|
On
pourrait croire qu’il reste deux jours pleins pour dégager entre
les Allemands et les Français un compromis boiteux à
présenter au sommet de dimanche, mais il n’en est rien. Angela Merkel est désormais sous le contrôle
sourcilleux de sa propre coalition au Bundestag et doit négocier avec
celui-ci un mandat de négociation, ce qui va prendre du temps
auparavant.
Quoiqu’il
en soit, la tentative dramatisée de Nicolas Sarkozy d’hier,
lorsqu’il s’est rendu à Francfort pour profiter de la despedida de Jean-Claude Trichet, qu’il a
gâché, a fait un gros plouf. Il n’a pas été
possible de faire admettre le montage privilégié par les
Français pour le FESF, qui consiste à lui donner accès
aux guichets de la BCE en lui accordant une licence bancaire.
A
propos de la restructuration de la dette grecque – que les
Français veulent minorer pour protéger leurs banques –
ainsi que la recapitalisation des banques, les discussions se poursuivent.
Frédéric Oudéa, PDG de la
Société Générale, a clairement indiqué ce
matin les bricolages que les banques s’apprêtaient à
poursuivre, afin de l’éviter. « Il est clair que nous ne
demandons pas de fonds publics. Nous pouvons nous adapter avec nos propres
moyens (…) On garde l’essentiel des résultats pour
augmenter les coussins de sécurité (…) Ensuite, on peut
effectivement ajuster telle ou telle activité (…). Enfin, le cas
échéant (…), on peut faire aussi appel au marché
». D’ores et déjà, l’Autorité bancaire
européenne (EBA) est venue à leur rencontre, grâce
à de savants calculs permettant de revoir à la baisse leurs
besoins globaux de renforcement, maintenant estimés à 80
milliards d’euros.
Quant
à la décote supplémentaire de la dette grecque, on peut
anticiper un effet d’affichage pour, comme la fois
précédente, s’appuyer sur une confusion volontaire afin
de justifier qu’elle sera inférieure aux attentes des analystes,
c’est à dire 50%. Une chose est le montant de cette
décote, tel qu’il se traduit comptablement
dans les bilans bancaires, autre chose est la diminution réelle de la
dette grecque, lorsque l’on prend en compte l’allongement de sa
maturité et les coûts que représentent les garanties
(collatéraux) qui doivent être fournies. Les calculs montrent
que la réduction de peine est très inférieure à
la décote mise en avant.
Dans
le domaine des effets spéciaux, Michel Barnier, commissaire
européen aux services financiers, a apporté sa contribution,
sous forme d’une opération de diversion. Il va proposer
d’interdire aux agences de notation de publier leurs notes sur les
Etats à un « moment inopportun », sur décision de
l’ESMA, la nouvelle autorité de régulation
financière européenne. Douce plaisanterie qui consiste à
faire croire que ces informations ne circuleront pas…
Il
ressort de cette situation une nouvelle fois chaotique que seul le gouvernement
allemand a une stratégie, qui est ce qu’elle est. Le moteur
franco-allemand marche sur une patte, les Français n’en
n’ayant pas. Mais si cette politique entend préserver
l’intégrité de la zone euro, au nom des
intérêts bien compris de l’économie allemande, elle
précipite l’avènement d’une Europe à deux
vitesses, à l’image des sociétés occidentales
elles-mêmes. Opposant non pas les 27 de l’Union européenne
aux 17 de la zone euro, comme tentent de le faire croire les Français
à la recherche d’alliés, mais un noyau dur
regroupé autour d’une Allemagne ayant imposé aux autres
pays une discipline budgétaire qui tiendrait du miracle. Or, celui-ci
n’aura pas lieu : le système continuera à imploser et
l’Europe à s’enfoncer dans la récession.
Frédéric
Oudéa veut lui aussi croire aux
interventions du Saint-Esprit. « La recapitalisation des banques,
c’est un des sujets mais ce n’est pas le sujet probablement
essentiel », a-t-il estimé,, lui qui
avait une semaine auparavant expliqué que « le risque sur
l’Italie n’est pas avéré ». Il
considère désormais que « la question clef, c’est
comment montrer que l’Espagne et l’Italie vont se donner les
moyens de ne pas avoir de problème. Et ce sujet-là (…)
concerne bien plus que les banques ».
Le
millier de milliards d’euros que Wolfgang Schaüble
a annoncé comme allant être la capacité
d’intervention du FESF ne réglera pas non plus le
problème. C’est d’ailleurs pourquoi les
négociations se poursuivent avec les Américains, afin d’accroître
les ressources du FMI pour que celui-ci puisse aider les Européens. Le
reste est du bavardage, comme dirait Angela Merkel
qui a parait-il surnommé Nicolas Sarkozy : Herr
Bla-Bla .
Mais,
s’agissant du FMI, les choses se compliquent encore à propos de
la Grèce, en plein dans la tourmente, les manifestations et les
grèves. Ses représentants trouveraient trop optimistes les
estimations de la Commission concernant la capacité de la Grèce
à faire face à sa dette. Ils bloquent le rapport de la Troïka
ainsi que le versement annoncé de la tranche d’aide
correspondante, vitale pour éviter un défaut dans les semaines
qui viennent. Voilà de quoi alimenter le débat sur le montant
de la décote supplémentaire de la dette grecque et de
compliquer le jeu de ceux qui veulent la minorer…
|
|