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Hier,
il en était question dans la presse, aujourd’hui il est
répondu qu’aucune décision n’est prise à ce
propos, ce qui ne vaut pas démenti. De quoi s’agit-il ? Du
renforcement des pare-feux destinés
à empêcher la propagation de la crise obligataire, à sa
généralisation aboutissant à l’éclatement
de la zone euro. Devant l’amicale pression de ses collègues, qui
la pressent de plus en plus nombreux et l’isolent drapée dans
son intransigeance, Angela Merkel pourrait
concéder un engagement supplémentaire de l’Allemagne,
moyennant des contreparties qui restent à établir. De pure
forme destinées l’aider politiquement en Allemagne, ou
réelles et aboutissant à renforcer le pacte budgétaire
qui avait été desserré ?
Pris
dans la nasse et ayant un besoin vital de refinancer la dette italienne
à des taux inférieurs à ceux du marché, Mario
Monti n’a cessé de faire pression afin qu’une telle
décision soit prise, espérant qu’elle contribuerait
à leur baisse. Hier, à Bruxelles, il a été plus
loin en déclarant à propos de la BCE : “je pense que nous
pourrions assister à une évolution [de son rôle]”,
en référence explicite à son intervention sur le
marché obligataire. Pour justifier cette prédiction, il
n’a pas eu besoin de chercher loin, s’appuyant aussi bien sur les
achats de la BCE sur le marché secondaire que sur le LTRO (long-term refinancing operation, le prêt bancaire massif à trois
ans), deux mesures non conventionnelles qui la font flirter avec la
politique suivie par ses consœurs occidentales.
Le
ministre espagnol des affaires étrangères, José Manuel
Garcia-Margallo, est sorti de ses gonds
diplomatiques en critiquant la même Angela Merkel,
coupable de “réagir toujours avec un quart d’heure de
retard”. Appelant à ce qu’un signal politique de la
détermination de sauver l’euro soit donné aux
investisseurs, il a déclaré que “la première
preuve est de mutualiser la dette”. “Nous devons convaincre nos
partenaires, et particulièrement les Allemands, qu’il faut faire
quelque chose pour contenir la dette publique”, a-t-il poursuivi, pour
observer que “chaque jour qui passe sera pire, c’est une maladie
qui avance et, si nous ne coupons pas à temps, la thérapie sera
beaucoup plus douloureuse”. Sa conclusion en découlait : il faut
“relancer la croissance, sinon tout ça ne servira à
rien”.
De
fait, les signe de dérapage de la situation
espagnole se multiplient. Le gouvernement n’obtenant de la Commission
qu’une fin de non recevoir à ses
demandes de réévaluation de ses objectifs: “il est
essentiel de ramener sans délai les finances publiques à un
niveau soutenable et de ce fait nous pensons qu’il est essentiel de
respecter les objectifs budgétaires en 2012” lui a
répondu le commissaire Olli Rehn. Pedro Passos Coelho, le
premier ministre portugais avait de son côté soutenu la position
espagnole, partageant avec lui “une vision commune sur les défis
que l’Union européenne doit affronter”. Faisant valoir que
celle-ci, ainsi que le FMI, “ne retireront pas leur soutien à un
pays qui, pour des raisons extérieures, ne serait pas en mesure de
revenir sur les marchés comme prévu”…
Le
premier ministre japonais s’est rappelé au bon souvenir de ceux
qui voudraient oublier la dimension mondiale de la crise. Yoshihiko
Noda vient de se décider à proposer
au Parlement un doublement de la taxe sur la consommation (TVA), actuellement
de 5%. Une réforme qui est un vrai serpent de mer, toujours
envisagée, jamais entreprise. Jusqu’à maintenant
financée en interne, la dette publique du Japon a atteint 200% du PIB,
mais il va falloir affronter les rigueurs du marché international,
rendant impossible pour le gouvernement de financer plus de la moitié
de son budget par l’émission d’obligations.
