« Le
prix du baril de pétrole a perdu 50 dollars. Voilà qui ne semble peut-être
pas énorme. Mais si vous prenez un prix de 107 dollars et lui en enlevez 57,
vous obtenez un déclin de 47% ! »
–James Puplava, The
Financial Sense News Network
Pas
énorme ? Je suppose que pour ceux qui au fin fond de leur laboratoire
auraient l’idée d’utiliser une table à calculs, ces chiffres sont
renversants…
Voilà
à quoi ressemble l’état d’esprit général. Notons toutefois qu’il s’agit là du
point de vue des mêmes personnes qui se sont munies de leurs pompons et leurs
mégaphones pour venir nous chanter la « révolution de schiste » ces
deux dernières années. Puisqu’ils sont des professionnels de la finance, ils
ont bien évidemment manqué d’observer l’aspect financier des choses,
notamment le fait que les opérations de schistes étaient lancées sur le dos
de financements obligataires toxiques.
Tout
semblait pourtant fonctionner dans la matrice des taux d’intérêt proches de
zéro, alors que les investisseurs désespérés de rendements venaient s’échouer
sur le terrain vague du marché des obligations. Ces investisseurs, soit dit
en passant, étaient des investisseurs institutionnels, des fonds de pension,
des compagnies d’assurance, des fonds mixtes… Ils ont été achevés par les
taux d’intérêt zéro. A la fin du XXe siècle, avant l’omnipotence de la
Réserve fédérale, ils pouvaient dépendre d’un taux d’intérêt annuel régulier
de 5 à 10% et faire ce qu’ils avaient à faire – remplir des chèques de
pension, rembourser des demandes d’indemnités et payer leurs clients, et
avoir suffisamment d’argent restant pour payer leurs salariés.
Les
taux d’intérêt zéro ont mis fin à tout ça. Ils ont détruit l’indice le plus
fondamental de l’univers financier : le coût véritable de l’emprunt
monétaire. Ils ont ainsi déformé le concept de risque à tel point qu’il ne
signifie aujourd’hui plus rien. Même lorsque la météo financière était
risquée, il n’y avait plus aucun risque. Vous vous rendez compte ? Ils
ont aussi détruit la relation entre l’argent emprunté et la structure de coût
des projets pour lesquels il a été emprunté. Prenez le pétrole de schiste,
par exemple.
Pour
ce qui concerne le pétrole de schiste, le facteur fondamental était que les
puits ne pouvaient être exploités que deux années durant avant d’être fermés.
Pour les entreprises de ce milieu qui avaient généré quelques prêts, il
fallait donc constamment forer, ne serait-ce que pour maintenir le niveau de
production. Les opérations de forage coûtent entre 6 et 12 millions de
dollars par puits. Ce qui s’est passé au cours de ces sept dernières années est
que les foreurs et leurs amis de Wall Street ont excessivement médiatisé
l’affaire – ils ont parlé de révolution de schiste. En seulement quelques
années, les résultats de forage sont devenus si intéressants que les
investissements ont afflué sur le secteur. Alors les opérations de forage se
sont multipliées. Voilà qui allait sauver la qualité de vie des Américains.
Qui leur permettrait de devenir énergétiquement indépendants. Les Etats-Unis
Saoudiens. Voilà qui leur permettrait d’aller en voiture jusqu’à Wal-Mart
indéfiniment.
Mais
il faut parfois faire attention aux souhaits que l’on exprime. Le miracle du
pétrole de schiste était un coup monté. Tant de pétrole a été produit en si
peu de temps que la poule aux œufs d’or est morte – ou devrais-je dire la
demande en pétrole à un prix pour lequel il était encore bon forer.
Aujourd’hui, les financements toxiques font face à un défaut, et ils disparaîtront
pour si longtemps qu’un certain nombre de puits ne seront jamais construits,
que les puits actuels s’épuiseront d’ici deux ans, et qu’il n’y en aura pas
d’autres pour les remplacer. Et si les foreurs revenaient un jour dans les
bassins du Bakken et d’Eagle
Ford, vous pouvez être certain que leur niveau d’activité sera bien moindre
qu’il ne l’aura été en la glorieuse année 2014. Reste encore à voir quelles
quantités d’obligations toxiques déferleront sur les marchés des produits
dérivés, sans parler des bons vieux marchés des actions et obligations ou des
grosses banques qui y participent. La réalité ne peut pas être trompée
indéfiniment. Viendra un jour où le risque réapparaîtra.
La
finance a été le poumon de l’économie qui, arnaque après arnaque, l’a
accablée de fragilité. Cette fragilité a longtemps attendu de pouvoir
s’exprimer, et la capacité des sorciers bancaires à la dissimuler pourrait
s’être épuisée. Il n’y aura pas de remède miracle à l’effondrement du prix du
pétrole et des dommages qu’il causera pour les sociétés de forage. Pas
énorme, vous dîtes ?