Comme la France va très mal, il devient indispensable, essentiel, impérieux et obligatoire d’en occuper le peuple avec un déferlement de sujets aussi idiots que polémiques. Et puisque la situation s’aggrave, le déferlement de billevesées sociétales s’accroît à en devenir dantesque.
Avec la précédente majorité, on avait déjà eu un aperçu de ce que pouvait donner l’agitation cosmétique d’un président surexcité. Lorsque Hollande, en grande partie sur un gros malentendu, est parvenu au pouvoir, personne n’aurait pu imaginer un tel décuplement de l’effervescence mousseuse autour de questions parfaitement accessoires. Nombreux furent les Français qui crurent naïvement qu’avec un homme aussi placide que Hollande, la France, apaisée, allait retrouver une assemblée nationale concentrée et déterminée à régler les problèmes du pays.
Bon, il est vrai que la nomination de Ayrault comme premier ministre a nettement entamé cette croyance ; déjà, un obscur fonctionnaire de province parvenu président, c’était assez peu glamour, mais lorsqu’il a nommé un clerc de notaire besogneux comme premier ministre, ça manquait furieusement de panache. Et l’historique des performances du nouveau locataire de Matignon ne laissait aucun doute sur la tendance générale : après la coke et les amphétamines, le peuple français allait être soumis à une sévère cure de Valium. La descente promettait d’être rude.
Elle le fut et il fallut donc rapidement occuper les esprits, alors même que la conjoncture passait de très médiocre à franchement mauvaise : à la fin de 2012, le caca des dettes souveraines a heurté le proverbial ventilateur économique, arrosant généreusement tout le monde.
La réaction immédiate du clerc de notaire et du petit fonctionnaire ne se fit pas attendre : lancer polémique idiote sur débat à la con, largement aidés en cela par une opposition shooté au Bifinul Actif (ce qui se passe à l’intérieur déteint franchement à l’extérieur) et une majorité dont la compétence globale en matière de froufroutage emperlousé n’est plus à démontrer.
Rien de tel qu’ouvrir des chantiers comme le mariage homosexuel, la gestation pour autrui ou le droit de vote des étrangers, en même temps et dans ce qui s’apparente tout de même à une cacophonie générale, pour occuper les esprits de parlementaires confits d’avantages et de douceurs républicaines.
Pendant ce temps, le peuple, lui, peut bien trouver le temps long et les fiches de paye trop petites, au moins le Sénat et le Parlement conservent cet esprit gaulois qui font le charme de notre pays en faillite. Et puis, avec des pasionaria de l’égalitarisme sexuel ultime comme Najat Vallaud-Belkacem, on savait qu’on allait s’en cogner, des histoires de quéquettes sociétales !
Et Twingo ! comme on dit chez Renault parce qu’on a oublié depuis des années qu’on dit plutôt « Bingo ! » : voilà une nouvelle polémique qui enfle doucement à mesure que les médias relayent ce qu’il convient d’appeler le énième écran de fumée sociétale de cette nouvelle législature festive. C’est une certaine Sandrine Mazetier qui s’y colle : ne brillant par absolument aucun aspect quelconque et ne pouvant se réclamer d’aucune autre originalité que celle d’avoir été élue député, n’ayant pas la moindre honte de se déclarer socialiste et n’ayant aucune faculté particulière à développer un raisonnement, une pensée philosophique, un discours ou même quelques borborygmes rigolos, ce brave mammifère républicain a décidé d’ajouter sa petite dose d’entropie au tableau général pourtant déjà chargé en proposant, dans la décontraction qui caractérise les amibes inconséquentes et ces personnes qu’on dira pudiquement différentes, de changer le nom d’« école maternelle » en « première école ». Chpaf.
