, � s'autod�truire, tous les hommes
de race blanche, aussi divers que puissent �tre leurs id�es sur les questions
surnaturelles, sont d'accord pour pr�f�rer entre deux syst�mes sociaux celui
au sein duquel le travail est le plus productif. M�me ceux qui croient qu'un
progr�s �ternel de la satisfaction des besoins humains n'est pas la solution
et que nous serions mieux en produisant moins de biens mat�riels � bien que
l'on puisse douter que le nombre de ceux qui le pensent sinc�rement soit tr�s
grand � ne voudraient pas que cette m�me quantit� de travail conduisent �
produire moins de biens. Au pire, ils voudraient qu'il y ait moins de travail
et donc une production plus faible, mais pas que la m�me quantit� de travail
produise moins.
Les antagonismes politiques d'aujourd'hui ne r�sident pas dans les
controverses sur les questions ultimes de philosophie mais dans les r�ponses
� la question de savoir comment un but reconnu comme l�gitime peut �tre
atteint le plus rapidement possible et avec le moins de sacrifices. Ce but,
que visent tous les hommes, c'est la plus grande satisfaction possible des
besoins humains, c'est la prosp�rit� et l'abondance. Bien s�r, tous les
hommes ne sont pas � la poursuite de ce but, mais c'est tout ce qu'ils
peuvent esp�rer obtenir en ayant recours � des moyens ext�rieurs et par le
biais de la coop�ration sociale. Les biens int�rieurs � bonheur, paix de
l'esprit, exaltation � ne peuvent �tre cherch�s qu'en soi par chacun.
Le lib�ralisme n'est ni une religion, ni une vision du monde, ni un parti
d�fendant des int�r�ts particuliers. Il n'est pas une religion parce qu'il ne
demande ni la foi ni la d�votion, parce qu'il n'y a rien de mystique en lui
et qu'il ne conna�t pas de dogmes. Il n'est pas une vision du monde parce
qu'il n'essaie pas d'expliquer l'univers, parce qu'il ne dit rien et ne
cherche pas � dire quoi que ce soit sur la signification et les objectifs de
l'existence humaine. Il ne d�fend pas d'int�r�ts particuliers parce qu'il ne
fournit pas d'avantage particulier � un individu ou � un groupe, et ne
cherche pas � en fournir. Il est quelque chose de totalement diff�rent. C'est
une id�ologie, une doctrine de relations mutuelles entre les membres de la
soci�t�. C'est en m�me temps l'application de cette doctrine en ce qui
concerne la conduite des hommes dans la soci�t� existante. Il ne promet rien
qui d�passe ce qu'il peut accomplir dans la soci�t� et gr�ce � elle. Il ne
cherche � donner aux hommes qu'une chose: le d�veloppement pacifique, sans
heurts, du bien-�tre mat�riel pour tous, afin de les mettre � l'abri des
causes ext�rieures de peine et souffrance, autant qu'il est dans le pouvoir
des institutions sociales de le faire. R�duire la souffrance, augmenter le
bonheur: voil� son but.
Aucune secte et aucun parti politique n'a cru pouvoir se permettre de
d�fendre sa cause par le simple appel � la raison. L'emphase rh�torique, la
musique et le retentissement des chants, le mouvement des banni�res, les couleurs
et les fleurs servent de symboles; les dirigeants cherchent � attacher leurs
partisans � leur personne. Le lib�ralisme n'a rien � voir avec tout cela. Il
n'a pas de fleur ou de couleur qui lui soient associ�es, pas de chant ni
d'idoles, pas de symboles ni de slogans. Il a pour lui le contenu et les
arguments. Ce sont eux qui doivent le mener � la victoire.
1. La
litt�rature du lib�ralisme
Afin que ce livre ne
prenne pas de trop grandes proportions, j'ai d� �tre bref. Je m'estime
d'autant plus justifi� � l'avoir �t� que j'ai d�j� trait� � fond tous les
probl�mes fondamentaux du lib�ralisme dans une s�rie d'ouvrages et d'essais
d�taill�s.
Pour le lecteur qui
d�sirerait acqu�rir une compr�hension plus profonde de ces sujets, j'ajoute
la compilation suivante des �crits les plus importants.
Les id�es lib�rales se
trouvent d�j� dans les oeuvres de nombreux auteurs anciens. Les grands
penseurs anglais et �cossais du XVIIIe si�cle et du d�but du XIXe si�cle
furent les premiers � formuler ces id�es sous la forme d'un syst�me.
