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La conjoncture, alibi du dirigisme.

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Publié le 01 mai 2008
3659 mots - Temps de lecture : 9 - 14 minutes
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Le texte ci-dessous est paru dans le périodique de l'aleps - 35 avenue Mac Mahon, Paris 17ème - intitulé 


Liberté économique et progrès social, n°57, mars 1990, pp.16-22

sous le titre "La conjoncture, alibi du dirigisme".


Je lui ai ajouté un épilogue en cette année 2005.

Il est un fait méconnu : l'analyse de la conjoncture, discipline économique, est, en France, l'objet d'une seule approche, laquelle est de nature dirigiste. Elle fait abstraction de la propriété, de la responsabilité et de la liberté d'échange des êtres humains. Mais, comme aucune autre approche n'est invoquée officiellement, l'analyse de la conjoncture et son approche privilégiée sont confondues. Tout se passe donc pour l'opinion publique comme si le confluent de sources d'informations qu'elles représentent était sinon empoisonné, du moins dépourvu des contrepoisons nécessaires à sa santé.

Une approche concurrente est pourtant évidente. Elle consiste à définir la conjoncture en relation avec les intentions, décisions ou actions récentes ou prochaines des personnes juridiques (du particulier à l'entreprise) et non plus en relation avec celles d'une collection de clones ou d'une "classe statistique" aux noms variés de producteurs, consommateurs, investisseurs, épargnants, retraités, immigrés, etc. C'est l'approche libérale. Elle suppose d'abord d'asseoir la conjoncture sur sa spécificité, la liberté de l'être humain, et sur la condition d'exercice de celle-ci, l'état de droit, i.e. le respect de la liberté, de la propriété et de la responsabilité.

A ces éléments essentiels de l'approche libérale de la conjoncture s'opposent ceux de l'approche officielle dirigiste, à commencer par une conception déformée de la liberté sous-jacente à la balance des paiements et par l'oubli que le budget de l'Etat est la contrainte par excellence des citoyens (cf. ci-dessous).

Il convient de se rendre compte que, à partir de cette déformation et de cet oubli, les gouvernements dirigistes ont le toupet d'avancer qu'ils sont esclaves de la conjoncture: exemple d'argument par excellence s'il en faut un, s'il n'y avait pas de chômage, il n'y aurait pas le problème du déficit de la sécurité sociale. Il faut en finir avec ce type de faux argument qui fait que la conjoncture, telle qu'elle est présentée officiellement, est l'alibi du dirigisme. La réalité est que, s'il n'y avait pas eu l'organisation socialo-communiste de la sécurité sociale, à coup sûr, le gouvernement de France n'aurait pas pris les mesures qu'il a prises en matière de chômage depuis la fin de la décennie 1960, il n'aurait pas suivi cette prétendue "politique de plein emploi" qui a eu pour conséquence – prédite par l'approche libérale (cf. Rueff 1976) - que la France a connu une augmentation ininterrompue du chômage de masse depuis lors.


1. La situation paradoxale de la liberté.

Pour les dirigistes, la liberté est un objectif, lointain le plus souvent, non le mode de vie quotidien de chaque être humain. Or, la conjoncture ne saurait rendre compte des objectifs, mais seulement des résultats de décisions ou d'intentions d'actions. Il s'ensuit que l'approche officielle ne peut qu'être muette sur l'état de la liberté individuelle, l'état de droit. Elle se prive d'en parler.

Pour les non dirigistes, la liberté n'est pas une fin, c'est un moyen. C'est le moyen précieux que dès sa naissance la personne a reçu en propre, en toute propriété et apprend à utiliser, chaque jour qui passe, pour pouvoir vivre encore demain si elle le souhaite, et cela pendant une période de temps futur dont elle ne connaît pas la durée. Rien ne justifie que l'analyse de la conjoncture l'ignore et soit organisée comme si elle n'importait pas.

Il est tout de même étonnant que rien dans les études conjoncturelles occidentales n'évoque d'une manière ou d'une autre la liberté de choix des individus et que personne ne s'en formalise. Tout le monde voit sa présence, ses atours, mais personne n'en parle. On lui préfère des chiffres.

1.A. Comparaison chiffrée instantanée désinformant.

