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Cours Or & Argent

L'euro : si ex nihilo non est, sed ex quo?

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Publié le 04 janvier 2012
2275 mots - Temps de lecture : 5 - 9 minutes
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Rubrique : Fondamental

 

 

 

 

En raison d'un certain nombre de propos que j'ai entendus ces dernières heures et qui consistent, selon ceux qui les tiennent, à fêter les dix années de l'euro, je me permets de republier un texte de 2002 que j'avais intitulé "La vérité sur l'euro" et, en sous-titre, "si ex nihilo non est, sed ex quo ?". 


Depuis lors, j'ai ai écrit d'autres (cf. liste dans ce billet).

Je n'ai rien à changer au texte de 2002  et n'y ai rien changé.


Je ne fais pas d'autosatisfaction en le republiant, mais souhaite seulement, en ce 1er janvier de la nouvelle année, qu'il ramène la pensée de certains dans le bon sens.
J'y ai ajouté, pour ce faire, en addendum trois graphiques éloquents.  Ces graphiques sont d'ailleurs l'autre raison qui m'ont amené à le republier.

Le texte était paru, avec le même titre, dans le périodique de l'A.l.e.p.s.

, 35 avenue Mac Mahon, 75017 Paris (à droite en montant l'avenue vers l'Etoile). 


intitulé Liberté économique et progrès social, n° 99, février 2002, pp. 31-35 .




[Début du texte.]


"Si l'euro n'a pas été créé ex nihilo, il ne résulte pas non plus d'un progrès de la connaissance, d'une réduction de l'ignorance, d'une réduction du coût de celle-ci.

Une camarilla d'hommes de plusieurs Etats européens ont décrété sa création.


Cela résulte de leur fatale prétention et laisse présentir une vaine coercition future supplémentaire des personnes.

L'euro n'est en effet que :


- un accord politique,
- une unité de compte et
- un processus de transition.

1. L'accord politique.

L'Euro est un accord politique en ligne - brisée - avec les traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice (en cours de ratification par les peuples des Etats en question) et conclu par les Chefs d'Etat et de gouvernement. Il a trois grandes caractéristiques.

1.A. Un accord de taux de change fixes.

Il est d'abord un accord de taux de change qui a été forgé en trois temps (mai 1998, décembre 1998, janvier 2001).


Les puissances publiques de onze pays, parties dans l'accord, sont convenues de fixer bilatéralement, un beau jour de ce mois de mai, les taux de change - spot - de leur monnaie à certains niveaux et elles ont confirmé ces niveaux quelques mois plus tard, en décembre, tout en les fixant par rapport à l'euro.


En janvier 2001, la puissance publique grecque les a rejointes.

Si les niveaux de taux de change - spot - retenus l'ont été, c'est que les experts des puissances publiques nationales les considéraient refléter les situations économiques respectives des pays, à la fois leurs situations respectives présentes, mais aussi les situations futures vraisemblables auxquelles ils s'attendaient.

En tant que tel, l'euro n'a rien d'original. Il rappelle tous les accords de change fixe qui ont été signés dans le passé et ont été appliqués jusqu'au jour où ils ont été dénoncés par les mêmes qui les avaient passés.

1.B. Un accord de taux d'intérêt à court terme égaux.

L'euro est ensuite un accord de taux d'intérêt à court terme. Les puissances publiques nationales sont convenues de faire abandonner à leurs autorités monétaires respectives la gestion des taux d'intérêt à court terme - spot - de leur monnaie nationale.

Elles sont convenues d'instaurer à la place une banque centrale européenne - banque créée quelques temps auparavant - qui aurait la tâche de gérer les taux d'intérêt à court terme - spot - de l'euro à partir de décembre 1998 (gestion des taux d'escompte, taux de refinancement, et taux de prêt marginal).

La Banque centrale européenne (B.C.E.) est à la fois un produit de l'accord politique et le principal gestionnaire de l'accord pour l'avenir.


Les taux d'intérêt à court terme - spot - ont été progressivement égalisés (convergence) pour devenir les taux d'intérêt à court terme - spot - de l'euro.


De plus, les "experts" ont admis qu'ils seraient désormais toujours égaux et que leur égalité ne serait pas perturbée par les variations éventuelles des taux d'intérêt de l'euro que déciderait par la suite la B.C.E..


Cela est très original et n'a pas de précédent dans l'histoire.

Ainsi, de fait, en vertu de la convention de fixation des taux de change - spot - des monnaies de l'euro à certains niveaux, l'euro existe depuis mai 1998, et en vertu de l'égalisation des taux d'intérêt à court terme - spot - nationaux les uns aux autres et de leur gestion par la B.C.E., il est né le 31 décembre 1998.

1.C. Un accord de fusion des monnaies étatiques nationales en une monnaie interétatique internationale.

L'euro est enfin un accord de fusion des monnaies étatiques nationales en une monnaie interétatique internationale.


