On apprend dans la presse — rendue molle autant par les élections que par une canicule qu’elle a longtemps refusé d’appeler ainsi — qu’un barrage de migrants a tourné au drame dans la nuit de lundi à mardi dans le Nord. Saprizut, voilà que le vivrensemble vient de prendre une beigne.
Triste accident que celui qui s’est donc déroulé mardi, vers 3h45 du matin, sur l’A16 : tombant sur un barrage de troncs d’arbres posés sur la chaussée par des migrants, deux camions ont brutalement freiné pour tenter d’éviter la collision. Si ces derniers sont parvenus à s’arrêter, la camionnette qui roulait derrière eux n’a pas eu autant de chance et a percuté l’un des poids-lourds puis a pris feu, tuant le chauffeur. L’autoroute a bien sûr été fermée et une déviation, rapidement saturée comme il fallait s’y attendre, a été mise en place.
Avec une telle description clinique dont la presse est friande au point d’évoquer ensuite calmement le problème général que les migrants peuvent poser avec ce genre de barrages, on en viendrait presque à croire que cet abominable accident qui termine si mal n’est, en définitive, qu’une mésaventure voire une péripétie bien malheureuse qu’on se doit d’endurer, de temps en temps, sur les routes de France (un peu comme le terrorisme qui provoque parfois des petits désagréments ici ou là et auquel il va bien falloir s’habituer, mes braves enfants – après tout, la cigarette et les mélopées de Kendji Girac tuent plus de monde à l’année, hein). Il manque presque, dans ces articles du Monde ou du Parisien, l’une ou l’autre interjection de dépit sur l’embarrassement que ces écarts au bon goût et à la festivité citoyenne provoquent pour donner une idée précise de la gêne ressentie dans les classes jacassantes.
Certes, les politiciens ont largement froncé les sourcils : Notre Frétillant Président À Tous, Emmanuel, a assuré être très mobilisé, mais reconnaissons tout de même qu’il eût été de mauvais goût qu’il expliquât s’en tamponner le coquillard. Apparemment, lui et son ministre de l’Intérieur vont s’employer à distinguer les demandeurs d’asile des migrants économiques, et l’affaire sera dans le sac. Mais si. C’est évident.
Certes, les journalistes ont fait œuvre de salubrité en décrivant les faits, tous les faits, rien que les faits, avec le calme et le détachement qui sied dans ce genre de pénibles péripéties. Après tout, il eût été inconvenant de s’étonner d’une situation qui tend à se répéter un peu trop, à questionner l’ampleur des moyens mis en œuvre pour l’éviter.
Ainsi, personne ne semble s’étonner que ces barrages aient lieu, encore et encore. Pourtant, il y a de quoi : depuis quand en France laisse-t-on ainsi agir des brigands de grand chemin autre que la maréchaussée officielle ?
Ainsi, personne ne s’émeut vivement que la sécurité de nos autoroutes soit ainsi remise en cause. Tout juste trouvera-t-on cela dangereux (ah bah oui, ça peut tuer, zut alors). On n’entendra pas des masses Chantal Perrichon, l’hystérique présidente de la Ligue contre la violence routière, monter au créneau dans ce qui ressemble bien à une forme assez claire de violence, sur la route, qui entraîne pourtant des dégradations, des incidents, des blessures et maintenant la mort. D’un autre côté, parions que si elle intervient, ce sera pour réclamer rapidement que ces portions d’autoroutes soient limitées à 30 km/h et bardées de radars photogènes, afin de punir une bonne fois pour toutes ces camionneurs enivrés de vitesse.
Ainsi, personne ne semble halluciner de rappeler qu’on est en France, dans un Etat où, normalement, la loi limite assez clairement le droit des individus à disposer des barrages sur les routes, qu’on soit ressortissant ou non du pays.