Si des indicateurs conjoncturels de liberté des êtres humains étaient disponibles, seraient déjà évitées toutes les comparaisons absurdes qui sont réalisées périodiquement, entre les économies de l'Occident et les économies de l'Est socialiste. Comment oser mettre en parallèle un monde où la liberté est bafouée – celui des économies de l'Est – et un monde où elle est évidente quoique … - celui de l'Occident – même si dans l'un et l'autre il y a du charbon extrait, des automobiles fabriquées.
Voir dans des chiffres disponibles le dénominateur commun qui autorise la comparaison, est l'une des perversions majeures de la conjoncture officielle. Le seul dénominateur commun concevable est la liberté de choix de l'être humain.

1.B. Comparaisons chiffrées historiques désinformatrices.

Comment oser comparer les résultats de la France avant 1914 où l'impôt sur le revenu n'existait pas et ceux de la France d'après 1945 où les individus sont désormais obligés, en plus des impôts et taxes apparus entre-temps qu'ils versent déjà à l'Etat, de "donner" des ressources au "co-Etat" que constitue l'organisation de la Sécurité sociale. Deux civilisations non comparables sont seulement à noter, le passage de l'une à l'autre pouvant intéresser l'historien, mais pas le conjoncturiste.

Comment accepter la vision homogène de la Vè République que certains s'efforcent de donner officiellement aujourd'hui quand on n'oublie pas qu'en 1981 une partie des Français a été obligée de supporter pour la première fois depuis 1945-46 un gouvernement comprenant des ministres glorifiant le communisme – et admirant le socialisme des pays de l'Est -, et, dans le même temps, l'application par celui-ci des principes renouvelés de l'idéologie socialiste qui constitue la nationalisation des entreprises donc l'expropriation des particuliers, la limitation de leur droit de propriété ?

1.C. Arithmétique nationale désinformant.

L'existence d'une puissance publique, dont on oublie le caractère contraignant pour le citoyen, ne saurait être donc tenue pour un dénominateur commun. Une première perversion est à cet égard de comparer ou d'additionner les résultats chiffrés de l'action des hommes de l'Etat et ceux de l'action des particuliers (et de leurs entreprises) pour obtenir un résultat "national". D'essence différente, ils ne devraient même pas être l'objet d'une mise en parallèle car, en disposant du monopole de la force entre deux élections, les actions "conjoncturelles" des hommes de l'Etat s'imposent à celles des individus, lesquelles deviennent de facto résiduelles.

Une seconde perversion liée au dénominateur commun "puissance publique" est de comparer aveuglément les économies du monde occidental. Comment oser mettre en parallèle sans sourciller des pays où la liberté d'action individuelle est l'objet de contraintes réglementaires quotidiennes variées et différentes ? Parler du "modèle suédois" ou de la "sécurité sociale française enviée par le monde entier" tient plus de la destruction de la connaissance et de la perversion du sens du mots que du désir de réduire l'ignorance. Les expressions de "modèle suédois" et de "sécurité sociale française …" ont en commun de cacher la réalité qu'elles recouvrent : une planification, édictée par des bureaucrates, politiques ou non, élus ou non, des actions possibles des particuliers et des entreprises dans des domaines ponctuels de la vie quotidienne.


2. L'approche libérale.

Dans l'approche libérale de la conjoncture, tout élément aujourd'hui admis comme conjoncturel par l'approche dirigiste, mais non nécessaire à l'individu pour prendre des décisions, comme, par exemple, l'état de la balance des paiements, élément caractéristique de l'état de droit, est à laisser de côté. La balance des paiements n'est pas une contrainte malgré ce qu'en disent les dirigistes.

En revanche, toutes les facettes de l'état de droit qui ne sont pas prises en compte actuellement par l'approche officielle, sont à introduire avec précision et leur évolution à retracer. Ainsi, la liberté de l'être humain devrait être caractérisée à partir de divers indicateurs comme, par exemple, l'importance du budget de l'Etat, véritable"contrainte extérieure " des citoyens, et son exécution, véritable contrainte risquée.

2.A. Des prétendues contraintes : l'exemple de la balance des paiements.

Il n'est pas de jour où on n'entende pas disserter sur la balance des paiements du dernier mois calculé (fin décembre, on a l'état du mois d'octobre), du dernier trimestre, de la dernière année, de la dernière décennie. Quand il ne s'agit pas de celle de la France, est en analyse celle des Etats-Unis, du Japon, de la RFA ou de l'Angleterre, etc.

Qu'est-ce que la balance des paiements dont il est question ? C'est tout simplement la comparaison sélective - exprimée en termes monétaires - de ce qui est sorti du pays avec ce qui y est entré. Le caractère "sélectif" permet de faire apparaître des soldes non nuls (qualifiés chacun d'excédent ou de déficit) car, aux vols et dons près, la balance a nécessairement, par construction, un solde nul. A cet égard, la démarche dénature le principe de la balance comptable.

