A un moment où il est devenu courant d'entendre parler de l'"insécurité
juridique" en France, chacun devrait bien prendre en considération tout
ce que signifie la notion.
Il faut aller au-delà pour comprendre et voir dans toute réglementation étatique
un facteur de risque réalisé, ex post, donnant lieu à une perte de
patrimoine plus ou moins élevée par chaque personne juridique physique ou
morale privée du territoire, à cause des décisions prises par les hommes de
l'Etat.
1.
La notion d'insécurité juridique.
Par
"insécurité juridique", il faut entendre toutes les
-nouvelles-réglementations mises en oeuvre par la puissance publique,
relevées ces derniers temps, et toutes leurs conséquences économiques, tant à
brève échéance qu'à la longue, en grande partie inconnues a priori
du démiurge de base, à savoir le législateur.
En principe, ces réglementations étatiques sont de toute nature et, le cas
échéant, codifiées en volumes de plus en plus épais.
Par exemple, en France, le Code de l'urbanisme - éditions
Dalloz - est passé de 2703 pages en 2009 à 3288 pages en 2012, soit + 22%!
Et entre 1971 et 2012, voici comment a changé le Code pénal...
pour ne pas parler du Code du Travail, multiplié par près de trois
entre 1978 et 2010!
ou du Code des impôts entre 1943 et 2013:
Pour plus d'informations sur les comparaisons de Codes, cf. ce texte
de Slate .
2. Les facteurs de risque.
En
principe, les réglementations étatiques sont présentées comme devant soit bénéficier à tout un chacun, soit bénéficier aux uns au
détriment des pertes des autres.
En pratique, les pertes s'accumulent et même ceux qui pensaient y gagner
quelque chose supportent des pertes.
En d'autres termes, les réglementations étatiques évoquées sont de véritables
facteurs de risque qu'ont réalisés les hommes de l'Etat, soit directement,
soit indirectement, contre les patrimoines de vous et moi.
Il faudrait donc que chacun assimile les réglementations que les hommes de
l'Etat lui imposent à des facteurs de risque réalisés et les distinguent des
pertes qu'elles lui font supporter en conséquence.
Mais l'assimilation est ignorée...
Et il devrait s'attendre à ces facteurs de risque tout en les distinguant des
risque de perte eux-mêmes qu'ils occasionneront s'il n'y a pas d'opposition
déterminante contre les réglementations dans l'avenir.
Pour autant que les risques en question auraient bénéficié à tout un chacun,
il faudrait admettre qu'ils étaient, au départ, des risques de gain.
Pour autant qu'ils auraient bénéficié à certains au détriment de pertes
d'autres, ils étaient, au départ, risques de gain des uns et risques de perte
des autres.
En fait, l'expérience montre qu'il n'y a pas eu de gain général en patrimoine,
mais qu'il y a eu des gains et pertes individuels dans le meilleur des cas:
dans le pire, il n'y a eu que des pertes individuelles.
En d'autres termes, les réglementations en question ont été des facteurs de
risque à l'initiative des hommes de l'Etat et ont été réalisés par ces
derniers contre les patrimoines de vous et moi.
3.
Ex
post
et ex
ante.
L'insécurité
juridique témoigne ainsi autant des réglementations étatiques réalisées, ex
post, dont on ne peut que se plaindre, celles d'hier, que des réglementations
étatiques en débat ou pas encore "sur le tapis", ex ante,
celles de demain, dont on ne peut que craindre l'issue.
Soit dit en passant, rappelons que l’alternative « ex post »-« ex
ante », souvent laissée de côté par les économistes, procède d’Aristote
comme l’avait souligné Gilles Deleuze en 1988 :
« Enfin nous pressentons que l’antécédence, ce qu’Aristote appelait déjà
l’avant et l’après, bien qu’il n’y ait pas ici d’ordre du temps, est une
notion compliquée :
les définissants ou les raisons doivent précéder le défini, puisqu’ils en
déterminent la possibilité,
mais c’est seulement suivant la « puissance », et non pas selon l’acte, qui
supposerait au contraire l’antécédence du défini.
D’où justement l’inclusion réciproque, et l’absence de tout rapport de temps
» (Deleuze, 1988, pp.57-58).
En conséquence, l’alternative « ex post- ex ante » est indépendante
de la prise en considération, ou non, du temps ou de la durée.
