|
Dans la mesure
où les mandats ministériels sont de plus en courts, il est normal que les
politiciens à la tête d’un Ministère s’empressent de promulguer des lois qui porteront
leurs noms et perpétueront donc leur notoriété, même après leur démission. Cette
course politique n’est cependant pas toujours bénéfique aux citoyens. Dans la
plupart des cas, les nouvelles lois n’ont pas pour vocation d’accroître leur
liberté de choix mais introduisent, au contraire, de nouvelles
réglementations coûteuses et contraignantes.
Les billets
précédents (ici
et là)
ont souligné quelques effets secondaires des nouvelles réglementations
introduites par la loi sur la consommation (dite « loi Hamon »). Ce
billet étudiera les effets d’une autre loi votée avant le remaniement gouvernemental :
la loi Accès
au Logement et Urbanisme Rénové (ALUR), dite aussi « loi Duflot », d’après le nom de la Ministre qui l’a
proposée.
Sous le
prétexte habituel de protéger le consommateur, cette loi réglemente davantage
les ventes des lots de copropriété. L’article 54 de la loi ALUR précise, par
exemple, les nouveaux documents qui doivent désormais être annexés à la
promesse de vente. Il s’agit d’une fiche synthétique de la copropriété, qui
devra contenir entre autres : les procès-verbaux des trois dernières
assemblées générales, des documents relatifs à l’organisation de l’immeuble
(le règlement de copropriété et l’état descriptif de division ainsi que tous
les actes les modifiant), des documents relatifs à la situation financière de
la copropriété (montant des charges, sommes pouvant rester dues, état des
impayés, carnet d’entretien de l’immeuble). D’autres décrets viendront compléter
cette liste. Ainsi, dès la publication du décret, il faudra ajouter une
déclaration de surface (loi Duflot) qui définit une
troisième manière de mesurer les surfaces immobilières, différente de la
surface habitable (loi Boutin) et de la surface privative (loi Carrez),
actuellement en vigueur.
Il est
intéressant de noter que la plupart de ces documents (sauf bien évidement les
documents nouvellement créés) étaient déjà demandés et consultés par les
acheteurs. Il n’y a rien d’étonnant au fait de demander des dossiers
concernant l’organisation et la santé financière d’une copropriété, dans la
mesure où il s’agit d’un marché sur lequel les prix sont très élevés, les
durées de négociation longues. Les acheteurs sont donc relativement plus
prudents que dans le cas d’autres achats. On peut donc légitimement se
demander ce que ces nouvelles dispositions pourraient changer puisque ces
pratiques sont déjà en place. Au mieux cela ne changera rien et dans ce cas les
dispositions de la loi ALUR seront inutiles.
Cependant, les
choses ne sont pas aussi simples. En effet, tous les documents auxquels la
loi fait référence ne sont pas détenus par les propriétaires et certains
(comme le carnet d’entretien de l’immeuble) n’existent même pas pour bon
nombre de copropriétés. En alourdissant davantage la bureaucratie de la vente
immobilière cette loi pénalise donc en premier lieu les vendeurs particuliers
qui avaient la possibilité et qui souhaitaient s’affranchir des
intermédiaires. Cette loi pourrait donc
à terme mettre fin à la vente entre les particuliers. En outre, réunir
et préparer en bonne et due forme l’ensemble de tous ces documents aura un
coût qui sera certainement facturé par les syndics et autres intermédiaires
qui arrangeront la vente.
Enfin,
l’élément clé, passé pour l’instant inaperçu (et qui se révèlera sans doute crucial
dès que les premières promesses de vente seront signées), est que le délai de
7 jours de rétraction pour un achat immobilier (loi SRU) commence désormais à
courir à partir du moment où tous ces documents sont réunis. Au vu des
difficultés rencontrées pour les réunir, la plupart des promesses de vente
seront donc probablement signées avec le risque que l’acheteur puisse se
désister à n’importe quel moment jusqu’à la signature de l’acte définitif. À partir
du moment où les acheteurs seront conscients de cette possibilité et feront
usage de ce pouvoir que la nouvelle loi leur accorde, le marché immobilier
sera certainement bouleversé.
Somme toute,
la notoriété de l’ancienne Ministre de l’égalité des territoires et du
logement semble être assurée, car les dispositions de la loi Duflot peuvent mettre en désordre le marché immobilier.
Le prochain billet étudiera plus attentivement un autre aspect relatif à
cette loi : le marché de la location immobilière.
|
|