Quiconque veut se familiariser avec l'esprit lib�ral doit reprendre leurs
livres:
� David Hume, Essais
moraux, politiques et litt�raires et autres essais [Essays Moral,
Political, and Literary] (1741 et 1742), et
� Adam Smith, Recherche
sur la nature et les causes de la Richesse des nations [An
Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations] (1776), et
plus particuli�rement
� Jeremy Bentham,
nombreux �crits, commen�ant par Defense of Usury (1787),
jusqu'� Deontology, or the Science of Morality, publi� � titre
posthume en 1834. Tous ses �crits, � l'exception de Deontology,
furent publi�s dans l'�dition compl�te �dit�e par Bowring entre1838 et 1843.
John Stuart Mill est
un �pigone du lib�ralisme classique qui fut plein de piteux compromis,
particuli�rement � la fin de sa vie et sous l'influence de sa femme. Il
glissa progressivement vers le socialisme et est � l'origine de la confusion
irr�fl�chie des id�es lib�rales et socialistes qui conduisit au d�clin du
lib�ralisme anglais et � la diminution du niveau de vie de la population
anglaise. Malgr� cela � ou peut-�tre pr�cis�ment � cause de cela � il
convient de se familiariser avec les principaux �crits de Mill:
� Principles
of Political Economy (1848)
� De la
libert� [On Liberty] (1859)
� L'Utilitarisme [Utilitarianism]
(1862).
Sans une �tude
s�rieuse de Mill, il est impossible de comprendre les �v�nements qu'ont subis
les deux derni�res g�n�rations, car Mill est le grand d�fenseur du
socialisme. Il a �labor� avec attention et amour tous les arguments pouvant
�tre avanc�s en faveur du socialisme. Compar�s � Mill, tous les autres
auteurs � m�me Marx, Engels et Lassalle � ont bien peu d'importance.
Il est impossible de
comprendre le lib�ralisme sans conna�tre l'�conomie, car le lib�ralisme est
de l'�conomie appliqu�e: il constitue une ligne politique et sociale fond�e
sur une base scientifique. Sur ce sujet, outre les �crits d�j� mentionn�s, il
convient de se familiariser avec le grand ma�tre de l'�conomie classique:
� David Ricardo, Des
Principes de l'�conomie politique et de l'imp�t [Principles of
Political Economy and Taxation] (1817).
Les meilleures
introductions � l'�tude de l'�conomie scientifique moderne sont:
� H. Oswalt, Vortr�ge
�ber wirtschaftliche Grundbegriffe (nombreuses �ditions)
� C. A. Verrijn
Stuart, Die Grundlagen der Volkswirtschaft (1923).
Les chefs-d'oeuvre en
langue allemande de l'�conomie moderne sont:
� Carl Menger, Grunds�tze
der Volkswirtschaftslehre (premi�re �dition, 1871).
� Eugen von
B�hm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins (1884 et 1889).
�galement instructif, son Karl Marx and the Close of His System (New
York, 1949).
Les deux principales contributions
allemandes � la litt�rature lib�rale ont connu le m�me malheur que le
lib�ralisme allemand.Essai sur les limites de l'action de l'�tat [On
the Sphere and Duties of Government] (London, 1854) de Guillaume de
Humboldt fut termin� en 1792. Schiller en publia la m�me ann�e un extrait
dans Neuen Thalia, d'autres extraits apparaissant dans le Berliner
Monatsschrift. Par la suite, toutefois, l'�diteur de Humboldt eut peur de
sortir le livre, qui fut laiss� de c�t� et demeura oubli� pour n'�tre
red�couvert et publi� qu'apr�s la mort de l'auteur.
L'ouvrage d'Hermann
Henrich Gossen, Entwicklung der Gesetze des menschlichen Verkehrs und
der daraus. fliessenden Regein f�r menschliches Handeln trouva
certes un �diteur, mais ne rencontra aucun lecteur � sa sortie, en 1854. Le
livre et son auteur demeur�rent oubli�s jusqu'� ce que l'Anglais Adamson
tomb�t sur un exemplaire.
La pens�e lib�rale
impr�gne la po�sie classique allemande, par-dessus tout les oeuvres de Goethe
et de Schiller.