Entre le 1er janvier 2002 et le 17 février 2002, des pièces en métal marquées en euros et des coupures de billets libellées en euros devraient être mises en circulation et remplacer, aux taux de change convenus en mai 1998, leurs homologues marqués ou libellés en francs français, en deutsche mark, etc., lesquelles seront retirées de la situation.


Les pièces en métal pourront de nouveau circuler indifféremment dans les douze pays comme elles le faisaient il y a un siècle dans le cadre de l'Union monétaire latine entre cinq pays !

A cela près, l'accord de fusion est très original et n'a pas de précédent dans l'histoire pour les raisons suivantes.


Jusqu'à présent, les gouvernements avaient cru, périodiquement dans le passé, pouvoir établir entre leurs monnaies respectives des relations fixes une fois pour toutes.
Et l'histoire économique a démontré que cela a toujours été vain.


Et la théorie a expliqué pourquoi les pays ne sauraient entretenir de telles relations. Il arrive toujours un jour où les coûts du caractère artificiel de la fixité (en particulier, sur les marchés des changes) ne peuvent plus étre cachés et où les taux de change spot et non spot observables, signaux précurseurs, annoncent le début de la fin de l'accord de fixité.

Avec la fusion programmée des monnaies, tout se passe comme s'ils tendaient à faire en sorte que ce qui, hier, pouvait annoncer le début de la fin (à savoir l'évolution des taux de change sur les marchés des changes) soit dissimulé et comme s'ils croyaient que les opérateurs seront dupes.


Ils oublient seulement les informations que donnent les autres marchés, organisés ou non.


Certes, ils ont pris soin de bâillonner le marché des titres financiers à court terme des Etats puisqu'ils ont donné à la B.C.E. la gestion des taux d'intérêt à court terme (hier, ils établissaient des contrôles des changes plus ou moins contraignants).


Mais il reste les marchés des titres financiers à moyen et long termes et les marchés d'action, bref et plus généralement, les marchés des capitaux.


Et ces marchés spot ou non spot, organisés ou non, fourniront les signes précurseurs de la fin [cf. graphique 3 ci-dessous].

Certes, avec la création de la B.C.E. et le fonctionnement du système européen des banques centrales, ils renforcent encore, à leurs yeux, leur jeu de construction.


Il n'empêche que tout se passe comme s'ils réalisaient ce qu'on dénomme dans l'industrie une opération de fusion-acquisition, opération sans antécédent dans le domaine monétaire.


Ils oublient seulement que deux opérations de ce type sur trois échouent.


Comment la première opération jamais réalisé dans le domaine monétaire peut-elle avoir la plus petite chance de réussir ?

2. Une unité de compte.

Conséquence de l'accord politique et première réalité actuelle de l'euro, l'euro est une unité de compte. A l'heure actuelle, il est l'unité de compte des échanges sur les marchés financiers et d'actions, de capitaux, des Douze. Par exemple, Euronext S.A. cote les prix des actions en euros et non plus en francs français.

Il est aussi une unité de compte possible pour la comptabilisation des opérations des entreprises, bancaires ou non. Par exemple, on reçoit des relevés bancaires exprimés en francs français et en euros.

A ce titre, l'euro est une monnaie qui peut circuler puisqu'il fait des comptes bancaires libellés en euros un moyen de paiement qui peut circuler, électroniquement ou non, par débits/crédits (par chèques).


Et on peut le convertir en les monnaies nationales des douze jusqu'à décembre 2001 (à des prix fixes), et en les monnaies autres (à des prix variables, non fixés a priori).

3. Un processus de transition.

Autre conséquence de l'accord politique, les hommes des Etats ont inventé un processus de transition.


Le processus n'a rien d'original en tant que tel. Plusieurs fois dans le passé, des gouvernements nationaux l'ont mis en œuvre dans le cadre d'une réforme monétaire à la suite des destructions causées par les grandes inflations que la politique monétaire ou budgétaire de leurs prédécesseurs ou d'eux-mêmes avaient provoquées.

3.A. Une nouvelle étape dans la formation des relations internationales interétatiques.

Le processus a une première originalité qui tient à sa cause.


On vient de l'écrire : les pays en question ont décidé de fusionner leurs systèmes monétaires nationaux respectifs en un système monétaire international régional. En d'autres termes, le remplacement de la monnaie se fait à une échelle internationale et non plus nationale.

La cause est originale car, tout à la fois, elle montre une nouvelle étape dans la formation des relations internationales inter étatiques et ne se trouve pas dans le désir de sortir une bonne fois pour toutes de la possibilité de l'inflation - de ses destructions - dont abusent les hommes de l'Etat.

3.B. Une étape vers la création d'un Etat européen.