Et comme d’habitude, les raisons invoquées par l’animal poilu sont consternantes d’imbécillité ; c’est normal, il ne s’agit pas ici d’un vrai débat, d’une vraie problématique de société qui permettrait à la France d’avancer dans le XXIème siècle d’un jarret conquérant. C’est, comme le député Mazetier, un simple accessoire encombrant de la manœuvre politicarde transparente d’un gouvernement en déroute, destinée à faire passer des vessies équitables pour des lampes halogènes basse-consommation éco-compatibles. Eh oui, ici, madame le député nous explique calmement que, je cite :
« Cette dénomination institutionnelle laisse entendre que l’univers de la petite enfance serait l’apanage des femmes et véhicule l’idée d’une école dont la fonction serait limitée à une garderie. »
Bien évidemment, on pourrait objecter que dans « école maternelle », il y a surtout « école » et que, dans l’imaginaire populaire, cette notion recouvre plutôt celle d’une salle peinte de couleurs vives avec d’adorables gribouillages bariolés, de grandes lettres en bâtons, des douzaines de peluches, de la peinture, des crayons bigarrés et des bricolages aussi improbables que rigolos. Mais pour Mazetier, non, décidément, c’est le mot « maternelle » qui retient l’attention.
Et quelle attention ! Ainsi donc, « école maternelle » laisseraient faussement entendre qu’elle serait l’apanage des femmes. Or, chacun sait que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, les statistiques sont formelles :
Flûte, crotte, zut, la réalité est en accord avec le peuple, et pas du tout avec avec Mazetier. Ce qui serait bien, ce serait de changer le peuple. On s’y emploiera donc par des moyens détournés, et la mise sur le tapis des sujets précédents (mariage d’un autre genre, gestation pilotée par autrui, droit de vote étranges) ne doit dans ce cadre rien au hasard. Et on se rappelle qu’une de ces ministres subsidiaires avait, en juillet de l’année dernière, tâtouillé mollement le terrain en proposant de renommer les vieux en « personnes avancées en âge ».
On attend donc les propositions pertinentes pour tous les autres termes violemment sexistes et terriblement genrés sur lesquels Najat pourra donner un coup de main à Sandrine : les services « Maternité » vont-ils devenir des services « Début de Vie », poétique ellipse équivalente au service « Fin De Vie » remplaçant déjà la Gériatrie ? Verrons-nous apparaître des Sages-Hommes et des Femmes-Grenouilles ? Si une certaine frange de la science s’emploie à nous donner, soyez en sûr, les pères-porteurs, la technique nous offrira-t-elle enfin des cartes-pères pour nos PC ? Grand-Père sait-il faire un bon café ?
Le rigolisme et la consternation se mêlent sans fin dans ce sujet qu’on sent propulsé par une gauche idéologiquement aux abois alors que l’argent des autres vient à manquer pour alimenter ce Monde Plus Juste et Plus Égalitaire (avec des lendemains qui chantent normalement prévu par contrat social, article 14 alinéa b). Et dans cette fuite en avant qui, derrière son aspect comique, cache mal les abominations qu’elle nourrit en son sein, même le Chef de l’État s’y met pour touiller la soupe gluante et nauséabonde qu’est devenue l’idéologie dominante actuellement : lui aussi part à l’assaut du méchant vocabulaire et le voilà qui veut supprimer le mot race de la constitution. Que voilà noble combat quand 30.000 personnes supplémentaires grossissent les rangs de pôle emploi chaque mois ! Quelle idée généreuse que de bricoler la constitution alors que la France s’appauvrit à millions à chaque heure qui passe ! Et surtout, quelle belle perspective d’avenir on nous offre là ! Lorsqu’un jour, on jugera que les religions des uns ou les origines des autres ont fait trop de dégât, on ira gommer les termes gênants de l’Histoire et des annales comme jadis on faisait disparaître les opposants ou les imbéciles des photos staliniennes.
Excitant projet de société, n’est-ce pas ?
Il y a deux façons de changer son monde : en agissant directement dessus, ce qui demande de l’énergie, du talent, des efforts, des interactions avec des individus qui ne sont pas forcément d’accord avec vous, des compromis, bref, de l’intelligence. On peut aussi le rêver meilleur, se faire un petit film étrange et merveilleux dans sa tête, et s’éloigner lentement des côtes de la réalité pour voguer sur les mers de l’utopie, de l’imaginaire ou de la folie. Malheureusement, comme disait Philip K. Dick, « La réalité, c’est qui persiste à exister même lorsqu’on a arrêté d’y croire ». Et alors même qu’obstinément, les socialistes n’y croient plus, la réalité va leur revenir dans la face.
À ce moment là, il ne faudra pas venir se plaindre.