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Les fins
observateurs des débuts de la présidence de François
Hollande n’auront pas manqué de constater qu’une de ses
premières actions « médiatiques » aura
été de commémorer
l’abolition de l’esclavage.
L’esclavage
tend aujourd’hui à disparaître
de la surface de la terre en tant que forme légale de travail,
même si certains de ses usages subsistent, notamment en Mauritanie
et au Soudan. Cette disparition est, évidemment, en partie le fruit du
travail des idéologues « droits-de-l’hommiste »
mais elle est également la conséquence d’une
rentabilité économique de cette pratique de plus en plus
contestée en doctrine.
En effet,
déjà, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle,
Adam Smith avait alerté ses concitoyens sur le fait que le travail
effectué par des esclaves était nécessairement de moins
bonne qualité que celui des hommes libres. Pour Smith, le
système esclavagiste représentait même un frein au
développement du marché intérieur. Les esclaves, du fait
de leurs conditions de travail, faisaient preuve de moins d’esprit
inventif que s’ils étaient des travailleurs libres.
Ainsi, selon
le philosophe écossais, le système esclavagiste était
non seulement nuisible aux esclaves mais également aux esclavagistes,
eux-mêmes, qui jouissaient, de la sorte, d’une main
d’œuvre de moindre qualité.
Malheureusement,
malgré le travail idéologique du comte de Mirabeau, les
arguments smithiens trouvèrent difficilement écho en France
où on s’illusionna sur la prospérité
économique du pays censément due à l’esclavage.
De plus en
plus d’auteurs contemporains remettent ce paradigme en cause,
vérifiant a posteriori les théories d’Adam Smith.
En France,
Nantes était considérée,
au XVIIIe siècle, comme la ville des négriers, tant
le trafic d’exploitation des hommes avec les colonies y était
abondant. La richesse de cette cité proviendrait de ce trafic.
C’est le commerce d’esclaves qui permettrait de rendre les
échanges profitables.
Néanmoins,
il conviendrait de modérer ces assertions selon lesquelles cette
activité serait exclusivement rentable et dénuée
d’aléas. Robert Stein, dans un article publié en 1975,
dans The Journal of Economic
History (« The Profitability
of the Nantes Slaves Trade, 1783-1792 ») rappelait très
justement que les bateaux de l’époque étaient logiquement
moins parés aux risques maritimes (l’expérience fit que
les navires modernes sont conçus de manière à mieux
faire face auxdits risques) et qu’il en résultait quelquefois de
tristes naufrages.
En revanche,
la thèse de Stein est un peu plus discutable quand, vers la fin de son
article, il semble indiquer que, plus les bateaux transportaient
d’esclaves, plus le succès de l’opération
était assurée. Les choses doivent être quelque peu
nuancées : en effet, l’entassement irraisonné
d’esclaves avait des conséquences sanitaires dramatiques. Ainsi,
on estimait à environ 15% le nombre d’esclaves achetés en
Afrique et ayant péri avant d’être vendus en
Amérique. Les conditions de
transport conduisaient également nombre d’entre eux à se
suicider. Voici une excellente application concrète de la
théorie des coûts de transaction élaborée par Coase, puis Williamson : ces auteurs avaient expliqué
que, passé une certaine taille, une firme devenait ingouvernable de
l’intérieur et que les coûts d’organisation
dépassaient alors les coûts de transaction. En
l’espèce, les « négriers » avaient
souhaité baisser au maximum les coûts unitaires mais ce calcul
comptable s’est retourné contre eux, d’un point de vue
économique mais également humain.
De plus, les
commerçants d’esclaves, pour mener à bien ces
opérations, durent effectuer des investissements importants et les
établissements bancaires, conscients des risques, ne leur
prêtèrent de l’argent qu’à des taux
d’intérêt élevés.
Au final,
Robert Stein conclut son article, expliquant que les profits nets issus du
commerce d’esclaves n’étaient pas si élevés
et provenaient, en grande partie, des subventions gouvernementales,
subventions qui rendirent cette activité plus immorale encore…
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