Après
la polémique sur son coût, c'est le temps de travail qui revient
sur le devant de la scène. Selon l'institut de conjoncture proche du
patronat, Rexecode, l'employé
Français à plein temps, entre RTT, congés maladie et...
Carnets de commandes fluctuants, travaillerait moins que tous les autres, et
notamment, 200 heures annuelles de moins qu'un salarié Allemand.
Travailler,
c'est trop dur
Par
conséquent, si vous ramenez le coût forfaitaire du travail aux
nombres d'heures travaillées, vous comprenez pourquoi il devient
difficile d'employer en France des salariés à un niveau de
rémunération qui les satisfasse, surtout si vous tenez compte
des prélèvements sur le salaire complet opérés
par l'anti-modèle social de notre beau pays, sujet traité ici
récemment.
Pourtant,
reconnaissons le :
même le plus libéral des salariés aime ses RTT. La
plupart des êtres humains préfèrent les loisirs ou les
activités d'agrément au travail. Le travail est le prix que
nous payons pour pouvoir bénéficier de moments agréables
pendant nos loisirs. Certes, à tout prendre, nous
préférons aussi que notre travail soit agréable. Mais avouez le : la plupart d'entre nous rêvons de
pouvoir vivre sans travailler.
Seul
problème, mais de taille, il est très difficile de conjuguer un
temps de travail faible et une rémunération
élevée sans une productivité individuelle
élevée par salarié. Et c'est là qu'en France, les
choses se gâtent.
Capital
surtaxé, exclusion des "improductifs"
Tout
d'abord, sujet récurrent de mes colonnes, la surtaxation
du capital en France rend plus attractif l'investissement capitalistiquement
intensif dans des pays fiscalement plus conciliants, tels que la
république Tchèque ou la Slovaquie, pour ne parler que de l'UE.
Ces pays ont en plus pour l'instant un second avantage en terme
de coût du travail, car les emplois productifs y sont encore assez
rares.
En
effet, on n'efface pas intégralement les handicaps nés de 40
ans de domination communiste après une guerre destructrice en 20 ans.
Mais les employeurs qui investissent lourdement en slovaquie
savent que l'écart salarial avec le reste de l'UE ne peut que se
réduire. S'ils y vont quand même, c'est d'abord à cause
de la promesse que le fruit de leur capital restera taxé de
façon raisonnable, et non progressive.
La
France a d'abord contourné l'obligation de productivité en
sous-employant les 16-25 ans, pas assez expérimentés, et les
50-64 ans, réputés moins dynamiques, tranches d'âge dont
le taux d'emploi est parmi les plus faibles d'Europe. Cela nous permet
d'afficher des taux de productivité horaires plutôt
élevés en terme de valeur ajoutée créée
par rapport au nombre d'heures travaillées.
Seul
problème, plus le taux de participation global de la population
à la force productive est faible, plus les prélèvements
qu'il faut opérer sur ceux qui produisent sont importants pour assurer
la subsistance des jeunes, des vieux et des chômeurs, soit au sein de
la famille, soit par redistribution sociale. Et voilà pourquoi un
coût total employeur élevé se traduit en salaires nets
misérablement faibles, surtout en période de bulle
immobilière et d'inflation cachée par l'effet "Petits prix
en euros", et ce alors que de plus en plus de salariés ont
l'impression de se crever au travail.
Un
modèle qui ne peut pas fonctionner !
Bref,
notre problème est simple. Notre paradigme socio-économique
actuel s'apparente à une quadrature du cercle, tentant de concilier
quatre caractéristiques inconciliables :
1.
Rémunération nette "occidentale" (à
défaut d'être vraiment élevée)
2.
Temps de travail bien cool
3.
Nombreuses personnes sans travail à nourrir
4.
Taxation du capital dissuasive
Une
telle conjonction ne peut tout simplement pas fonctionner. Mais sur quels
leviers le politique peut-il agir ?
Une
seule voie politiquement acceptable
Examinons
chacun des ces points en détail :
1.
Concernant le coût du travail, nous ne pouvons pas proposer comme
perspective d'avenir aux jeunes et moins jeunes de ce pays de vivre avec des
salaires grecs. Une politique qui ne se donnerait que pour seul objectif de
diminuer le coût du travail serait clairement une reconnaissance de
notre déclin.
2.
Concernant le temps du travail, les gens sentent bien que les RTT en veux tu en voilà dans
l'administration et les grands groupes devront être revues à la
baisse. Mais pour autant, personne n'a envie de coupes trop sombres dans les
congés. Baisses, oui, coupes sombres, non !
3.
Remettre au travail ceux qui n'en n'ont pas ne se décrète pas.
On peut certes envisager de réduire les compensations de
l'oisiveté volontaire et lutter contre certaines fraudes, mais ce
n'est pas cela qui créera les postes de travail dont l'économie
a besoin pour rendre employables une part suffisante des gens actuellement
peu actifs.
4. Par
contre, le capital, et notamment le capital productif, ne protestera pas si
on le taxe moins !
C'est
donc la taxation de la formation de capital, autrement dit, en
français de tous les jours, la taxation du succès, qu'il faut
considérablement revoir à la baisse. C'est le seul levier
politiquement acceptable que les décideurs publics aient à leur
disposition pour inverser l'infernale spirale de déclin
économique qui est la notre.