Mais peu importe en définitive ce qu'est la balance des paiements si on prend garde qu'il y a un siècle, Vilfredo Pareto la surnommait l'"arche du protectionnisme" et que, depuis quelques années, les experts de l'INSEE y voient la "contrainte extérieure" de la France. Ces deux expressions révèlent sa nature profonde : elle est une pièce montée par les hommes de l'Etat pour polariser l'attention des individus et les amener à leur accorder davantage de prérogatives en matière d'échanges avec l'étranger, pour prétendument les "protéger" contre l'"étranger", ou comme on dit aujourd'hui, contre l'"extérieur".

Ne soyons pas dupes, il est des moments où il faut appeler un chat un chat et certains experts officiels des désinformateurs. Nous vivons l'un d'eux depuis qu'ils présentent l'opportunité de transactions avec des individus vivant au-delà des frontières qui est à la base de la balance des paiements, comme une contrainte et non plus comme la liberté. Pour l'individu, c'est au contraire et d'abord un degré supplémentaire de liberté.

2.B. Un état de droit de type "Dorian Gray" : l'exemple du budget de l'Etat.

"Dorian Gray", ce héros d'Oscar Wilde, c'est l'état de droit tel qu'il est affecté par le budget périodique de l'Etat, il ne vieillit pas, ne se délabre pas, semble invariable à l'image du visage du président de la République en exercice [je rappelle que nous sommes en 1990]. "Le portrait de Dorian Gray", c'est l'état de droit réel dont personne ne connaît en définitive le tableau, la peinture, malgré le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi (sauf les hommes de l'Etat).

L'économie française, officiellement "économie de marché" jusqu'à ces dernières années, désirée "socialiste" par certains en particulier à partir de 1981, est cataloguée désormais officiellement "économie mixte". Il y aurait un secteur public et un secteur privé juxtaposés pour le "plus grand bien de la collectivité". Non, il faut le reconnaître, l'ambiguïté est totale, les expressions échappent à leurs instigateurs, la réalité dépasse la fiction une fois de plus en cette fin de XXè siècle.

En fait, il y a l'état de droit apparemment immobile dont ne se soucient pas les conjoncturistes officiels et que, de toutes façons, ils jugent ne pas devoir stigmatiser et présenter à la sagacité des individus puisqu'il serait "immobile".

Et il y a l'état de droit réel qu'il conviendrait de décrire car il évolue non du fait naturel du temps qui passe, de l'"âge qui avance", mais du fait des constructions juridiques des hommes de l'état et de leur fameux principe : "vous avez juridiquement tort parce que vous êtres politiquement minoritaires".

Dans ces conditions, on ne peut qu'être étonné de constater que nos commentateurs ou amateurs de conjoncture ne prennent pas soin de faire sur l'indicateur de l'état de droit réel qu'entraîne l'exécution du budget de l'Etat, véritable balance des droits gagnés ou perdus des citoyens, les développements qu'ils font sur la balance des paiements.

Hormis l'époque du vote de la loi de finances par le Parlement en France, il n'est pas excessif de dire que l'exécution du budget de l'Etat ne reçoit pas un début de commencement d'attention.

Soyons honnêtes. Cette tradition a chancelé ces dernières années quand certains experts d'outre-atlantique ont vu dans le niveau des recettes du "budget des Etats-Unis" la cause du marasme économique du début de la décennie 1980, puis dans le niveau élevé du déficit la cause de la chute de la Wall Street en octobre 1987. Mais, bien vite, un voile pudique a été jeté sur ces arguments qui reviennent en définitive à rendre responsables de ce qu'ils font, les hommes de l'Etat, aujourd'hui aux Etats-Unis, demain peut-être en France. Par exemple, s'agissant du second argument de la chute de la bourse, il lui a été préféré l'explication par les "programmes informatiques automatiques", bref par l'action "néfaste" des "spéculateurs". De la sorte, on retrouvait le droit chemin, l'explication traditionnelle dont on avait osé s'écarter par inadvertance un temps, qui voit dans l'action des individus la cause de tous les maux et qui amène à préconiser de renforcer l'action interventionniste des hommes de l'Etat.

Bien plus, le seul budget en excédent, celui de l'Angleterre, a amené certain Premier Ministre en exercice à qualifier leur initiatrice en des termes peu flatteurs et à considérer qu'elle faisait montre de "cruauté sociale". La formule est étonnante puisqu'elle émane d'un homme de l'Etat soi-disant responsable, une fois constaté qu'en quelques années, parallèlement à cet excédent répété, le taux de chômage est passé en Angleterre de plus de 10% à près de 6%, alors qu'il reste en France désespérément au-dessus de 10% malgré la "gentillesse sociale" du gouvernement de l'Etat, pour un taux moyen dans la CEE de 9%.

