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Finalement l’agence S+P,
faisant preuve d’une indépendance qu’on ne lui connaissait
pas, a osé baisser de Triple A à Double A+ la note des USA,
puisque la mascarade récente du laborieux compromis entre Démocrates
et Républicains n’a rien produit de concret en matière de
réduction de l’endettement et des déficits US mais a
encore accru la dette publique de ce pays dont le plafond a été
massivement relevé. La décision de l’agence S+P
pourrait faire remonter les taux d’intérêt US à
long terme qui avaient atteint vendredi 5 août leurs plus bas
niveaux depuis mi 2010. Inutile de dire qu’en toute logique plusieurs
Etats européens parmi les plus grands, dont la France et la
Grande-Bretagne, verront aussi prochainement leurs notes être
baissées par la même agence, ce qui rajoutera un peu
d’huile sur le feu du krach obligataire européen en cours. Paradoxalement,
une rechute à la baisse des obligations US à long terme
pourrait avoir un effet positif TEMPORAIRE pour les bourses d’actions
dans la mesure où elle ferait ressortir du marché obligataire
US les investisseurs y ayant trouvé refuge en les faisant alors
revenir sur les actions (US principalement) et aussi parce qu’elle
pourrait entrainer une baisse supplémentaire du dollar US,
dont la sous-évaluation, comme chacun le sait, est le principal
soutien des actions US lesquelles remontent chaque fois que la monnaie US
chute. Baisse supplémentaire du dollar US qui apporterait aussi un
fort soutien à l’or. Il faudrait enfin compter avec une nouvelle
poussée à la hausse du franc suisse et du yen japonais (voire
même du malheureux euro) contre le dollar US, ce que
précisément la Suisse, le Japon (et même la zone euro)
tentent d’éviter par leurs interventions (inefficaces)
récentes sur les marchés des changes, qui mettrait un peu plus
à mal leurs économies. Il importe donc d’attendre que
tout cela se décante avant d’acheter les actions mais pour le
moment de ne plus être short sur les actions US, européennes ou
des pays émergents ni long sur les obligations US, tout en
renforçant les achats d’or pour le cas où sa correction
à la baisse se poursuivrait (lire notre précédent
commentaire du 5 août). Sur le plan de la composition monétaire
des portefeuilles, nous déconseillons toujours de détenir des
euros et conseillons de rester pour partie en francs suisses et pour partie
en dollars US de façon à ne pas courir de risque de change.
Mais la possibilité
d’une remontée des taux d’intérêt US à
long terme entrainant une baisse supplémentaire du dollar US et donc
un effet temporaire positif sur les actions n’est pas du tout certaine.
D’une part, parce que
quand le Japon perdit son Triple A il n’y a pas eu de hausse des taux
longs japonais et le yen est resté fort. D’autre part, parce que
les forces déflationnistes liées à la récession
et au chômage de masse aux USA comme au fait que plus de 4.500
milliards de dollars viennent de s’évaporer en fumée dans
le monde entier par suite du krach boursier en cours, il faudrait
qu’un nouveau Quantitative Easing très
massif (auquel nous ne croyons pas parce que Bernanke
n’est plus politiquement en mesure de faire la moindre bêtise
supplémentaire au risque d’être démis de ses
fonctions par le Congrès US) soit à nouveau organisé par
la Federal Reserve pour qu’une tension forte
sur les taux à long terme US apparaisse à nouveau. Enfin, parce
que les BRIC et autres pays émergents détenteurs de capitaux
continueront à sortir des obligations européennes au profit des
américaines en prévision de l’éclatement de la zone
euro.
