Parce
que la campagne présidentielle de 2016 ne ressemble désormais à rien de plus
qu’un spectacle de marionnettes des Dark Ages – Guignol et Flageolet le
gendarme se tapant mutuellement sur la tête avec des godemichés – nous
oublions souvent le côté sérieux du spectacle. Beaucoup de choses sont en
jeu, notamment la continuité de la gouvernance, la légitimité des deux partis
politiques majeurs, la crédibilité de nos arrangements financiers, et
peut-être même la durabilité de notre nation en tant qu’union entre Etats.
Cette
comédie délibérée nous vient principalement de Donald Trump, dont la longue
cravate pendante semble avoir été pensée pour l’occasion par le département
des accessoires de la Comedia dell’Arte. Sans parler de sa coupe de cheveux,
qui selon moi est en réalité un carcajou ayant élu domicile sur sa tête.
Trump représente certainement un sentiment valide de notre monde
d’aujourd’hui – la frustration de nombreux citoyens ordinaires face au racket
gouvernemental qui les force à sombrer dans la pauvreté. Mais ses
déclarations contre toutes ces injustices sont si enfantines et désordonnées
qu’il délégitime sa propre mission à chaque fois qu’il ouvre la bouche.
Le
rire d’Hillary est inexpressif, comme nous avons pu le voir lors de son
entretien dimanche matin sur ABC avec George Stephanopoulos, qui a grillé le
reptile volant sans la moindre merci sur le sujet du rapport de l’inspecteur
général du Département d’Etat, selon lequel elle n’aurait jamais été autorisée
à utiliser un serveur d’emails privé. Pour ponctuer sa difficulté à
contourner les questions dérangeantes, des « euh » ont commencé à
accompagner ses évasions insipides à la manière de trous dans un canot de
sauvetage. J’ai trouvé amusant de la regarder couler, euh, euh, euh, glouglou,
glouglou – bien que ce n’ait certainement pas été l’effet recherché.
Bernie,
bien évidemment, n’est pas un grand rigolo. Il est plus sérieux qu’une
attaque cardiaque, ce qui me pousse à croire qu’une assez grosse portion du
public en a désormais assez de la comédie qui se joue sous ses yeux. Le vieux
crapaud est déterminé à donner aux membres du parti démocrate quelques leçons
d’éthique et de procédure. C’est ce que j’admire grandement chez lui – sans
oublier ses antécédents en tant que fonctionnaire exemplaire, et son
opposition vocale au statu quo et au racket – bien que je ne sois pas
persuadé qu’il puisse faire un bon président (si une telle chose est même
concevable) compte tenu de ses préférences pour un Etat paternaliste. Mais
les grosses têtes du Comité national démocrate ont encore des explications à
fournir, et il semblerait que notre vieux Bernie les forcera à s’expliquer à
Philadelphie au mois de juillet. Je me demande s’il sera assez costaud pour
porter Debbie Wasserman-Schultz sur ses genoux quand sera venu le temps de
lui donner la fessée.
Le
peuple des Etats-Unis en a réellement assez de la manière dont son pays est
gouverné. Le rapport sur l’emploi de vendredi dernier s’est avéré catastrophique.
Seulement 38.000 emplois créés, dans un pays de 300 millions d’habitants,
alors même qu’une nouvelle récolte de jeunes diplômés sort des moulins de
l’enseignement. La pénurie nationale se serveurs et de barmen touche
peut-être à sa fin…
Ce
qui est nécessaire, bien évidemment, est une restructuration robuste de
l’économie des Etats-Unis. C’est là une question de survie nationale. Il nous
faudra faire un pas en arrière en matière de gigantisme, et ce quels que
soient les secteurs : agrobusiness, centres commerciaux géants, grosses
banques, militarisme à l’échelle du globe, gros gouvernement – ce dernier
étant tissé d’incompétence et d’entropie institutionnelle au point de
représenter une véritable menace pour la société américaine.
Pour
ce qui est des ressources futures et de la disponibilité de capital, la
tendance est manifestement à la baisse, et la conclusion à en tirer est qu’il
nous faudra réduire et affiner notre économie. J’entends par affiner la
multiplication des tâches parmi la population, notamment en matière
d’agriculture et de commerce, ces deux secteurs nécessitant particulièrement
un retour à une échelle plus locale. Plus d’Américains devront travailler sur
de plus petites fermes, et plus d’Américains devront travailler à la
reconstruction de Main Street – aussi bien pour ce qui concerne le commerce
de gros que le commerce de détail. Nous devrons aussi nous extirper de la
jungle des banlieues, et construire des dizaines de milliers de villes plus
petites.
Pour
l’heure, nombreux sont les Américains démoralisés qui préfèrent continuer de
jouer aux jeux vidéo, collectionner les coupons repas et regarder Trump
fulminer à la télévision. Mais tôt ou tard, ils devront se réveiller et faire
quelque chose de leurs vies.
La
raison pour laquelle je m’oppose tant à Hillary et Trump, et pour laquelle je
suis si ambivalent face à Bernie, est leur incapacité de comprendre ce qui leur
est réellement nécessaire d’entreprendre pour que nous puissions éviter un
effondrement culturel.
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