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L’autorité de surveillance du marché financier suisse, Finma, nous
intéresse puisqu’elle détient selon ses propres dires des prérogatives de
puissance publique. Cet état découle du fait qu’elle soit une unité de
l’administration fédérale décentralisée (LOGA) juridiquement autonome (cf
Annexe1 de OLOGA https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compil...3439/index.html
).
Finma énonce clairement sur son site que « son activité se fonde
sur le droit de la surveillance des marchés financiers. En tant qu’autorité
indépendante, la FINMA, dont le siège est à Berne, est dotée de prérogatives
de puissance publique à l’égard des banques, des entreprises d’assurances,
des bourses, des négociants en valeurs mobilières, des placements collectifs
de capitaux, leurs gestionnaires et directions de fonds, ainsi que des
distributeurs et des intermédiaires d’assurance.»
Ainsi Finma détient des prérogatives de puissance publique au niveau de
TOUS les secteurs de la place financière suisse. L’appellation indépendance
accolée aux mots prérogatives de puissance publique est plus qu’interpellant
quand le pays où se déploie ladite autorité est un Etat indépendant soumis à
une Constitution et à des élus.
Une loi Finma converge bien avec ce qui précède. Son article 4 al1 précise
bien que c’est un« établissement de droit public doté d’une personnalité
juridique propre ». Dans un rapport, intitulé « La FINMA et son activité de
réglementation et de surveillance », le Conseil fédéral explique sa vision du
gendarme suisse de la finance.
Il y est dit ceci: target="_blank" http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/mes...ments/37801.pdf
p. 8
« Le conseil d’administration, la direction et l’organe de révision
constituent les organes de la FINMA (art. 8 LFINMA). La structure de conduite
de la FINMA repose sur le régime d’une société anonyme privée: le conseil
d’administration est l’organe stratégique. Il doit en particulier fixer les
objectifs stratégiques de la FINMA, édicter les ordonnances relevant de la
compétence de la FINMA, arrêter les circulaires et statuer sur les affaires
de grande portée (art. 9 LFINMA). «
En lisant ce passage, nous constatons la disparition du rôle des élus
de toute la sphère de l’activité de régulation de la place financière. C’est
un conseil d’administration qui est l’organe stratégique qui fixe les grands
axes de l’action auprès des banques, des entreprises d’assurances, des
bourses, des négociants en valeurs mobilières, des placements collectifs de
capitaux, leurs gestionnaires et directions de fonds, ainsi que des
distributeurs et des intermédiaires d’assurance.
Par ailleurs, le fait qu’un conseil d’administration ait la responsabilité
d’édicter les ordonnances, arrêter les circulaires et statuer sur les
affaires de grande portée est surprenant. Car, si la Constitution est encore
valide et actuelle, tout citoyen ne peut que contester cette construction
hybride où une partie de la puissance publique qui revient à l’Etat échappe
totalement aux élus. Tout citoyen ne peut que contester la nature des
objectifs qui découlent de la mission et d’autre part, le cumul des
prérogatives de puissance publique qui ressemble furieusement à celles d’une
police, d’une justice, d’une assemblée de députés.
Cela reviendrait à une police cantonale qui édicterait des ordonnances,
arrête les voleurs, les juge et les condamne.
Cela est inédit et impossible en démocratie.
Mais ce n’est pas tout.
Forts de la mise en lumière de ce qui précède, deux pages du site de Finma
ont retenu notre attention. La première, Finma y met en garde contre les
prestataires susceptibles d’exercer sans droit. Plus loin, nous lisons
que « la FINMA gère et publie une liste noire concernant les
entreprises qui sont susceptibles d’exercer sans autorisation une activité
soumise à autorisation et assujettie à sa surveillance. » (cf Annexe
ci-dessous)
Si nous sommes surpris par la tenue d’une « liste noire » dans un Etat de
droit, la suite est encore plus frappante.