On remarquera à propos
de la zone euro, devenue un bateau ivre avec plusieurs capitaines voulant la
conduire dans des directions opposées, que la plus grande confusion y
règne. Trichet ayant pris
l’initiative (illégale au regards des
traités européens et des statuts de la BCE) de faire acheter
par ladite BCE encore plus d’obligations des Etats européens européens dont le marché obligataire
s’effondre (Grèce, Italie, Espagne, Portugal, etc.), la
Bundesbank a aussitôt fait savoir son opposition. Quant au Fonds
européen dit de “stabilité”, il n’a
évidemment pas les moyens financiers de se porter acquéreur de
la plupart des obligations d’Etat européennes comme
l’avait effectué la Federal Reserve
avec ses deux Quantitative Easing, lesquels
n’ont fait qu’accroitre l’endettement et les
déficits US (d’où le krach boursier actuel et la
décision de l’agence S+P de baisser la note des Etats-Unis) sans
améliorer la croissance ni l’emploi Outre-Atlantique, sauf
à créer toujours plus d’euros ex nihilo avec les effets
inflationnistes et de destruction du pouvoir d’achat qui en
résulterait. Bref c’est l’impasse. Quant aux chefs
d’Etat et de gouvernement et autres dirigeants européens,
à l’évidence dépassés par les
évènements, ils multiplient les déclarations contradictoires
ce qui accroît la panique des investisseurs alors qu’ils
devraient étudier une réforme structurelle complète de
la zone euro (si tant est que les peuples acceptent de renoncer à
leurs Etats-nations et d’aller vers le fédéralisme
complet) ou bien revenir au plus vite à leurs anciennes monnaies
nationales. A cet égard, la décision démocratique
“gaullienne” de Zapatero, désavoué par
l’opinion, d’organiser des élections anticipées en
Espagne et de se retirer de son poste de président du gouvernement est
la bonne; tous les dirigeants européens en perte massive de soutien
auprès des opinions publiques (Berlusconi, Sarkozy, Merkel, etc.) devraient en faire de même et
consulter les peuples au lieu de pratiquer le “coup d’Etat
permanent” en dénaturant la construction européenne qui a
été créée (et “vendue” aux peuples)
comme une association d’États-nations souverains, alors
qu’ils en piétinent les principes et les dispositions juridiques
d’origine pour tenter d’en faire un Super-État
fédéral contrôlé par l’Allemagne, une sorte
de IIIème Reich bis sans avenir qui coulerait l’Europe.
Dans les circonstances
actuelles, il est impératif pour les banquiers centraux et les
dirigeants politiques, ayant déjà fait beaucoup de
dégâts et perdu toute crédibilité, de ne plus
intervenir du tout et de parler le moins possible, tant aux USA qu’en
Europe, pour laisser les marchés s’ajuster et retrouver par
eux-mêmes de nouveaux équilibres, même au prix de défauts étatiques ou de faillites
bancaires, faute de quoi les pouvoirs publics continueront à aggraver
leur volatilité avec des mini krachs rampants affectant successivement
la plupart des actifs financiers jusqu’à ce que se produise le
grand krach des actions et des obligations. Avec à la clef l’ EFFONDREMENT pur et simple des Systèmes
monétaires européen et international. Il n’est plus temps
de mettre des rustines sur des pneus crevés, parce que l’on ne
peut pas stopper une crise systémique de solvabilité au
moyen de procédés destinés seulement à calmer des
crises temporaires de liquidité.
En ce quarantième
anniversaire, presque jour pour jour, de la funeste cessation de
convertibilité directe du dollar US en or décidée le 15
août 1971 par Nixon, les États occidentaux en faillite
réelle ou virtuelle (USA compris) doivent maintenant passer à
la réforme radicale des Systèmes monétaires dans le sens
du rétablissement de l’étalon-or. A défaut, les
USA et l’Europe devront se résoudre à organiser la
RÉPUDIATION volontaire de leurs dettes publiques avant d’y
être forcés par les événements, ainsi que
l’on fait plusieurs Etats d’Amérique latine dans les
années 1980-1990 ce qui leur a permis de rebondir ensuite,
plutôt que de mettre en place les programmes d’
“ajustement” du FMI ou les politiques dites de
“rigueur” infligeant aux peuples d’inutiles souffrances
comme le chômage de masse, tout en cassant la consommation et donc in
fine toute possibilité de reprise économique! (Nous traiterons
ce sujet de la répudiation des dettes publiques dans un prochain
commentaire). Quant au FMI, les poursuites enfin engagées par la
Justice française pour “détournement de fonds publics et
faux en écriture” portant sur plusieurs centaines de millions
d’euros, contre son nouveau directeur général Madame
Lagarde, qui n’aurait jamais dû être nommée à
ce poste avant que toute la clarté soit apportée sur
l’affaire Tapie, il risque de perdre encore plus de
crédibilité. Comme Strauss-Kahn l’a fait, non sans
élégance, Lagarde, coupable ou pas, doit démissionner
séance tenante. Voilà le type de décision susceptible de
rendre un peu de confiance aux peuples, qui ne supportent plus la conduite au dessus des lois des pseudo-”élites”,
si l’on veut éviter l’explosion politique et sociale en
Occident.
Jusqu’à vendredi
soir, le dollar US index (contre les principales monnaies) continuait sa
consolidation plutôt haussière, sauf contre le franc suisse
(sous-représenté dans cet indice) contre lequel il est
resté faible. Le S+P500 pourrait remonter vers 1250 (1275 au
maximum) puis rechuter lourdement vers 1010-1050 en septembre-octobre 2011,
à moins qu’il entre dans une consolidation autour de son prix
actuel puis rechute sur les 1010-1050 sans être vraiment
remonté.
Pierre
Leconte
Article originellement
publié ici
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