Les
quatre calamités du capital
J'imagine
déjà les cohortes de bien pensants
hurler parce que cela constituerait à n'en point douter "un
cadeau fait aux riches". Mais vous admettrez que sans bonnes machines,
sans locaux fonctionnels et spacieux, sans laboratoires bien
équipés, sans logiciels performants, etc. aucune
création d'emploi à haute valeur ajoutée n'est
envisageable ! De fait, tout ce qui désincite
à investir dans ces équipements en France devrait être
banni du paysage fiscal et réglementaire.
Or, en
France, par conditionnement au politiquement correct socialisant, nous
faisons tout l'inverse :
1.
Taxation marginale des hauts revenus très élevés : Or,
seuls les hauts revenus peuvent accumuler les masses critiques de capitaux
qu'ils pourront investir dans leurs projets, ou ceux des autres en tant que
Business Angels.
2.
Impôt sur la fortune : Même en cours de réforme,
l'Impôt sur la fortune a dissuadé nombre de créateurs de
rester en France, et, suprême embarras, incite les chefs d'entreprise
fondateurs de leur société à grandir par endettement
plutôt que par augmentation de capital, pour ne pas tomber sous le
sacro-saint seuil de 25% des parts sociales de l'entreprise, seuil qui les
exonère de cet impôt.
3.
Impôt sur les sociétés très élevé
à 33,3%, et encore faut il ajouter d'autres
impôts en amont, comme la contribution additionnelle sur la valeur
ajoutée qui a remplacé la taxe professionnelle.
4.
Impôts sur les plus values, sur
l'héritage, qui là encore dissuadent la formation de capital de
valeur en France.
Ces
quatre calamités ont pour double effet pervers, d'une part
d'assécher la disponibilité de masses critiques de capitaux investissables au profit de l'agent économique le
plus inefficace et le plus destructeur de valeur qui soit, l'état ; et
d'autre part de réduire considérablement le rendement des
investissements après impôts, et donc d'inciter à
investir les bénéfices passés là où
l'herbe fiscale parait plus verte.
En
finir avec la punition du succès
Si nous
voulons conserver un paradigme socio-économique dans lequel nous
serions mieux rémunérés, avec moins d'inactifs à
nourrir, et où le temps de travail resterait suffisamment bas pour
nous permettre d'enchaîner de bonnes vacances, alors nous n'avons pas
le choix, nous devons tout faire pour que les bonnes idées se montent
de préférence en France, parce que le capital qui fructifie n'y
sera pas pénalisé. Et donc nous devons traiter les quatre
calamités qui précèdent :
1.
Instaurer une Flat Tax, qui garantit à
l'entrepreneur, au cadre, à l'artiste de talent, au médecin,
etc. qu'il conservera l'essentiel de ses revenus quel qu'en soit le niveau.
2.
Supprimer l'ISF, qui ne rapporte pas grand chose au
budget de l'état, et dont le coût réel est
supporté par les classes moyennes.
3.
Impôt sur les sociétés ramené au même taux
que la Flat Tax, soit moins de 20%, avec une
assiette "assainie" pour éviter les déductions
byzantines qui font les choux gras des multinationales au détriment
des PME. De cette façon, les PME pourront constituer les
réserves qui leur permettront de grandir.
4.
Forte réduction, voire suppression complète des impôts
sur les plus values ou les héritages, et
notamment les héritages de type productif (entreprises, terres
agricoles, brevets, etc...), limitant les tentations de délocalisation
patrimoniale... Et incitant nombre d'exilés fiscaux et patrimoniaux
à revenir dans un pays où l'on mange bien et où le
climat est agréable.
Naturellement,
toutes ces diminutions de taux doivent être financées uniquement
par des baisses de dépenses publiques, pas par la hausse de nouveaux
impôts. Mais c'est un autre débat pour d'autres articles.
Ces
évolutions ne sont pas que des "cadeaux aux riches". Elles
auront surtout pour effet vertueux de permettre une croissance rapide de la
valeur ajoutée créée en France, et donc de diminuer le
nombre d'inactifs que notre modèle social devra
rémunérer tout en augmentant la capacité des employeurs
de verser de bons salaires complets.
Conclusion
C'est
en arrêtant de vouloir punir le succès que nous attirerons
à nouveau le succès, et que nous préserverons au moins
en partie les aspects les plus agréables de notre modèle
social, tout en en corrigeant les moins avenants.
Par
contre, si nous persistons à surtaxer les fruits du capital et les
hauts revenus pour complaire à notre conception totalement
archaïque d'une pseudo-justice sociale fondée sur la haine et la
jalousie envers les cochons de "possédants", alors nous
devrons accepter de voir nos rémunérations d'activité
encore plus grignotées, nos emplois partir à l'étranger,
et, au final, en finir avec notre temps de travail reposant, soit par remise
en cause des accords de RTT que les salariés devront accepter de
mauvaise grâce, soit par obligation croissante de cumuler deux emplois
pour vivre décemment.
Vincent
Bénard
Article
originellement publié sur abcbourse.com
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