Sur mon second blog, crise publique, je
reviens sur les mécanismes de la crise du subprime à apartir de
4 articles, deux en provenance d'autres auteurs, et deux "anciens"
posts de ce blog. Mes lecteurs de longue date n'y trouveront sans doute rien
de très nouveau, mais ceux qui n'ont pas fouillé mes archives y
trouveront, j'espère, une bonne introduction qui pourra leur donner
envie d'approfondir le sujet.
our bien passer
le week end, voici quelques articles pédagogiques pour saisir
l'enchainement qui a conduit à la débâcle
financière vécue par les banques, les fonds d'investissement,
et dont le monde réel commence à ressentir les
éclaboussures, débâcle partie de l'éclatement
d'une incroyable bulle spéculative sur l'immobilier.
Sur Cotation
Immobilière, M. DiCarno (c'est un pseudonyme) poste une ironique description des
comportements qui ont abouti au désastre du
crédit immobilier, qui commence à toucher tout le
système bancaire international. Petit extrait jubilatoire:
- Pffff ! Nous ferions
mieux fait de nous débarrasser de ces p*$@!$% de contrats
hypothécaires avant qu’ils n'attirent les mouches.
- Mais, patron, qui va
vouloir acheter ces daubes ?
-
Réfléchissons un peu. Et si nous créons un titre
obligataire et que nous utilisons ces daubes de contrats hypothécaires
comme garantie ? On pourrait appeler ça CDO ? Comme
ça nous pourrons vendre ces obligations à des investisseurs et
nous paieront les coupons avec les intérêts des
hypothèques. Qu’en pensez-vous ?
- Mais on ne fait pas un
cheval de course avec un bourrin
- Evidemment. Pris
individuellement, ces contrats sont de belles daubes ; mais si on les
regroupe alors ils deviendront plus présentables. Et vu que les prix
des maisons montent toujours, nous n’avons pas beaucoup
d’inquiétudes à avoir.
- Je reste circonspect.
- Les nouvelles obligations
marcheront comme ça : elles seront fabriquées à partir
de trois niveaux (ou tranches) que nous appellerons les « bonnes
», les « moins bonnes » et les « pourries ». Si
certains des contrats hypothécaires venaient à faillir, alors
nous paierons les intérêts en priorité à la
« bonne » tranche, puis à la « moins bonne »
en deuxième et à la « pourrie » en dernier.
- Je commence à
piger. Et comme ceux qui ont investi dans la « bonne » tranche
ont pris moins de risques alors nous leur donnerons un intérêt
plus faible, n’est ce pas ? Ceux qui ont pris le plus de risques
recevront un intérêt plus élevé.
- Exactement. Mais
attendez, on peut encore mieux faire. Nous allons acheter des titres
très sûrs pour les mettre dans la « bonne » tranche.
Comme ça, les agences de notation donneront à la tranche la
moins risquée un triple A au lieu d’un simple A.
- Génial.
- Rêvons un peu, il
se pourrait qu’ils donnent à la tranche « moins bonne
» un triple B au lieu d’un B. Par contre, pour la tranche «
pourrie », il n’y a absolument aucun espoir. Ce n’est
même pas la peine de demander une note vu qu’elle sera
forcément négative.
- Vous êtes un
génie boss.
- Oui je sais.
Bon, OK, il y a des investisseurs qui ont
cru qu'en faisant du steak haché en mélangeant du bon boeuf et
du mauvais boeuf, on faisait un steak "moyen". Espérons
qu'il comprendront à l'avenir que les créances titrisées
sont comme le steak haché: la mauvaise viande pourrit la bonne...
Plus
sérieusement, Michael Nystrom expliquait dans un article
déjà ancien (juillet 2007) les mécanismes de
propagation de la crise du crédit. Extrait,
en anglais:
Mr. Jones Defaults : As
it turned out, Mr. Jones, and many more like him were unable to keep their
promises to pay the money back. Maybe Mr. Jones lost his job in this
terrible economy; maybe he got sick and couldn’t work; maybe he
didn’t understand that his mortgage payment was going to jump to
something he couldn’t afford; maybe he thought he could sell the house
for more money, and never expected to hold on to it this long; maybe he just
wasn’t a good credit risk to begin with.
Whatever the reason, Mr. Jones and millions like him had to break their promises
about paying back the loans. In the end they’ll just give their
keys back to the bank and say, “Thanks, but no thanks. I
can’t afford it.”
The banks in turn will say, “Don’t give us the
keys. We sold your mortgage a long time ago. We don’t even
know who owns your mortgage now, and frankly we don’t care.”
Until now, his debt was an asset of the fund, and was being
used as collateral against loans ten times its value. But the moment that Mr.
Jones gave up on the idea of home ownership, the value of his mortgage simply
disappeared. The paper asset, which derived its value from Mr.
Jones’s promise, was destroyed. This had a cascading effect,
since Mr. Jones’s mortgage was being used as collateral to borrow money
to buy even more subprime mortgages, many of which were also defaulting.
Assets purchased on borrowed money were now worthless. Only the debts
remained, and suddenly there was more debt than the original amount that
investors had put into the fund. These original funds would be needed
repay the debts incurred by the fund. Nothing is left to return to
investors. This is the process by which money is destroyed.