L'histoire du
lib�ralisme politique en Allemagne est br�ve et marqu�e par de trop rares
succ�s. L'Allemagne moderne � et ceci comprend les d�fenseurs de la Constitution
de Weimar tout autant que ses adversaires � est un monde vivant � l'�cart de
l'esprit du lib�ralisme. Le peuple allemand ne sait plus ce qu'est le
lib�ralisme mais il sait l'insulter. La haine du lib�ralisme est le seul
point rassemblant les Allemands. Il faut signaler, parmi les �crits allemands
r�cents sur le lib�ralisme, les ouvrages de Leopold von Wiese: Der
Liberalismus in Vergangenheit und Zukunft (1917); Staatssozialismus (1916);
et Freie Wirtschaft (1918).
Pas un souffle de l'esprit
lib�ral n'a jamais atteint les peuples de l'Europe de l'Est.
Bien que l'esprit
lib�ral soit en d�clin m�me en Europe occidentale et aux �tats-Unis, on peut
consid�rer ces nations comme lib�rales en comparaison des Allemands.
Parmi les auteurs
anciens, il convient �galement de lire les OEuvres compl�tes de
Fr�d�ric Bastiat (Paris, 1855). Bastiat �tait un brillant styliste,
de sorte que la lecture de ses �crits constitue un v�ritable plaisir. �tant
donn�es les fantastiques avanc�es de la th�orie �conomique depuis sa mort, il
n'est pas surprenant que ses enseignements soient aujourd'hui obsol�tes.
Cependant, sa critique de toutes les tendances protectionnistes et
assimilables reste encore aujourd'hui pleinement valides. Les protectionnistes
et les interventionnistes n'ont pas �t� en mesure d'avancer un seul argument
pertinent et n'ont pu donner aucune r�ponse objective. Ils ont simplement
continu� � b�gayer: Bastiat est � superficiel. �
En ce qui concerne les
ouvrages politiques plus r�cents en langue anglaise, il ne faut pas oublier
que le mot � lib�ralisme � a aujourd'hui souvent le sens de socialisme
mod�r�. Une br�ve pr�sentation du lib�ralisme est donn� par l'Anglais L. T.
Hobhouse dansLiberalism (1911), et par l'Am�ricain Jacob H.
Hollander dans Economic Liberalism (1925). Des introductions
encore meilleures aux id�es des lib�raux anglais se trouvent dans:
� Hartley
Withers, The Case for Capitalism (1920).
� Ernest J. P. Benn, The
Confessions of a Capitalist (1925). If I Were a Labor Leader (1926). The Letters of an Individualist (1927). Ce dernier livre comprend
une bibliographie (pp. 74 et suivantes) de la litt�rature anglaise sur les
probl�mes fondamentaux du syst�me �conomique. The Return to Laisser
Faire (London, 1928).
On trouve une critique
des politiques protectionnistes par Francis W. Hirst dans son ouvrage Safeguarding
and Protection (1926).
Est �galement
instructif le compte rendu du d�bat public qui s'est tenu � New York le 23
janvier 1921 entre E. R. A. Seligmann et Scott Nearing sur le sujet: � Le
capitalisme a plus � offrir aux travailleurs des �tats-Unis que le
socialisme. �
Les ouvrages La
Cit� moderne de Jean Izoulet (premi�re �dition en 1890) et Community de
R. M. MacIver (1924) constituent des introductions � la pens�e sociologique.
L'histoire des id�es
�conomiques se trouve expos�e par: Charles Gide et Charles Rist, Histoire
des doctrines �conomiques(nombreuses �ditions); Albert Schatz, L'individualisme
�conomique et social (1907); et Paul Barth, Die Philosophie
der Geschichte als Soziologie (nombreuses �ditions).
Le r�le des partis
politiques est trait� par Walter Sulzbach dans Die Grundlagen der
politischen Parteibildung (1921).
L'ouvrage Geschichte
des deutschen Liberalismus (1911-1912, deux volumes) d'Oskar Klein-
Hattingen constitue un essai sur l'histoire du lib�ralisme allemand, et Guido
de Rugaiero a fait la m�me chose pour le lib�ralisme europ�en dans The
History of European Liberalism (Oxford, 1927).
Pour finir, je citerai
parmi mes propres ouvrages ceux qui sont en liaison �troite avec les
probl�mes du lib�ralisme:
� Nation, �tat
et �conomie [Nation, Staat und Wirtschaft: Beitr�ge zur Politik
und Geschichte der Zeit] (1919).
� Critique de
l'intervenionnisme [Kritik des Interventionismus] (1929).
� Le
Socialisme [Sozialismus] (1936), et Le Chaos du
planisme [Planned Chaos], 1951.
