Mardi dernier, amusé par la présence incongrue d’un Montebourg à ressorts, j’évoquais la France qui perd, celle des éternels chevaux de retours politiciens qui continuent, vaille que vaille, à tenter de nous vendre du changement (demain), de la vraie bonne alternative politique à base de collectivisme rigolo, et cette France macabre des indéboulonnables administrations ancrées dans leurs principes marxistes psycho-rigides qui massacrent de l’entreprise en toute décontraction. Aujourd’hui, a contrario, je vais évoquer une autre France, celle qui fuit.
Cette petite tranche du pays a récemment fait parler de lui à l’occasion de la sortie d’un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE), qui réalise des analyses économiques pour le gouvernement, et dont le titre, « Préparer la France à la mobilité internationale croissante des talents », permettait de comprendre qu’il portait cette fois-ci sur le sujet de l’expatriation.
Le résultat de l’analyse réalisée est sans grande ambiguïté : comme, fort malheureusement, dans bien d’autres domaines d’importance, la France se compare mal aux autres pays puisqu’elle parvient moins bien qu’eux à retenir ses étudiants étrangers après leur diplôme. En somme, les étrangers diplômés en France n’y reste pas. Pire, les autochtones diplômés dans le pays s’expatrient de plus en plus : les flux augmentent même régulièrement puisqu’entre 1980 et 2010, le taux d’émigration (stock d’émigrants de plus de 25 ans divisé par la population résidant en France de plus de 25 ans) a doublé.
Au moins cette analyse aura eu le mérite de déciller un peu les journaux qui se sont empressés de reprendre l’information dans quelques articulets plus ou moins fournis mais qui n’auront guère faire parler d’eux, l’actualité étant largement occupée par de palpitantes polémiques sur le rap à Verdun ou les manifestations sur une loi devenue épouvantail à gogos.
Au passage, on s’amusera d’une remarque du CAE, qui se réjouit de constater que ceux des Français qui reviennent d’expatriation sont tout de même assez diplômés et qu’ils font donc bénéficier du pays de leur expérience à l’étranger ; la réalité, narrée dans de récents articles (à commencer par celui-ci) laisse cependant penser que ce retour n’est pas toujours bien vécu par ceux qui le tentent. En outre, on peut réellement s’interroger sur les qualités d’un pays dont l’administration s’avère parfaitement incapable d’accueillir décemment ses ressortissants qui reviennent vers lui…
Mais au delà de ces remarques sur les expatriés français diplômés, force est de constater que la presse — comme à son habitude — se refuse toujours de voir la profondeur du malaise qui, loin s’en faut, ne concerne pas les seuls diplômés, les fameux « cerveaux » que le rapport mentionne.
On pourrait revenir sur les articles que Contrepoints consacrait en 2014, puis en 2015 à ce sujet, et qui montrent tous deux choses : d’une part que la tendance s’est effectivement accélérée ces dernières années, chose que semblent nier farouchement les gouvernements et, dans une certaine part, les journalistes qui n’y voient qu’un simple phénomène de mode lié à la mondialisation, et d’autre part que cette expatriation concerne maintenant tous les types de profils.
D’ailleurs, même si des témoignages ponctuels ne formeront jamais des statistiques, mentionnons tout de même l’actuelle série de Contrepoints sur les expatriés dans différents pays du monde qui permet justement de prendre un peu conscience de la diversité des profils, des expériences et des individus qui se sont lancés dans cette aventure.
Le constat est d’importance puisqu’à l’expatriation inévitable des capitaux succède maintenant celle de la main-d’œuvre. Si, jusqu’à récemment, elle était surtout composée de main-d’œuvre qualifiée, l’expatriation concerne maintenant aussi celle qui l’est moins ou pas du tout.
Eh oui, c’était écrité, prévu même, et ce qui devait arriver arriva ; le socialisme lorsqu’il n’arrive pas à égaliser les gens par la force ou par la persuasion le fait par attrition : ceux qui n’en peuvent plus abandonnent, tombent malades et meurent, se suicident, ou, pour les autres, tout simplement, s’enfuient.
Les conséquences, modestes au départ et de plus en plus puissantes ensuite, sont évidemment tragiques : avec de telles fuites, l’assiette se réduit sans cesse sur laquelle est basée les petits calculs des uns et des autres (Hollande en tête) pour prélever des richesses afin de les redistribuer et faire ainsi perdurer ce modèle social que le monde nous envie de loin. Autrement dit, moins il y a de gens riches, moins il y a de capitaux, moins il y a d’entreprises, moins les impôts rapportent. Et maintenant, moins il y a de gens volontaires pour travailler, pour proposer leur force de travail et leurs compétences, moins il y a de travail et moins il y a de richesses produites. Et bien évidemment, moins les impôts et les taxes rapportent, encore une fois.
Mécaniquement, moins il y a de travailleurs, moins il y a de gens susceptibles de consommer et plus le marché se rétrécit : par un effet rétroactif délétère, la disparition des richesses entraîne alors un accroissement du besoin, pour ceux qui restent, de choisir de plus en plus vite leur camp, celui de ceux qui vont bénéficier de la redistribution, ou celui de ceux qui vont devoir y contribuer. Dans cette perspective, plus la situation est mauvaise et plus il devient rentable de s’enfuir lorsqu’on est du côté ponctionné.
Le tableau n’est guère réjouissant : entre d’un côté ceux qui ont, sciemment ou pas, ouvertement ou non, choisi de se trouver du côté des bénéficiaires nets de la redistribution tous azimuts, et de l’autre côté ceux qui ont choisi de fuir ce qui devient un petit enfer socialiste ou prime avant tout le pillage organisé des richesses des autres, ceux qui restent et se retrouvent à devoir payer se sentent de plus en plus pressés de choisir un camp.
Forcément, cela va bien se terminer.