What about the houses, you ask? Yes, they have some value, but not nearly as
much as when they were first purchased. Again, it was not the houses that had
the value, it was Mr.
Jones promise to pay a steady stream of high interest
income over 30 years that was valuable to investors.
Les gens qui ont
acheté des CDOs ont acheté en partie des promesses intenables
déconnectées de la valeur réelle des actifs
censés garantir ces promesses. Quoique ces deux articles soient
très intéressants, chacun à leur manière, ils
occultent le troisième moteur de la crise: pourquoi les
investisseurs ont ils affecté de croire que les prix de l'immobilier
pouvaient indéfiniment monter jusqu'au ciel plus vite que les revenus
des ménages ? Quel a été le facteur qui a initié
les signaux haussiers qui ont entraîné ces
comportements purement spéculatifs ?
La réponse
vient des entraves à la construction posées dans les
règlements d'urbanisme et d'aménagement du territoire de
nombreuses villes, voire de pays entiers. Voici ce que j'écrivais le
23 Aout 2007 sur mon blog principal, Ob'Lib':
De
nombreuses recherches académiques ont mis en évidence de
façon indiscutable que la bulle sur les prix de l'immobilier ne
s’est formée que dans les
zones où la réglementation foncière a artificiellement
limité la capacité des constructeurs à
répondre à la demande de nouveaux logements, notamment par
l’extension des villes à leur immédiate
périphérie.
Malheureusement, dans le monde Anglo-Saxon (USA, UK, Irlande, Australie,
Nouvelle Zélande, Canada), sur 159 aires urbaines de plus de 700.000
habitants, 117 sont affublées de telles réglementations
restrictives, dont toutes les plus importantes (source). Quand bien même
une quarantaine d’agglomérations, dont la moitié en
croissance économique et démographique forte, n’a pas
connu la même explosion des prix, malgré des conditions
macro-économiques similaires au reste du monde, la perception
d’une hausse « globale » de l’immobilier par les
intervenants non spécialisés dans les questions urbaines a
été majoritaire. La France et l’Espagne, qui
possèdent des réglementations du sol également
contraignantes, ont également connu la même flambée des
cours.
Les urbanistes sont rarement de grands économistes. L’inverse
est hélas encore plus vrai. De nombreux observateurs ont tenté
de trouver des explications d’origine purement monétaires
à la hausse de l’immobilier, sans se demander pourquoi
leurs hypothèses n’expliquaient pas les anomalies statistiques
constituées par les villes au sol peu réglementé de la
mid-america et du Canada.
(...)
Imaginons
un instant que le monde entier ait eu un droit des sols
"houstonien" ou "allemand", où la
possibilité de construire facilement de nouvelles maisons sur un
foncier périphérique abondant maintient les prix du neuf et de
l’ancien dans des limites basses, concurrence entre offreurs de centre
ville et de périphérie oblige. La hausse de la demande immobilière
y aurait de fait provoqué une hausse très raisonnable des cours
(10-15% sur 5 ans, liés essentiellement au manque de main d’uvre
qualifiée disponible lorsque la demande est très soutenue), et
non un plus que doublement des prix corrigés des revenus, en moins de
10 ans. Il est clair que les acheteurs immobiliers, comme leurs financiers,
auraient supporté des risques de crédit bien plus faibles, et
que les décisions d’achat et de refinancement des
créances immobilières se seraient plus focalisées sur
des critères rationnels (emplacement, qualité de construction,
etc
)
que sur des espoirs de gain financier qui se révèlent à
la longue illusoires.
Sans doute le mal-investissement qui a gangréné le
marché immobilier se serait il reporté ailleurs,
l’excès d’offre monétaire (i.e. de crédit)
des banques centrales restant le même. Mais au moins la crise actuelle
n’aurait elle pas eu pour funeste conséquence de jeter à
la rue des dizaines de milliers de propriétaires dont la maison se
trouve saisie
La boucle est
bouclée. Le
mécanisme peut être synthétisé ainsi
(Article du 13 Aout 2007)
Résumons
l'enchainement des causes et effets (interventions étatiques
en italique) :
-->
les lois
foncières et un crédit bon marché (FED)
provoquent une flambée des prix immobiliers
--> la notation des emprunteurs se dégrade
--> Ils doivent recourir à des crédits à risque
--> la loi fédérale empêche les prêteurs
de jouer leur rôle prudentiel (plus de détails)
--> l'excès de liquidité provoqué par une FED
laxiste permet aux banques de revendre les créances boiteuses
à des investisseurs fourvoyés dans des mal-investissements sur
des produits qu'ils connaissent mal
--> les taux augmentent notamment à cause des déficits
excessifs de l'état fédéral.
--> les emprunteurs sont pris à la gorge
--> leurs créances sont en défaut
--> les ventes de maisons saisies se multiplient
--> Les prix se cassent la figure
--> les actifs sur lesquels étaient assis les produits financiers
"collatéraux" ne couvrent plus les défauts de
paiements
--> des grands fonds d'investissement se retrouvent au bord de la
cessation de paiement
--> les marchés sont déstabilisés
--> unhappy end : le public, la presse et les politiciens crient au
dysfonctionnement des marchés et à la cupidité de ses
acteurs.
Sur ce, bon week
end !
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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