Oublions un instant les
questions monétaires de ce milieu de semaine pour nous pencher sur les
circonstances de notre temps – alors que le blizzard hurle derrière nos
fenêtres, et que les fonctionnaires de la Réserve fédérale font nerveusement
les cent pas dans les couloirs de l’Eccles Building.
Il est évident qu’il existe
désormais quatre aspects de la vie politique américaine : un parti
démocrate complètement perdu et délirant ; des Républicains incapables ;
le Deep State permanent et ses fantassins et garçons de courses
bureaucratiques ; et Trump, le Roi-Golum de notre Grandeur à venir. Que
Diable s’est-il passé…
Les Démocrates se sont eux-mêmes
réduits à un gang de néo-maoïstes sadiques qui ne s’affairent plus qu’à
éradiquer tout ce qui ressemble encore à une liberté d’expression en le nom
de la justice sociale. Ils ont fait de la contrainte leur monnaie sonnante,
notamment dans le domaine des idées, où « diversité » signifie
désormais écraser le cou de leurs adversaires jusqu’à ce qu’ils se prétendent
d’accord avec leur néologisme novlangue, et où « inclusion »
signifie que vous êtes le bienvenu à condition d’être comme tout le monde. Je
les qualifie de Maoïstes parce que ce, comme les Gardes rouges déchaînés de
Mao en 1966, leur mission est de « corriger » ceux qui osent s’opposer
au leader établi. La seule différence étant que cette fois-ci, le leader
établi a perdu les élections qui lui étaient acquises, pour laisser son parti
dénué de pouvoir et de mission, tel une termitière sans sa reine,
travailleurs et soldats fuyant le centre du pouvoir dans une hystérie d’identité
perdue.
Ils se sont brièvement regroupés
après la débâcle des élections, pour s’opposer à un ennemi imaginaire, la
Russie, cet ours-fantôme qui aurait supposément piétiné leur termitière et
écrasé leur reine. Etrangement, aucune empreinte d’ours n’a jamais été découverte.
Depuis que ce fait indéniable a été sombrement révélé par l’ancien chef de la
NSA, James Clapper, dans Meet
the Press sur NBC, cette hallucination s’est envolée de la Une des organes de
presse du parti – bien que dans un dernier effort de rectitude, le New York Times ait publié
lundi un reportage
de première page détaillant l’odieuse traite d’esclaves de l’université
de Georgetown il y a deux siècles. Voilà qui devrait suffire à faire taire
les méchantes sorcières une fois pour toutes.
Les Républicains, afin d’éviter
de se transformer en un nouveau parti Whig et de finir dans la chute à linge
de l’histoire, ont passé un accord nocif avec un personnage très susceptible
d’exacerber leur mauvaise image. Leur enfant chéri a traîné les grands Poobah
du parti jusque dans la salle de torture « faites-y-vous-ou-taisez-vous »
de notre capitale – une pièce que le sénateur Rand Paul a cherché partout la
semaine dernière – où on leur a demandé de réformer le racket de couverture
médicale du pays. Pour l’heure, ils semblent prêts à cuisiner de nouvelles
primes pour leurs mécènes du cartel hospitalier, des assurances santé et des
sociétés pharmaceutiques. Les électeurs commencent déjà à sentir l’odeur de carpe
pourrie dans le plat qui mijote. Il y a de fortes chances que leur concoction
finisse dans la benne à ordures du capitole, ce qui en soi suffirait à faire
couler le parti, le système actuel connu sous le nom d’ObamaCare ou Affordable
Care Act ressemblant désormais à une tumeur fatale dans la thyroïde du pays.
Dans un effort de corriger ce qui ne va plus, les Républicains passeront
bientôt du parti du Non au parti du Allez-vous-en.
Le Deep State semble soucieux de
défaire ses liens avec les deux partis en putréfaction et se tient prêt, si
nécessaire, à diriger lui-même le colosse gémissant du gouvernement. L’armée et
ses chaînes de commandements demeurent intactes, ainsi que leurs « actifs »,
et il n’est pas difficile d’imaginer les réunions anxieuses qui se tiennent
dans arrière-salles du Pentagone et de la maison Langley. Et si… ? « Et
si nous le faisions partir en fumée ? » se demande tout haut un
vieux colonel de l’armée, après quoi la salle toute entière plonge dans un
silence de plomb, pesant le poids de la notion. Quelques-uns hochent la tête
et font la moue, d’autres se contente de tousser dans leur manche. Un jeune
assis au fond de la salle mentionne un « petit quelque chose » sur
lequel lui et ses collègues ont travaillé, qui implique un peu de laque à
cheveux et une neurotoxine dérivée du venin de la vipère du Gabon…
Et puis il y a notre président
lui-même : Donald J. Trump, dans la fantastique solitude de sa
twitterverse. Un étrange destin l’a amené jusqu’à sa place dans l’Histoire,
et beaucoup de ceux qui, comme moi, observent de près la situation depuis ces
derniers mois, savent pourquoi : tout n’est question que de dégoût
ardent pour les trois autres aspects du pouvoir américain ; de l’échec
désastreux de la classe moyenne plongée dans un purgatoire de repossession, d’oisiveté,
d’opiacés et de tatouages ; de l’économie de consommation de plus en
plus vide de sens ; de la matrice du racket qui draine les finances de
tout un chacun et s’humilie par le piètre service qu’elle rend ; des
guerres coûteuses, inutiles dans des contrées lointaines, qui laissent
derrière elles des trous à rats permanents ; de la défiguration disgracieuse
de notre paysage national autrefois grandiose, devenu un terrain vague de
centres commerciaux et de bretelles d’autoroute en décrépitude.
Déambule alors sur la scène
notre Donald national, un géant parmi les nabots pleurnicheurs de notre
temps, avec ses promesses de refaire de ces terres en souffrance une grande
nation. Je suppose qu’à sa manière, il souhaite vraiment bien faire. Il en
est allé de même pour bien des personnages torturés qui se sont retrouvés au
sommet : Idi Amin, l’oncle Joe Stalin, Vlad III l’Empaleur, Adolf
Vous-savez-qui, Pol Pot. La liste est très longue.