Ainsi, le calme et la pondération devront rester de mise lorsqu’on apprendra que la nuit précédente, des réfugiés avaient déjà créé un tel barage à peu près au même endroit, mais qu’heureusement, il avait « rapidement été retiré par les policiers et les agents de la DIR » dont on est heureux d’apprendre qu’ils seraient payés pour ça, youpi tralala. Dans le même temps, un poids lourd avait fait l’objet de jets de pierres, parce qu’apparemment, le barrage ne suffit pas.
Tout est donc normal ou presque, la circulation est sous contrôle ou presque, l’ordre et la sécurité règnent en France ou presque, et on a proprement mis au coffre les deux onces de lucidité qui devraient normalement amener toute la presse et toute la population à déclencher un ouragan de boulettes de merdes monstrueux devant la gestion d’une telle affaire.
Mieux encore : le vrai problème de cet accident n’est pas qu’un type qui conduisait un camion pour gagner sa vie vient de la perdre, il n’est pas qu’une famille ne reverra jamais son fils ou son père. Non, pas du tout : pour certains, la vraie crainte, c’est que tout ceci vienne « ternir la vision déjà contrastée de la population locale sur la question des migrants », comme le dit l’article du Parisien (auparavant lié) avec un sens de la formule assez phénoménal.
Pour Claire Millot du collectif Salam, qui n’était manifestement pas au volant de la camionnette,
« Ce drame va donner une image négative d’eux alors qu’ils sont tout simplement poussés par le désespoir . C’est plus difficile de passer depuis quelques mois mais c’est toujours possible. Ils s’accrochent tous à cela. Avant, il suffisait de trois semaines, maintenant cela nécessite plusieurs mois. Seulement, parfois, certains craquent et tentent le tout pour le tout. »
Comme c’est ballot ! On tente le tout pour le tout, et pouf, on tue quelqu’un et flûte et zut, ça donne ensuite une image négative !
Pour d’autres, comme Christian Salomé, président de l’association « L’Auberge des migrants », si le danger augmente sur les autoroutes, c’est parce que ces migrants sont pourchassés. L’hypothèse inverse que les migrants en question seraient pourchassés parce qu’ils prennent de plus en plus de risques, qu’ils provoquent de plus en plus de problèmes ne semble pas être une hypothèse de travail raisonnable, quand bien même les faits semblent pourtant pencher de ce côté plutôt que l’autre.
En fait, il est ici bien difficile de trouver une réflexion solide sur l’état lamentable du pays qu’illustre pourtant fort bien cette affaire dramatique.
Comment ne pas voir les lacunes en terme de gestion des forces de l’ordre, lacunes soigneusement entretenues en faisant passer la sécurité des citoyens bien après la tranquillité d’esprit des politiciens qui les dirigent ? Comment ne pas comprendre que le problème migratoire actuel est d’autant plus aigu que la justice, celle qui doit normalement encadrer le droit d’asile, les renvois et les incarcérations pour faits délictueux ou criminels ne suit pas ? Comment ne pas faire le lien entre l’état justement lamentable de cette justice et le temps mis par celle-ci pour traiter de chacun des cas qui lui est soumis, imposant par le fait même des temps de procédures inhumains qui enkystent le problème au lieu de le résoudre ? Comment ne pas voir que ce n’est certainement pas avec de nouvelles lois et de nouvelles procédures s’ajoutant à celles déjà pléthoriques et complexes que le problème va se résoudre ? Comment ne pas comprendre que confondre l’humanisme le plus essentiel avec une complaisance aussi grande que politiquement avantageuse ne peut aboutir qu’à des situations de plus en plus dramatique comme celle-là ?
Malheureusement, ni la presse, ni les politiciens passés et actuels, ne semblent vouloir prendre la question sous ces angles. Aux atermoiements et aux larmes pseudo-humanistes s’opposent les discours faussement virils. Tout ne reste que blabla et agitation cosmétique pendant que les vrais problèmes, de police et de justice, continuent de s’installer, de s’enkyster et de pourrir la vie des Français, sans aucunement améliorer la vie des migrants non plus.
Les déclarations fumigènes des ministres « en marche » ne rendent guère optimiste.
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