Dans une première
partie, nous nous sommes penchés sur la période que nous
appelons aujourd’hui celle de l’étalon or classique. Nous
sommes parvenus à la conclusion que ce système fonctionnait
parfaitement bien. Sous cet étalon or classique, les Etats-Unis
produisaient plus de capital et bien plus rapidement que n’importe quel
pays avant eux. Ils faisaient face à certaines difficultés
représentées par les lois sur la fixation de prix et les
régulations chargées de forcer les banques à acheter des
obligations au gouvernement, mais ces dernières n’étaient
pas directement liées à l’étalon or.
Dans une seconde
partie, je me suis penché sur la période durant laquelle
les gouvernements du monde ont commencé à faire intrusion dans
l’économie et où une planification centrale a
été établie par les banques centrales ; ainsi que
sur les conséquences dévastatrices de leurs actions sur les taux
d’intérêts et les taux de change, le problème que
pose un système de devise papier, et l’annulation de sa promesse
en or par le gouvernement des Etats-Unis en 1971.
Dans la troisième
partie, j’ai étudié les éléments
clé de l’étalon or, souligné la distinction entre
la monnaie (l’or) et le crédit (tout le reste), et me suis
penché sur les obligations du système bancaire et le
système de réserve fractionnaire.
Dans cette quatrième partie, je me pencherai sur
une toute autre forme de crédit : les Effets Réels. Notez
que ce sujet est assez controversé, parce que beaucoup pensent que les
Effets Réels (en anglais Real Bills) sont inflationnistes. Cet auteur
propose par exemple que l’inflation ne soit pas définie par une
augmentation de la masse monétaire per se, mais par la
contrefaçon du crédit.
Commençons par nous pencher sur la fonction
première des Effets Réels : la compensation. Elle est
à la fois ancienne et d’actualité. Les premières
foires médiévales consistaient en une réunion de
marchands venus de différentes zones géographiques. Chacun
apportait des produits de sa région et les échangeait contre
des produits d’autres régions. Personne ne transportait
d’or pour deux raisons : premièrement, aucun marchand
n’avait assez d’or pour acheter à la fois des produits
locaux à vendre à la foire et des produits d’autres
régions ; et deuxièmement, transporter de l’or était
dangereux.
Les marchands auraient très bien pu mettre en place
un système de troc direct, mais se seraient vite confrontés au
problème qui est à l’origine de l’invention de la
monnaie et que l’on appelle la ‘coïncidence des
besoins’. Un marchand pourrait par exemple vouloir vendre des fourrures
et acheter de la soie. Mais si le marchand de soie ne cherche pas à
acquérir de la fourrure, mais des épices, alors aucune
transaction ne peut se faire. En plus de cela, le marchand
d’épices pourrait très bien n’avoir besoin ni de fourrure
ni de soie. Tout le monde perdrait donc du temps à courir à
droite à gauche pour organiser un troc avec au moins deux autres
marchands, voire même sept, et pouvoir obtenir les produits qu’il
désire vendre ensuite sur son marché local. Ils ont donc développé
un système de reçus qui leur permettait de mener à bien
leurs complexes opérations commerciales. Après que
l’ensemble des transactions ait été établi, tous
les marchands devaient régler les écarts nets en or ou en
argent.
Le système de compensation est nécessaire
pour des marchands qui échangent d’importantes quantités
de biens lors de transactions dont les écarts nets sont moindres.
Il en va de même au sein de la chaîne de
distribution de produits finis. Chaque entreprise apporte une valeur
ajoutée à un produit avant de le vendre à une autre. Par
exemple, le fermier commence par vendre du blé. Le meunier en fait
ensuite de la farine qu’il vend au boulanger. Le boulanger transforme
cette farine en pain et le vend à ses clients. Ces entreprises vivent
de marges peu élevées, ce qui est une bonne chose pour tout le
monde (bien que le boulanger, le meunier et le fermier ne soient pas
d’accord avec ce point). La question à se poser est la
suivante : avec des marges si peu importantes, comment peuvent-ils payer
le prix de gros des produits qu’ils achètent avant de les
transformer et de les revendre ?
Et c’est un problème qui ne fait que
s’intensifier si l’un d’entre eux décide de
développer son entreprise. Sans Effets Réels, il serait en plus
de cela tout bonnement impossible d’ajouter une autre entreprise
à cette chaîne. L’idéal serait que la
décoloration de la farine puisse être prise en charge par une
autre société. Et si la boulangerie venait à se
développer, il serait plus efficace pour elle d’opérer
une petite quantité d’épiceries régionales, auquel
cas un distributeur pourrait joindre la chaîne pour acheter le pain
à la boulangerie mère et le revendre aux épiciers
locaux.
A chaque fois qu’une nouvelle société
joint la chaîne, la réserve de pièces d’or
disponibles devrait gonfler proportionnellement, ce qui n’est pas
possible. Fort heureusement, cela n’est pas nécessaire.
Grâce au système de compensation, seuls les écarts nets
doivent être réglés en or. Si les consommateurs
achètent l’équivalent de 10.000 grammes d’or en pain
à l’épicerie, l’épicier garde son profit de
5% (500 grammes) et transmet les 9.500 grammes restants au distributeur, qui
à son tour retire son profit de 2% avant de transmettre l’or
restant (9310 grammes) au boulanger. Le boulanger retirerait ensuite ses 10%
de profit et transmettrait les 8379 grammes restants au blanchisseur de
farine, et ainsi de suite.