Elle a ouvert, à sa façon, la voie à l'abandon de la transposition du temps
(ou de la durée) des sciences physiques pour la donnée fondamentale de
l'économie politique qu'est le service (cf. ce texte
de février 2014)
Rien ne justifie de mettre de côté l’alternative « ex post - ex ante
» avancé par Aristote, que Myrdal et Lindahl ont remis à l’ordre du jour
économique dans la décennie 1930, en conséquence des travaux de Knut Wicksell
(cf. Uhr,
1960, p.313, Sandelin, 2013,
p.188).
Ce point essentiel est trop souvent laissé de côté.
4. Règles de droit, incertitude et risque.
Bien plus, l'insécurité juridique ne doit pas être envisagée relativement au
passé uniquement, mais peut-être d'abord à l'avenir.
Et on peut autant s'imaginer l'avenir et ses réglementations étatiques qu'en
être totalement ignorant.
Dans ces conditions, l'insécurité juridique est un ensemble de facteurs de
risques de perte fourre-tout qui pèse sur chacun.
Elle se réalise chaque fois qu'une réglementation nouvelle est décidée,
qu'elle ait été attendue avec incertitude ou qu'elle soit inopinée.
Encore faut-il, pour mettre le doigt sur les conséquences des réglementations
étatiques, facteurs de risque par excellence, ne pas jeter à l'écart de son
raisonnement, les risques et ce dont ils procèdent, à savoir les règles de
droit et l'incertitude qu'imagine chacun, à sa façon.
Par exemple, ce phénomène n'a pas entravé les hommes de l'Etat, en France,
qui, il y a quelques années, l'ont mimé en imposant ce qu'ils ont dénommé le
"principe de précaution" (cf. ce texte de décembre
2002).
A les suivre, "vive les réglementations nouvelles, à bas les innovations
'techniques'".
. Réglementations étatiques et activités étatiques.
Il ne faut pas non plus supposer que les hommes de l'Etat ne sont pas
concernés par les facteurs de risque que sont les réglementations qu'ils
décident d'imposer.
Les réglementations nouvelles qu'ils mettent en oeuvre sont une façon pour
eux de mener des activités étatiques, à savoir, en général, sans relation
avec les échanges de vous et moi en biens, étant donné les règles de droit et
les réglementations en place.
Elles leur permettent de procéder par le "vol" ou le
"don" de biens qui ne leur appartiennent pas en propriété, ce qui
les situe "hors règles de droit".
Ils justifient l'un par l'autre - le "vol" par le "don"
ou le "don" par le "vol" - tout en oubliant d'évoquer le
passage de l'un par l'autre dont ils tirent des richesses et vivent...
D'ailleurs, plutôt que de parler d'activités étatique de "vol" ou
de "don", ils parleront de réglementations ou, mieux, de
transferts...
Pour l'"homme de la rue" qui est sensible à ces turpitudes, les
réglementations ou les transferts sont, dans tous les cas, des facteurs de
risque réalisés supportés par lui et ses congénères, dans leur patrimoine.
5. Règles de droit, incertitude, risque et assurance.
Le fait est qu'une majorité d'économistes se moquent aussi des règles de
droit, de l'incertitude, du risque et de la conséquence directe de ces
derniers, à savoir l'assurance et son marché.
Cela est tacite dans l'emploi du mot "transfert", grande
considération de la "comptabilité nationale" qui ignore les règles
de droit.
Par exemple, pour cette raison, la "bonne" macroéconomie actuelle,
celle qui n'a donc que faire des règles de droit, de l'incertitude, du risque
et de l'assurance pour mettre sur le piédestal de son coeur la "macroéconométrie"
dans un monde sans convertibilité de ce qu'on dénomme "monnaie"
aujourd'hui, doit être condamnée avec force.
La destruction de la convertibilité monétaire au XXè siècle ne devrait jamais
être oubliée (cf. ce texte de
janvier 2014).
Elle n'est pas irréversible.
6. Réglementations et innovations.
A la différence des innovations, leur grand compétiteur devant l'éternel, les
réglementations ne sont pas perpétuelles comme le soutiennent, tacitement ou
non, beaucoup de savants, mais éphémères à l'échelle de l'histoire à cause
des coûts nécessairement croissants à quoi elles donnent lieu.
Certes, en toute rigueur, une innovation n'est pas perpétuelle non plus, mais
elle succède nécessairement à une autre, "moins efficace", ce qui
lui donne un parfum de perpétuité le temps qu'elle existe.
Ce n'est pas le cas des réglementations, les pertes se font sentir
immédiatement.
Il faut s'attendre à ce qu'une fois mise en oeuvre, et malgré ce qui est affirmé
(cf. ce texte
d'avril 2013), la réglementation soit abandonnée pour, le cas échéant et
malheureusement, être remplacée par une ou plusieurs autres.