« La FINMA gère et publie une liste noire. Les entreprises
inscrites sur cette liste ont fait l’objet d’enquêtes de la part de la FINMA
en raison d’activités exercées sans droit, mais il n’a pas encore été
possible d’éclaircir les soupçons à leur égard car elles n’ont pas respecté
leur obligation de renseigner vis-à-vis de la FINMA. Le fait qu’une
entreprise figure sur la liste noire ne signifie pas nécessairement qu’elle
exerce une activité illicite, mais la FINMA entend ainsi faire savoir qu’elle
ne dispose pas de l’autorisation requise. Les entreprises concernées sont supprimées
de la liste dès que la FINMA a pu procéder aux vérifications nécessaires
ainsi qu’aux adaptions susceptibles d’en découler. » https://www.finma.ch/fr/finma-public/li...-noire/#Order=1
Nous sommes donc en présence d’une liste noire (grave pour un Etat réputé
respectueux des droits de l’Homme) constituée sur la base de « soupçons » et
non d’infraction établie ! Et la liste est longue de 452 entités dont
Finma a décidé de publier un jour le nom et l’adresse sur une base
hypothétique puisque lorsque les soupçons sont levés, ces personnes sont soit
condamnées, soit retirées de la liste !
L’appartenance à cette liste équivaut à une pénalité qui doit se chiffrer en
perte de revenus. Qui veut travailler avec une entité fichée par une police
d’Etat ? Certains sont fichés depuis 2009 ! De 2009 à 2015, Finma n’a pas
réussi à établir la culpabilité de ces établissements ! Et là nous sommes en
droit de nous interroger sur les compétences de cet établissement. Comment
une police qui est seule à octroyer les « tickets d’accès au marché financier
» et dotée de forts coûteux matériels informatiques ne sait pas si oui ou non
un établissement a ou n’a pas le sésame ?
La deuxième page qui nous a interpellés est celle qui concerne la « Publication
de la décision finale avec mention des noms ». Nous découvrons
ainsi que les « condamnés » sont listés. Il y est dit « La
FINMA peut publier sa décision finale, y compris les noms des personnes
concernées, à compter de son entrée en force. »
Elle continue : « En cas de violation grave du droit de la surveillance, la
FINMA peut, sur la base de l’art. 34 LFINMA, publier, partiellement ou
totalement, SA décision finale, y compris les données personnelles des
assujettis concernés, à compter de son entrée en force. La condition
préalable pour ce faire est que la publication ait été ordonnée dans sa
décision. »
Que penser de ce paragraphe ? La question de l’arbitraire est posée ! Il
s’agit tout de même de citoyens qui ont droit à l’article 13 de la
Constitution sur la protection de la sphère privée qui dit ceci :
« 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de
son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste
et les télécommunications.
2 Toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des
données qui la concernent. »
Les tribunaux suisses caviardent les noms des personnes concernées
lors de la publication de leur jugement. Comment se fait-il que Finma se
permette de publier le nom, lieu d’origine, âge, adresse d’un inculpé ?
Comment se fait-il que Finma décide lors de SA prise de décision des noms
qu’elle publie ou non ?
Bon nombre de suisses seraient intéressés par les noms, lieu d’origine,
âge et adresse des personnes coupables de trafic du Libor. Il y a
manifestement des coupables puisque Finma a condamné UBS à une amende .
A-t-elle publié leur nom ? Va-t-elle le faire ?
Nous rappelons dans ce contexte ce que l’histoire helvétique n’oubliera
jamais qu’en février 2009, Finma a transféré 4’400 noms de personnes réputées
innocentes au département de justice américain hors de toute procédure
judiciaire et court-circuitant le droit des intéressés à faire opposition
auprès des vrais tribunaux. Mais Finma, forte de sa puissance publique et
présidé à l’époque- comme l’actuel CEO- par un ancien haut dirigeant de la
banque aux 3 clés…
La question qui se pose au vu de ce qui précède est multiple. Sommes-nous
encore dans un Etat de droit ? Pourquoi quelques personnes auraient-elles un
droit de vie ou de mort sur une entreprise ? Droit de vie puisque son
autorisation correspond à « un ticket d’entrée au marché financier ». Droit
de mort puisque sur un simple soupçon elle a le pouvoir de clouer au pilori
une entreprise.
Enfin, quel genre de société préparons-nous en escamotant les droits
constitutionnels et culturels de la protection des données et de la sphère
privée ?
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