Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Le problème que j’ai actuellement avec les week-ends ces
derniers temps, c’est qu’il n’y a plus de sommets en
catastrophe de la dernière chance pour sauver l’Europe. Alors
comme le monde des grands mamamouchis politico-économiques somnole, je
n’ai pas grand-chose à vous raconter, si ce n’est que le
travail dominical semble réservé à la plèbe de la
France d’en bas et nettement moins à celle d’en haut qui
tient à son confort (ce que l’on ne peut pas lui reprocher).
Bref, du coup, en lisant une critique plutôt flatteuse du
dernier bouquin de Raphaël Enthoven (un
philosophe), dont ma femme me dit qu’il fut l’amant ou le mari de
Carla Bruni épouse Sarkozy dont elle eut un enfant – parcours
qui, ma foi, doit faire réfléchir un homme –, je me suis
précipité chez mon dealer de livres (sans doute bientôt
clandestin) pour me procurer ma marchandise.
Un peu de
philo dans ce monde de brutes !
Et franchement je n’ai pas été déçu.
Quel rapport entre un bouquin de philo et l’économie me
direz-vous ? Tout, justement, absolument tout !
En une trentaine de chapitres, à chaque fois très courts
puisqu’il s’agit de 2 ou 3 pages maximum, l’auteur aborde
des notions sociales comme la « diversité » –
passage dérangeant et passionnant –, comme la « démondialisation », ou encore la technologie
dont on nous rebat les oreilles avec les GPS, et autres « aïe
» -phone, la politique avec les affiches de campagne, ou encore les
médias, la rapidité de l’information et ce qui
s’ensuit.
C’est un livre agréable à lire, ce qui est
rarissime lorsque l’on parle de philosophie, c’est
également un livre avec lequel on se sent plus intelligent
après lecture, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Vous serez sans doute agacés parfois mais, le plus souvent,
c’est avec un sourire aux lèvres que vous achèverez un
passage. L’un de mes préférés ? Sans doute celui
consacré aux GPS, qui ont transformé chacun de nous en
assisté total… Un véritable « libéral
» devrait donc fuir la possession de GPS, car oui ces outils, ces
engins, au-delà des services indéniablement rendus, changent
profondément notre façon de faire, de voir, et, au bout du
compte, notre façon d’être.
Ce livre s’appelle Matière Première,
édité chez Gallimard, je vous indique un lien ci-dessous.
Pendant ce temps en Europe, et même malgré le repos de
fin de semaine, le débat sur l’austérité fait
rage, sur fond de campagne électorale en Allemagne.
« Zone
euro : l'austérité à marche forcée,
"erreur" plus ou moins nécessaire »
C’est le titre assez surréaliste d’une
dépêche AFP dont l’objet est sans doute de mettre tout le
monde d’accord en attendant de savoir dans quel sens va souffler le
vent.
Je ne vais pas tomber dans la philosophie de comptoir, mais tout de
même. Relisez bien ce titre. Tout le reste de l’article ou
presque est à l’avenant.
« Au moment où la zone euro ralentit la cadence de la
rigueur budgétaire, l'heure est à un premier bilan de
l'austérité appliquée jusqu'ici à marche
forcée. Un "succès", plaide l'Allemagne. Une erreur,
répondent des économistes, alors que d'autres y voient un mal
nécessaire. En pleine récession, et face à la grogne
sociale, plusieurs gouvernements européens ont décidé de
se donner un peu plus de temps pour réduire leurs déficits. Et
Bruxelles a fini par admettre les limites de l'austérité.
»
La politique
du fait accompli
L’Allemagne, tout le monde l’a compris, sauf ceux,
autistes et sourds, qui ne veulent rien entendre, ne veut pas payer pour le
reste de l’Europe aussi parce qu’elle n’en a pas les
moyens, ce que nous a rappelé Angela Merkel
la semaine dernière.
Disons que finalement, et c’est l’un des enseignements de
la situation actuelle, lorsqu’un État européen souverain
ne veut pas ou ne peut pas (ce qui revient au même dans le
résultat), l’Europe quoi qu’elle en dise se trouve fort
démunie, procédure pour déficit excessif ou pas.
Nous assistons donc à une politique du fait accompli dans la
plus grande des hypocrisies. Côté face, on vous jure ses grands
dieux, surtout « droit dans les yeux » à la cas-Huzac, que l’on va respecter les objectifs de
déficits, puis la trajectoire de respect des déficits, puis que
l’on va juste reporter ou décaler à la marge le respect
de la trajectoire du respect des déficits, etc. Côté pile,
évidemment, on fait l’inverse ou presque, sachant pertinemment
que nous ne pouvons pas tenir cet objectif de 3 % de déficit de dettes
sur PIB sans une grosse casse sociale.
