L’idée formulée par Dallas Hostetler en 1948 et employée aujourd’hui par la Tax Foundation pour calculer le jour
de la libération fiscale (Tax
Freedom Day, marque déposée) – c'est-à-dire le jour de l’année
où les citoyens d’un pays ont fini de payer leurs taxes et
commencent à travailler pour eux-mêmes – a fait son
chemin. Depuis quelque années, le think-thank suisse Global Footprint Network
développe une idée similaire pour calculer le jour du
dépassement de la consommation de nos ressources naturelles (Earth Overshoot Day).
Les derniers calculs
indiquent ainsi que depuis le 22 août dernier, l’humanité
aurait épuisé son budget naturel pour l’année
2012. Bien que la date de ce dépassement ait reculé de quelques
jours au cours des dernières années, le Global Footprint Network continue à
s’inquiéter de la surconsommation des ressources disponibles.
Dans son communiqué de presse, l’institut établit un
parallèle avec la finance, indiquant que la dette écologique
est un problème au moins aussi grave que l’endettement
privé et public.
Tout en semblant conscients
du caractère approximatif de leurs instruments de mesure, les
représentants de l’institut insistent sur le fait que la mise en
évidence du jour du dépassement constitue
« l’outil scientifique le plus adéquat pour mesurer
le fossé entre notre demande de ressources écologiques et la
capacité de la Terre à en produire ».
Toutefois, lorsque
l’on regarde plus attentivement l’algorithme de ce calcul, on
aperçoit un certain nombre de limitations. Le jour du
dépassement est obtenu en divisant par 365 le rapport entre
l’empreinte écologique (la demande de ressources naturelles) et
la bio-capacité (l’offre de ressources naturelles).
Derrière ces noms savants, le raisonnement est à la fois
biaisé et simpliste. L’empreinte écologique et la
bio-capacité s’appuient sur des données
hétérogènes et peu contrôlables qui utilisent
l’hectare global (gha) comme mesure commune de la productivité
moyenne des surfaces productives pour une année donnée.
A la lumière de
cette méthode de calcul, l’on comprend que ces résultats
sont peu instructifs. Les critères qui déterminent les
productivités des différentes surfaces sont aléatoires,
et leur unité de mesure, l’hectare global, ignore la
différence des niveaux de productivité des terres agricoles,
des sites industriels, des habitations, etc. Par exemple, au XVème
siècle, les Iles Britanniques n’accueillaient pas plus de 3
millions de personnes dans des conditions de vie atroces, tandis que la
même surface est aujourd’hui partagée par 62,7 millions
d’individus. Ainsi, un hectare agricole ou industriel en Suisse et
Zimbabwe n’ont rien de semblable car les besoins et les
capacités productives du moment (naturels et économiques) sont
radicalement différents.
Cette méthode de
calcul considère implicitement que les terres ont une valeur
intrinsèque et figée, tout en ignorant la limitation des
capacités d’exploitation et la spécificité des
besoins reflétés dans les prix. En effet, la difficulté
de prendre en compte la productivité effective des ressources naturelles, reflétée dans
les prix des biens qu’elles servent à produire, conduit à
des résultats contre-intuitifs et risibles. Par exemple, dans le
classement de l’empreinte écologique, Cuba obtient le meilleur
ratio développement/utilisations des ressources !
Les résultats sont
en outre influencés par une série de biais. Par exemple, le
principal parti-pris du calcul de l’empreinte écologique est
d’attribuer un coefficient très élevé aux
émissions de CO2, favorisant implicitement les pays
producteurs d’énergie nucléaire au détriment des
pays producteurs de pétrole. L’empreinte écologique
d’un qatari apparaît ainsi bien plus élevée que
celle d’un citoyen américain ou français.
Pour finir, l’idée même de dette
écologique est absurde car elle implique l’existence d’une
personne détenant le capital et disponible pour le prêter.
L’idée de dette fait sens dans le domaine financier, où
sont effectivement présentes des personnes disposant des ressources
nécessaires pour prêter. Dans le cas des taxes, les citoyens
travaillent effectivement une partie de l’année pour les payer.
Quant aux ressources naturelles, il est absurde de dire que notre
consommation courante requiert l’équivalent de six ou sept
planètes puisque personne ne peut prêter ces planètes.
A la place de calculs pseudo-scientifiques à usage
politique, il serait plus souhaitable de disposer de véritables prix
sur les ressources environnementales afin de mieux saisir leur
rareté et les dangers provoqués par leur épuisement.
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