� Le
Gouvernement omnipotent [Omnipotent Government] (1944).
� L'Action
humaine [Human Action] (1949).
� La Mentalit�
anticapitaliste [The Anti-Capitalistic Mentality] (1956).
2. � propos du terme � lib�ralisme �
Ceux qui ont
l'habitude des �crits publi�s ces derni�res ann�es sur le lib�ralisme vont
peut-�tre m'objecter que ce qui est appel� lib�ralisme dans le pr�sent
ouvrage ne co�ncide pas avec ce que l'on comprend habituellement sous ce
terme dans la litt�rature politique contemporaine. Je suis loin de le nier.
Au contraire, j'ai moi-m�me soulign� que ce que l'on entendait sous le
vocable � lib�ralisme � aujourd'hui, particuli�rement en Allemagne,
est totalement diff�rent de ce que l'histoire des id�es appelle � lib�ralisme �
pour d�crire le contenu du programme lib�ral des XVIIe et XVIIIe si�cles.
Presque tous ceux qui se pr�tendent de nos jours � lib�raux �
refusent de se prononcer en faveur de la propri�t� priv�e des moyens de
production et d�fendent des mesures en partie socialistes et
interventionnistes. Ils cherchent � justifier leur position en expliquant que
l'essence du lib�ralisme ne consisterait pas � adh�rer � l'institution de la
propri�t� priv�e mais � d'autres choses, et que ces autres choses exigent un
d�veloppement plus pouss� du lib�ralisme, qui ne devrait plus d�s lors
d�fendre la propri�t� priv�e des moyens de production mais se faire � la
place l'avocat du socialisme et de l'interventionnisme.
Ce que ces
� autres choses � peuvent bien �tre, les pseudo-lib�raux doivent
encore nous l'expliquer. Nous les entendons beaucoup parler d'humanit�, de
magnanimit�, de v�ritable libert�, etc. Il s'agit certainement de sentiments
nobles et respectables que tout le monde approuvera imm�diatement. En fait,
toute id�ologie y souscrit. Toute id�ologie � hormis quelques courants de
pens�e cyniques � pense d�fendre l'humanit�, la magnanimit�, la v�ritable
libert�, etc. Ce qui distingue une doctrine sociale d'une autre n'est pas
l'objectif ultime du bonheur humain universel, qu'ils d�sirent tous, mais la
fa�on dont ils cherchent � l'atteindre. Le trait caract�ristique du
lib�ralisme est de proposer d'arriver � cet objectif par la propri�t� priv�e
des moyens de production.
Les questions de
terminologie sont cependant, somme toute, secondaires. Ce qui compte n'est
pas le nom mais la chose dont on parle. Aussi fanatiquement oppos� � la
propri�t� priv�e que l'on puisse �tre, on devra toutefois conc�der au moins
la possibilit� que quelqu'un puisse la d�fendre. Et si l'on accepte ce point,
on devra bien entendu donner un nom � ce courant de pens�e. Il faudrait
demander � ceux qui se pr�tendent aujourd'hui lib�raux comment ils
appelleraient l'id�ologie qui d�fend la pr�servation de la propri�t� priv�e
des moyens de production. Peut-�tre r�pondront-ils qu'ils souhaitent
l'appeler � manchesterisme �. Ce terme a �t� initialement cr�� avec
une connotation de d�rision et d'insulte. N�anmoins, cela n'emp�cherait pas
de l'employer pour d�signer l'id�ologie lib�rale si ce n'�tait que l'expression
a toujours �t� utilis�e jusqu'ici pour marquer le programme �conomique plut�t
que le programme g�n�ral du lib�ralisme.
Il faut en tout cas
donner un nom au courant de pens�e d�fendant la propri�t� priv�e des moyens
de production. Le mieux est de s'en tenir au terme traditionnel. Il n'est
source de confusion que si l'on suit le nouvel usage, qui autorise m�me les
protectionnistes, les socialistes et les bellicistes � se pr�senter comme
� lib�raux � quand �a les arrange.