La politique Hollandaise, c’est donc celle-là. Notre
Président attend soit que la croissance revienne (mais je pense que
même ça, il a fini par comprendre que ça
n’arriverait pas), soit, plus vraisemblablement, il attend sous
l’arbre que l’austérité tombe comme un fruit bien mûr.
Ce n’est pas absurde en soi. Le problème est pourtant
double. D’une part, rien ne dit avec certitude que le fruit va tomber
ni non plus quelle durée il va mettre à mûrir, tout en
sachant qu’entre temps nous prenons le risque de mourir de faim…
puisque nous attendons !
Et c’est d’ailleurs cette idée que l’AFP met
en relief quelques lignes plus bas.
Pour autant,
le débat sur la stratégie adoptée jusqu'ici n'est pas
tranché.
Car pour le moment, les Allemands n’en démordent toujours
pas, comme l’écrit si bien notre agence de presse nationale.
« C'est déjà un succès, affirme le
ministère allemand des Finances, chiffres à l'appui. De fait,
confirme la Commission européenne, le déficit public de la zone
euro est passé d'environ 6 % du produit intérieur brut (PIB) en
2011 à moins de 3 % cette année. Et à ceux qui demandent
un changement de rythme, elle répond : le ralentissement est en cours,
puisque l'effort structurel de réduction des déficits est
moitié moindre en 2013 qu'en 2012. »
Bon, quand je lis ce paragraphe, je me dis que les « zallemands », eux, ils ont drôlement
l’air de nous l’avoir tranché, et dans le vif, le
débat sur la « stratégie »… Alors, je
patiente, je lis le reste en me disant, si l’AFP dit que le
débat n’est pas tranché c’est qu’il doit y
avoir une rude opposition notamment au niveau européen et des
différents leaders des autres pays, particulièrement ceux qui
sont dans la mouise jusqu’au cou….
Rien, l’AFP n’a trouvé personne, même pas un
premier ministre portugais ou un sous-secrétaire d’état
grec. Rien, même pas un chypriote, ils ont tous l’air
d’accord pour nous faire les poches.
Alors l’AFP cite longuement un économiste et va chercher
les économistes atterrés avec qui on peut être
parfaitement d’accord, mais qui n’ont juste aucun poids en Europe
et encore moins en Allemagne.
Sans en nier les résultats, des économistes
interrogés par l'AFP contestent le bien-fondé de ces choix.
L’AFP défend donc l’idée que «
d'autres voies étaient possibles, et on aurait pu se passer totalement
de l'austérité ». Ce qui est parfaitement vrai, ce qui ne
veut pas dire que ce chemin ne soit pas douloureux par la suite puisque ne
pas faire d’austérité c’est faire de la planche
à billets, et faire de la monétisation c’est, à
terme, déclencher un processus inflationniste majeur.
Mais comme le dit l’Agence, ce « choix politique supposait
de modifier les traités européens et, donc, d'avoir des leaders
européens courageux, soulignant qu'en 2010, la chancelière
allemande Angela Merkel, chantre de la rigueur,
avait face à elle un Nicolas Sarkozy déjà affaibli en
France, un Silvio Berlusconi sans consistance en Italie et José Luis
Zapatero en fin de mandat en Espagne ».
Eh oui, l’Allemagne prend le leadership en Europe parce que tout
le monde lui laisse prendre le leadership. Personne ne veut du pouvoir or
l’Allemagne, comme tout leader, a besoin de contre-pouvoirs.
En réalité, l’un des plus gros problèmes de
la France est que nos dirigeants eux-mêmes ne croient plus en son
peuple et en sa nation, en sa force et en son… avenir. Ils en sont donc
les premiers fossoyeurs.
Alors notre Président, comme un enfant normal, fait ses
bêtises en douce, en sachant bien qu’au bout du compte maman
Angela sera bien obligée de passer l’éponge et le balai
pour réparer les dégâts du fils indigne. Le
problème, c’est qu’un gamin vilain, lorsqu’il est
vilain, vraiment vilain et qu’il pousse le bouchon un peu loin, finit
par se faire sortir de la maison des parents… Cette maison, c’est
l’euro. Elle se fissure de plus en plus.
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
Ceci est un article 'presslib', c'est à dire libre de reproduction en
tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit
reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin
est un quotidien de décryptage sans concession de
l’actualité économique édité par la
société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT,
Directeur des études économiques. Merci de visiter notre
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