Le problème évident que cela pose est que le
paiement se fait dans le sens contraire à celui des produits. Bien que
la farine soit transformée en pain après avoir
été vendue au boulanger, l’or circule depuis le
consommateur vers le fermier. L’Effet Réel est le
mécanisme qui rend tout cela possible.
Sans l’Effet Réel, les sociétés
de la chaîne de production auraient à emprunter de
l’argent en passant par des prêts conventionnels ou des
obligations, ce qui est moins efficace et plus cher. Sans cela, la division
du travail et la spécialisation des entreprises seraient impossibles.
Comme nous l’avons vu dans la troisième
partie de cet article, tout le monde est bénéficiaire
d’un système qui permet efficacement de transformer du capital,
que ce soit d’épargne en revenus ou d’obligations en
intérêts. La monnaie de l’épargnant peut travailler
pour lui tout au long de sa vie, et il peut vivre de ses
intérêts après sa retraite sans crainte de vivre plus
longtemps que son argent. Un entrepreneur peut créer une
société sans avoir à passer sa carrière
entière à épargner une fraction de ses revenus et à
faire un travail qui ne lui convient pas. Tout le monde profite des nouveaux
produits créés par l’entrepreneur, et la vie de tous
s’en trouve améliorée.
La même analogie s’applique à la
compensation de la chaîne de distribution de toute forme de bien de
consommation. C’est particulièrement vrai à mesure que de
nouveaux arrivants rejoignent la chaîne et rendent le processus plus
efficace (c’est-à-dire moins cher pour le consommateur). Le
système de compensation est également nécessaire
à satisfaire la demande saisonnière (par exemple la
période de Noël). Entre septembre et octobre, la production
augmente. Tout, depuis les chocolats jusqu’au papier cadeau, doit
être produit en des quantités bien plus importantes avant
Noël que tout le reste de l’année. En l’absence
d’un mécanisme de compensation, sans l’Effet Réel,
la production des sociétés serait limitée par l’or
qu’elles détiennent, ce qui entraînerait des
pénuries.
Dans la pratique, l’Effet Réel n’est
rien de plus qu’une facture envoyée par le grossiste au vendeur
au détail. Dans mon exemple, le distributeur livre du pain à
l’épicier et lui présente une facture.
L’épicier la signe et accepte de payer 3500 grammes d’or
sous 90 jours (certainement moins que cela pour du pain, mais ce n’est
qu’un exemple). Il est important que l’Effet Réel soit
remboursé sous 90 jours, et ce pour un certain nombre de raisons.
Premièrement, l’Effet Réel est uniquement applicable aux
produits dont on connait la demande. Si un produit ne se vend pas sous 90
jours, cela signifie qu’un problème est survenu ou que
quelqu’un, quelque part, a surestimé la demande. Plus tôt
ce problème est réglé, mieux c’est.
En second lieu, dans la plupart des pays, une saison dure
90 jours. Les consommateurs n’ont pas nécessairement besoin des
mêmes produits d’une saison à l’autre.
Troisièmement, l'Effet réel est un
instrument de crédit sur le court terme qui n’est pas une dette.
Sur les foires médiévales, il n’existait ni emprunt ni
prêt. La même chose est encore vraie aujourd’hui pour
l’Effet Réel. Le grossiste ne prête pas de l’argent
au vendeur au détail. Il lui fournit des biens qui lui seront
payés une fois qu’ils auront été vendus aux
consommateurs. Le détaillant accepte de payer le grossiste une fois
ses produits vendus, mais ne lui emprunte pas d’argent.
En dernier lieu, si une transaction requière
l’établissement d’un crédit sur le long terme,
alors elle doit être soumise à un emprunt traditionnel ou passer
par l’achat d’obligations. L’Effet réel ne
fonctionne pas sur la durée et ne supporte pas le risque. Un
crédit sur le long terme ne signifie pas compensation, mais
spéculation, stockage et incertitude.
Des Effets Réels ont circulé dans de
nombreux pays à différentes périodes.
Spontanément. Aucune loi n’est requise pour forcer qui que ce
soit de les accepter. Aucun système bancaire n’est nécessaire
pour les rendre liquides. ‘Les Effets Réels circulent à
leur propre rythme’, comme le dit si bien Antal Fekete.
L’Effet Réel est l’actif de revenu le plus efficace en
dehors de l’or (c’est d’ailleurs pour cela que les Effets
Réels ne fonctionnent pas sous un système de monnaie papier
– il serait contradictoire pour un Effet Réel d’arriver
à maturité sous un système papier de moindre
qualité).
Ceux qui s’opposent aux Effets Réels font
face à un dilemme. Ils peuvent soit s’y opposer en mettant en
place une loi qui les interdise, soit les autoriser à circuler
librement sur le marché libre sous un système basé sur
un étalon or. Espérons que les principes de liberté
individuelle et de liberté des marchés nous mènent vers
cette dernière solution.
Ce n’est pas le travail du gouvernement que de
rendre hors-la-loi tout ce que les experts perçoivent comme
étant une calamité. Et ces experts devraient
réfléchir un instant avant de juger les acteurs libres
d’un marché libre et de présumer que les choses
tourneront mal si personne n’intervient.
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