2.C. La contrainte réelle risquée du citoyen occultée.

Pourtant, cette exécution du budget de l'Etat, indicateur de l'état de droit véritable, n'est jamais qu'un second type de balance qu'on peut envisager de deux points de vue. Passons sur le point de vue des hommes de l'Etat qui est le point de vue généralement retenu les rares fois où des conjoncturistes développent des commentaires à son propos.

Du point de vue des citoyens, l'exécution du budget de l'Etat est véritablement une contrainte. Sa nature est d'ailleurs très proche de celles de la contrainte dont parlent faussement les conjoncturistes officiels à propos de la balance des paiements extérieurs. Elle s'en distingue sur deux points essentiels.

Elle est une contrainte au sens physique du terme parce que les hommes des l'Etat ont sur la personne du citoyen, dans les limites du territoire reconnu par l'étranger, le monopole de la force physique, de la coercition. Les impôts sont comparables à des exportations "gratuites" forcées de ressources du citoyen vers l'Etat, des "dons forcés de droits" pour ne pas parler de "vols légaux". Il ne peut s'y dérober. A l'opposé, les dépenses de l'Etat sont comparables à des importations "gratuites" de ressources par le citoyen en provenance de l'Etat, des "acquisitions de droits" pour ne pas parler de "dons ou subventions".

Le budget de l'Etat est aussi un risque de perte pour le citoyen parce que, en s'autorisant le déficit - excès des "droits donnés" aux citoyens sur les "droits acquis" par vols de ces derniers -, les hommes de l'Etat peuvent faire n'importe quoi entre deux élections : en particulier, fixer des dépenses au niveau qu'ils désirent en toute impunité. En d'autres termes, le citoyen n'est pas protégé automatiquement contre les errements étatiques, volontaires ou involontaires, que constituent des impôts et les dépenses de l'Etat. A cet égard, et à un moment où les hommes de l'Etat se préoccupent des ménages "surendettés", des Etats étrangers "surendettés", voire des individus vivant à l'étranger qu'ils considèrent comme indigents et aident à ce titre, il est étonnant qu'ils ne s'engagent pas clairement sur l'endettement maximum qu'ils feront supporter à l'Etat aujourd'hui et demain.

De plus, le citoyen n'est pas protégé automatiquement contre l'extension du domaine de l'Etat, c'est-à-dire contre le rétrécissement de l'état de droit, contre les expropriations dont il peut être victime. 1981 n'est pas si loin pour faire croire que les élections sont un mécanisme de protection des citoyens.

En tant que contrainte et risque de perte des citoyens, l'exécution du budget par les hommes de l'Etat présente donc un intérêt conjoncturel essentiel. Elle constitue un ensemble d'éléments dont chaque individu devrait aimer pouvoir tenir compte dans la prise de décision, l'action, et qui, à ce titre, influerait sur celles-ci. Il reste que, depuis toujours, bien évidement, elle influence ces dernières, non par la connaissance qu'on en a, mais par l'ignorance.

En d'autres termes, l'exécution du budget de l'Etat est pour le citoyen à la fois une contrainte dirimante et une insécurité permanente. Tant qu'il n'aura pas trouvé le moyen de les maîtriser, l'état de droit est exposé aux plus grands dangers. En l'en informant, le conjoncturiste libéral lui fournirait une aide, à défaut d'une sécurité.

Conclusion.

Comment acclimater l'approche libérale ? La méthode est double.
On vient de décrire schématiquement son premier aspect, il faut montrer à l'individu les graves travers de la conjoncture que les voix officielles lui assènent en relation avec sa liberté et ses droits.

Le second aspect consiste d'abord à rester sur le chemin qui a été suivi depuis deux siècles et qui a permis à la conjoncture d'acquérir assez de respectabilité pour pouvoir être financée sur "fonds publics". Il convient de souligner en effet, en passant, que la respectabilité en question reste celle que lui accordent aujourd'hui des chapelles du milieu scientifique, non pas celle que pourrait lui accorder le grand public. Aux yeux de ce dernier, la conjoncture et l'économie politique sont le plus souvent à mettre dans le même panier, celui qui précède la boite à ordures. Quand il ne les regroupe pas abusivement, ces deux disciplines lui semblent ne servir à rien pour deux raisons opposées : elles sont trop théoriques, sans relation avec le quotidien, et elles sont trop techniques quand elles ne sont pas ésotériques ou proches de l'astrologie.