On pourrait aussi se
demander si, en vue de diffuser plus largement des id�es lib�rales, il ne
faudrait pas trouver un nouveau nom � l'id�ologie lib�rale, de sorte que les
pr�jug�s d�velopp�s � son encontre, particuli�rement en Allemagne, ne
constituent pas un handicap. Une telle proposition partirait de bonnes
intentions mais serait totalement oppos�e � l'esprit du lib�ralisme. Tout
comme ce dernier doit, par n�cessit� interne, rester � l'�cart de toute ruse
de pure propagande et �viter tous les moyens qu'utilisent les autres
mouvements pour faire accepter leurs id�es, il faut aussi �viter d'abandonner
cet ancien nom pour la simple raison qu'il est impopulaire. C'est pr�cis�ment
parce que le terme � lib�ral � a une connotation d�favorable en
Allemagne que le lib�ralisme doit le conserver. L'important n'est pas de
rendre la pens�e lib�rale plus facilement acceptable par tout le monde, mais
de convertir les gens au lib�ralisme, de les faire penser et agir comme des
lib�raux.
Une deuxi�me objection
pouvant �tre lev�e � l'encontre de la terminologie en usage dans le pr�sent
ouvrage consiste � dire que le lib�ralisme et la d�mocratie ne sont pas
consid�r�s ici comme �tant en opposition. De nos jours, en Allemagne, le
� lib�ralisme � indique souvent la doctrine qui soutient l'id�e
d'une monarchie constitutionnelle, et la � d�mocratie � signifie le
soutien � l'id�al politique de la r�publique parlementaire. M�me sur le plan
historique, cette conception est totalement ind�fendable. C'est la r�publique
parlementaire et non la monarchie constitutionnelle pour laquelle le
lib�ralisme s'est battu. Sa d�faite � cet �gard consista pr�cis�ment en ce
que l'Empire allemand et l'Autriche ne r�ussirent qu'� cr�er une monarchie
constitutionnelle. Le triomphe des antilib�raux vient de ce que le Reichstag
allemand �tait si faible qu'il peut �tre qualifi�, si l'on veut �tre pr�cis
et non poli, de � club de bavards �. Le dirigeant du parti
conservateur qui affirmait qu'un lieutenant et douze hommes suffiraient �
dissoudre le Reichstag disait la v�rit�.
Le lib�ralisme est le
concept le plus g�n�ral. C'est une id�ologie qui embrasse toute la vie
sociale. L'id�ologie de la d�mocratie ne comprend que les aspects sociaux qui
rel�vent de la constitution de l'�tat. La raison pour laquelle le lib�ralisme
exige la d�mocratie comme corollaire politique a �t� d�montr�e dans la
premi�re partie de l'ouvrage. Montrer pourquoi tous les mouvements
antilib�raux, socialisme compris, doivent �tre antid�mocratiques est le but
des recherches voulant analyser de mani�re approfondie la nature de ces
id�ologies. En ce qui concerne le socialisme, j'ai essay� de le faire dans le
livre qui porte ce titre.
Il est facile � un
Allemand de s'�garer, car il pense toujours en ayant � l'esprit les
lib�raux-nationaux et les sociaux-d�mocrates. Les lib�raux nationaux ne
furent jamais, m�me � l'origine, un parti lib�ral � tout au moins sur les
questions de droit constitutionnel. Ils constituaient ce courant du vieux
parti lib�ral qui a toujours expliqu� qu'il prenait en compte � les
faits tels qu'ils sont r�ellement �, c'est-�-dire qu'il consid�rait
comme certaine la d�faite du lib�ralisme dans son conflit constitutionnel
prussien contre les adversaires de la � Droite � (Bismarck) et de
la � Gauche � (les partisans de Lasalle). Les sociaux-d�mocrates
n'�taient d�mocrates que tant qu'ils n'�taient pas au pouvoir, c'est-�-dire
tant qu'ils ne se sentaient pas assez puissants pour �liminer leurs
adversaires par la force. D�s qu'ils s'estim�rent les plus forts, ils se
d�clar�rent partisans de la dictature � comme leurs auteurs l'avaient
toujours recommand�. Ce n'est qu'apr�s avoir subi des d�faites sanglantes
face aux bandes arm�es des partis de droite qu'ils se sont � nouveau d�clar�s
en faveur de la d�mocratie � jusqu'� nouvel ordre �. Leurs penseurs
l'expliqu�rent en ces termes: � Au sein des partis sociaux-d�mocrates,
le courant en faveur de la d�mocratie a triomph� sur celui pr�conisant la
dictature. � Bien entendu, seul un parti qui d�fend les institutions
d�mocratiques en toutes circonstances � m�me s'il est le plus fort et qu'il
est au pouvoir � peut �tre qualifi� de d�mocratique.
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originellement publi� par le Qu�b�quois Libre ici
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