En août 1971, le
président Richard Nixon rompait par décret le dernier lien
formel entre le dollar et l’or. Jusque-là, on garantissait aux
banques centrales étrangères de leur remettre une once
d’or en échange de 35$. (Les citoyens américains, eux,
n’avaient plus le droit de posséder de l’or – sauf
de vieilles pièces de collection – depuis que Roosevelt avait
confisqué tout l’or du pays en 1933. Ils n’ont
retrouvé ce droit qu’en 1974 dans le «land of the
free».)
En tant que monnaie
internationale de réserve depuis l’après-guerre, le
dollar était utilisé partout dans le monde et détenu par
toutes les banques centrales et toutes les entreprises faisant des affaires
à l’échelle mondiale. Cette demande externe donnait un
avantage précieux aux autorités américaines : celui de
pouvoir gonfler la masse monétaire sans trop risquer de susciter une
hausse générale des prix, puisque l’argent se retrouvait
à l’étranger au lieu d’être
dépensé dans l’économie nationale.
Les Américains ont
toutefois abusé de cette situation pendant les années 1960. Ils
ont eu recours de façon immodérée à
l’endettement et à la planche à billets pour financer les
nouveaux programmes sociaux du président Johnson et la guerre au
Viêt-Nam. Les étrangers détenaient de plus en plus de
dollars, alors que les réserves d’or américaines
diminuaient dangereusement. Le dollar était surévalué
par rapport à l’or et la situation devenait intenable.
La décision de Nixon
signifiait une dévaluation de
facto du dollar et l’effondrement des accords de Bretton
Woods, le système monétaire international mis en place
après la guerre. Couplé à la hausse du prix du
pétrole suite à la formation de l’OPEP, le choc a
entraîné une période de stagflation qui a perduré
jusqu’au début des années 1980, quand le président
de la Fed Paul Volker a mis fin à la surchauffe en appliquant une
politique monétaire très restrictive. La récession de
1981-1982, la plus sévère depuis la Grande Dépression, a permis de liquider les malinvestissements et de relancer
l’économie sur des bases plus solides.
Trente-six ans après
Nixon, nous nous retrouvons dans une situation très similaire –
et peut-être pire à cause de l’absence totale
d’ancrage de la monnaie dans un étalon or. Depuis des
années, l’inflation monétaire fait rage et les bulles se
gonflent et éclatent les unes après les autres. On se
souviendra de la fameuse mise en garde de Greenspan en 1996 contre
«l’ exubérance irrationnelle» (il devait savoir de
quoi il parlait puisque c’était lui l’inflationniste en
chef!). Puis, l’année suivante, de la crise financière
asiatique et du sauvetage par la Fed de Long-Term Capital Management, un
important fonds d'investissement à Wall Street. (J’ai
l’impression de me répéter… Voir cet article de 1998.)
La Fed a injecté des milliards de dollars dans
l’économie à l’approche de l’an 2000 pour
parer aux soubresauts potentiels provoqués par le bogue de l’an
2000. En 2001, l’effondrement de la bulle technologique et les
attentats du 11 septembre ont décuplé l’interventionnisme
de la Fed, qui a réduit les taux d’intérêt à
un plancher historique de 1% de juin 2003 à juin 2004. D’autres
bulles sont apparues, dans l’immobilier et le secteur financier. Sans
compter les coûts astronomiques des guerres de l’empire
américain à l’étranger, qui sont payés par
de l’argent emprunté des Chinois et d’autres
étrangers. Et le fait que W. est le président le plus
dépensier depuis Johnson (même en excluant les dépenses
militaires).
Tout comme en 1971, cette
situation ne pouvait perdurer éternellement. Depuis des années,
on se demande qui, parmi les grands détenteurs étrangers de
réserves en dollars (Chine, Japon, autres banques asiatiques,
pétro-monarchies) va être le premier à perdre son
sang-froid. Tous ont en effet intérêt à ce que le dollar
maintienne sa valeur, puisque leurs avoirs vont être
dévalués en parallèle avec le cours de la monnaie
américaine. Mais tous se rendent compte aussi qu’ils prennent un
risque immense à garder ces réserves. Et si ceux qui vont
s’en départir les premiers vont réussir à limiter
les dégâts, ils risquent d’enclencher le mouvement qui
fera s’effondrer le château de cartes.
C’est pour toutes ces
raisons qu’on assiste depuis des mois à une dévaluation
graduelle du dollar américain, pas seulement par rapport au dollar
canadien (qui atteint aujourd’hui un sommet de 1.10$US) mais à
toutes les monnaies du monde. Et c’est dans ce contexte que survient la
déclaration d’un haut dirigeant chinois, Cheng Siwei, qui disait
hier que «In terms of the structure of our foreign exchange reserves,
we should take advantage of the appreciation of strong currencies to offset
the depreciation of weak currencies». En d’autres termes, on fait de moins en
moins confiance aux autorités américaines pour régler le
problème, et on regarde vers l’euro et d’autres monnaies
pour éviter de perdre notre chemise avec les titres en dollars. Une
déclaration qui vient de faire chuter le dollar à des niveaux
historiques.
Jusqu’où cela
ira-t-il? Difficile de le dire. L’approche autrichienne permet
simplement d’identifier des phénomènes et des tendances,
et d’expliquer pourquoi ils se produisent et à quoi on peut
logiquement s’attendre. Les mathématiques ne sont d’aucun
recours pour prédire des phénomènes économiques
aussi complexes. Les économétriciens qui manipulent des
modèles dans une optique néo-classique ne comprennent de toute
façon rien à ce qui se passe, les fondements théoriques
de leur approche étant totalement déficients sur ce plan.
Ce qu’on peut dire,
c’est que l’effondrement du dollar américain (mais aussi
du système monétaire mondial étatisé et
basé sur le papier monnaie), qui se poursuit par soubresauts depuis
des décennies, entre aujourd’hui dans une autre phase critique.
Seul un retour à l’étalon or permettra de retrouver la
stabilité.
Martin
Masse
Le Quebecois
Libre
Martin Masse est né à Joliette en 1965. Il
est diplômé de l'Université McGill en science politique
et en études est-asiatiques. Il a lancé le cybermagazine
libertarien Le Québécois Libre en février 1998. Il a
été directeur des publications à l’Institut
économique de Montréal de 2000 à 2007. Il a traduit en
2003 le best-seller international de Johan Norberg, Plaidoyer pour la
mondialisation capitaliste, publié au Québec par l'Institut
économique de Montréal avec les Éditions St-Martin et
chez Plon en France.
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