La
crainte d’une situation à l’européenne s’est
emparée du monde politique japonais. L’économie japonaise
va se contracter de 0,4% durant l’année fiscale en cours (avril
2011 à mars 2012), et il va falloir que se confirment les
prévisions de croissance pour la suivante, dans un contexte mondial
défavorable, avec un yen fortement apprécié en raison de
la poursuite de la guerre monétaire de tranchée.
Symbole
d’une situation problématique et conséquence du
séisme du 11 mars et de ses suites, le pays enregistre son premier
déficit commercial depuis 1980. Au côté de ses
importations de produits alimentaires, l’importation de pétrole
et de gaz y a également contribué, en raison de
l’arrêt de la quasi
totalité du parc des centrales nucléaires, tandis que sa
production a été très perturbée.
Enfonçant
le clou, la dette britannique vient de dépasser le seuil symbolique de
1.000 milliards de livres (soir 1.200 milliards d’euros) et a
continué de se creuser de 21 milliards d’euros en un an, en
dépit du plan d’austérité des conservateurs et des
libéraux. Ce montant exclut le coût du sauvetage des banques en
2008/2009, estimé à des centaines de milliards de livres. Ce
faisant, le Royaume-Uni continue d’emprunter sur le marché
à des conditions proches de celles de l’Allemagne, car il ne faudrait
pas affoler le lieu d’élection de la City…
La
mise à jour des prévisions économiques du FMI confirment le fléchissement de la croissance
mondiale (+ 3,3% au lieu de + 4%), qui doit beaucoup à la croissance
chinoise et indienne, et l’entrée de la zone euro dans la
récession (- 0,5%). L’Allemagne ne connaîtrait une
croissance que de 0,3%, tandis que l’Espagne et l’Italie
verraient la leur chuter. Conclusion : “Le risque le plus
immédiat est l’intensification du cercle vicieux entre les
pressions sur le financement des États et celui des banques dans la
zone euro, provoquant une réduction de l’effet de levier
bancaire plus importante et plus durable et des contractions importantes du
crédit et de l’activité”. Le FMI préconise
en conséquence d’exécuter avec précaution les
plans d’austérité, car “un
rééquilibrage trop rapide durant l’année 2012
pourrait exacerber les risques”. Olivier Blanchard,
l’économiste en chef du fonds, risquant cette formule:
“abaisser la dette est un marathon, pas un sprint”.
Les
dirigeants européens vont comme à l’accoutumée
avoir de quoi s’occuper pour continuer de gérer à la
petite semaine leur crise. S’il se confirme qu’un plan A’
encore dans les limbes pourrait en émerger, il ne répondra
toutefois pas aux préoccupations du FMI, car il restera
consacré à la réduction des déficits et
n’abordera le thème de la relance que pour la forme. Les
analystes sont quant à eux dans l’expectative, observant les
effets de la première vague de prêts de la BCE (LTRO) et
supputant ceux de la seconde, fin février.
Utilisant
ses fonds pour refinancer leur dette, les banques espagnoles et italiennes en
ont également profité pour acheter de la dette publique de leur
pays, ce qui explique la baisse des taux intervenue sur les émissions
à court terme. La question est désormais de savoir si cela va
se reproduire, en particulier pour les émissions à long terme,
et si le LTRO pourrait contribuer à détendre le marché
obligataire, au moins jusqu’à la mise en service en juillet du
nouveau pare feu, le MES.
Mais
s’il devait en être ainsi, ce qui est loin d’être
garanti, les banques qui se prêteraient à ces profitables
opérations de carry trade –
étant donné le différentiel des taux de leurs emprunts
et de leurs acquisitions – en sortiraient fragilisées. Elles
deviendraient très vulnérables à une nouvelle hausse des
taux des obligations achetées, car cela aurait pour conséquence
leur dévalorisation et la nécessité de les
déprécier dans leur livre (sans même parler
d’éventuelles décotes). Cela au moment où elles
doivent renforcer leurs fonds propres, une obligation pour laquelle le LTRO
n’est d’aucune aide.
Dans
le meilleur des cas, la BCE aura alors contribué à
déplacer le problème, sans rien régler. Ni la question
de la solvabilité des banques, ni celle des États. Le
désendettement reste à accomplir, il aura seulement
été évité que de chronique il ne devienne
brutalement aigu.
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