Le second aspect de l'approche libérale de la conjoncture consiste ensuite à faire effectuer à celle-ci, sur le chemin de la respectabilité où elle se trouve, un "cent quatre vingt degrés". Il s'agit de prendre la voie exactement opposée à celle que les dirigistes ont fait suivre à l'économie politique depuis le XVIIIè siècle. Quitte à conserver l'amas conjoncture-économie politique mathématique, autant qu'il procède des principes libéraux plutôt que du dirigisme.

Un exemple : la balance des paiements et l'exécution du budget de l'Etat sont deux variables conjoncturelles que l'approche dirigiste présente au public sous forme d'agrégats. Désinformé par la variable "balance des paiements" – déficit, équilibre ou excédent -, il est sous-informé relativement à la variable "budget de l'Etat" – l'"exécution du budget" est laissée de côté et son solde est exprimé en pourcentage du PIB -.

Le demi-tour libéral supposerait :
- de ne plus parler du solde de la balance des paiements, étant donnée l'inanité de la notion dans les systèmes monétaire et financier actuels, mais de la liberté d'échange exprimée par le montant des importations et celui des exportations;
- de définir le budget de l'Etat non plus en termes d'agrégats, mais de façon à faire apparaître le tableau de l'état de droit, i.e. le niveau des libertés de décision et d'action des individus non contraints par la réglementation budgétaire et les engagements pris par les hommes de l'Etat et les responsabilités qu'ils mettent en jeu ;
- de suivre dans le temps les indicateurs ainsi retenus ;
- d'insister sur les conséquences de leur évolution dès qu'il faudrait s'attendre avec incertitude à l'une d'elles ou qu'il s'en produit une, inattendue.

Chaque citoyen pourra alors tirer lui-même les conséquences de ces informations et ne pas rester dans les filets des prédictions du conjoncturiste officiel et de la pauvreté de ce qu'il dépeint.

Il y a fort à parier que cette approche révèlerait à l'individu qu'il a tout à prêter attention à la conjoncture, maintenant que le conjoncturiste libéral ne le traite pas en "clone", mais en individu libre et responsable, bref en son semblable.


Epilogue : toujours le "portrait de Dorian Gray" en France.

Quinze ans après que les lignes qui précèdent ont été écrites, il faut reconnaître que les hommes de l'Etat et leurs conjoncturistes préférés continuent à proposer des scenarii dirigistes.
Ces derniers n'ont pas changé malgré les alternances politiques.

L'approche libérale ne perce pas.
C'est toujours la référence à la balance des paiements en tant que prétendue contrainte extérieure (cf. par exemple "L'arche du protectionnisme"), c'est toujours l'impasse sur l'importance du budget de l'Etat et son exécution, la vraie contrainte des citoyens (cf. par exemple, "L'antidote au rapport Pébereau").

Pourtant, entre temps, se sont produits beaucoup de faits, non prévus alors par les conjoncturistes officiels.
En France, les hommes de l'Etat ont abandonné le franc et leur "souveraineté monétaire" pour l'offrir à une banque - la Banque centrale européenne créée entre temps pour l'occasion par plusieurs gouvernements de pays de l'Union européenne - et pour faire utiliser par les citoyens, à la place, la monnaie régionale originale dénommée "euro".

Quels que soient les résultats des élections périodiques, les déficits respectifs des budgets de l'Etat ont flirté en permanence avec les 300 milliards de francs, désormais les 45 milliards d'euros.

L'ensemble ne situe donc guère sur le chemin de la liberté. Et l'approche dirigiste de la conjoncture française, payée sur des fonds publics, a vraisemblablement de beaux jours devant elle, jusqu'au jour où …

Car, l'U.R.S.S., exemple par excellence de la coercition abjecte faite "système politique" depuis 1917, a disparu au début de la décennie 1990.
Les gens des pays de l'Est ont recouvré la liberté qu'ils avaient perdue depuis la fin de la décennie 1930. Et certains d'entre eux sont désormais membre de l'Union européenne, organisation internationale créée elle aussi entre temps.
Pour ne pas parler de certains faits qui se produisent depuis quelques années dans l'Asie du Sud Est, voire même en Chine "populaire".
Cet ensemble situe lui sur le chemin de la liberté. Et seule l'approche libérale peut dépeindre la conjoncture de l'ensemble.

Georges Lane

Principes de science économique

  

 

Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.

 

Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur

 

 

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