Le processus de transition a une seconde originalité qui tient à son principal effet attendu et annoncé par les hommes de l'Etat, à savoir que l'euro devrait favoriser la création d'un Etat européen.
L'originalité de cette considération, pour ne pas parler de son caractère farfelu, est sans commune mesure avec toute autre parce que non seulement l'histoire économique est sans exemple d'un tel phénomène, mais encore il n'existe aucune théorie scientifique qui puisse expliquer une telle attente ni aucun fait passé qui laisse augurer sa réussite.

Bien au contraire, l'histoire montre et la théorie économique explique qu'à condition d'avoir été institué, l'Etat, un beau jour, capture la monnaie existante.


Les hommes de l'Etat ont tendance à agir ainsi … parce qu'ils veulent augmenter les revenus de l'Etat et pensent pouvoir y parvenir de cette façon.


Ils laissent de côté par là même soit par ignorance, soit par vision à très court terme, tous les coûts que leur action va susciter et qui feront que nécessairement leur belle construction s'effondrera et fera supporter de nouveaux coûts aux gens." (fin du texte de 2002)

Addendum.

Je vous propose comme addendum trois graphiques qui schématisent la transition que les pays de la zone "euro" ont connu depuis le 1er janvier 1999.

L'un retrace l'évolution du prix spot - au comptant - de la monnaie "euro" dans la monnaie "dollar" des Etats-Unis depuis le 1er janvier 1999 jusqu'à aujourd'hui (cf. tableau 1 ci-dessous).


Tableau 1




Trois mouvements se dégagent du graphique :


- un mouvement net de baisse de 1999 à 2001,
- un mouvement net de hausse de 2001 à 2008, malgré un creux en 2005 et
- un mouvement de baisse tendancielle depuis 2008.

Je laisse aux "chartistes" le soin d'interpréter le graphique. 


Une chose est certaine : l'instabilité de la courbe, i.e. du prix de l'euro en dollar, est remarquable dans la période 1er janvier 1999-aujourd'hui.

Le deuxième graphique retrace l'évolution du prix de l'once d'or en dollar dans la période 1992-aujourd'hui (cf. tableau 2 ci-dessous).

Tableau 2




Il ressort de ce graphique deux périodes :


- l'une qui va de 1992 à 2005 et qui donne lieu à une fluctuation du prix dans l'intervalle 200-400 dollar,
- l'autre, à partir de 2005, qui fait apparaître une hausse du prix jusqu'à un pic à près de 1900 dollar, mi-2011, malgré la baisse de 2008 et... la baisse de la seconde moitié de 2011.


Le troisième graphique retrace l'évolution des taux d'intérêt des "dettes souveraines" à dix ans des Etats des pays membres de la zone "euro" dans la période 1995-2011 (cf. tableau 3 ci-dessous).


Tableau 3




Là encore, je laisse aux "pythies" que sont les"chartistes" le soin de l'interprétation.


Mais une chose est certaine :


- d'abord, le processus de convergence des taux d'intérêt ou, si on préfère, d'intégration des marchés des dettes souveraines, noyau du marché des capitaux à moyen et long terme, jusqu'à 2001;
- puis l'osmose de 2001 à 2009;
- enfin, à partir de 2009, le processus de divergence ou, si on préfère, de désintégration du marché des dettes souveraines et donc du marché des capitaux à moyen et long terme.


Autre chose certaine : l'activité de Lehman brothers', puis sa faillite ne sauraient n'y être pour quelque chose..., ni avant 2001, ni pendant 2001-2009, ni depuis 2009.


Le dernier processus, celui de la divergence ou de la désintégration du marché des dettes souveraines à moyen et long terme ne saurait être non plus caché par le faux nez du marché des capitaux à court terme qu'est la politique de la Banque centrale européenne et qui consiste à fixer un taux d'intérêt ... à court terme.


L'alternative y est simple : échanger ou ne pas échanger à ce taux.


Mais elle est grosse de conséquences désastreuses sur le reste du marché des capitaux et, plus généralement, sur la croissance économique quand il n'y a plus de marché organisé d'arbitrage ou de couverture qui soit "partie prenante"...


Georges Lane

Principes de science économique

  

Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.


Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur

 

 

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Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France. Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur
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On devrait cloner Georges Lane .

Il en faudrait de nombreux comme lui pour espérer une amélioration de notre existence et la fin des honteuses et malhonnêtes manipulations des banques et des pouvoirs politiques qui ont outrepassés leur mission de service public.
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J'aime la sophistication de l'écriture du § concernant Lehman Brother's qui autorise toutes les interprétations suivies de trois "ni" temporels qui noient bien le poisson (pourri) ! C'est bien digne d'un prof de fac français !
Le reste est une série de rappels historiques qui conviennent parfaitement à un cours magistral. Donc Lane n'enseigne pas ici l'économie mais bien l'histoire de l'économie ce qui est bien différent.
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On devrait cloner Georges Lane . Il en faudrait de nombreux comme lui pour espérer une amélioration de notre existence et la fin des honteuses et malhonnêtes manipulations des banques et des pouvoirs politiques qui ont outrepassés leur mission de servi  Lire la suite
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