Laurence
Vance est à l’origine du terme « warvangelical » (en français,
va-t’en guerre évangélique) pour décrire les Chrétien évangéliques qui
semblent omnibulés par les guerres menées par l’Etat, et par les morts, la
destruction et le chaos qu’elles laissent derrière elles. Ils ignorent la
tradition de guerre juste de Saint Thomas d’Aquin, entre autres, et défendent
toute forme de guerre ou d’agression militaire – tant que l’agresseur est le
gouvernement des Etats-Unis.
Ce
sont ces gens qui ont hué Ron Paul alors qu’il leur rappelait, à l’occasion
de l’une de leurs conventions, que Jésus est connu sous le nom « Prince
de la Paix ». Ce sont ces mêmes gens qui sont devenus hystériques (et
hargneux) lorsque Ron Paul a cité l’admonition biblique « qui vit par
l’épée périra par l’épée » en réponse à une question concernant un
sniper de l’US Army qui a écrit un livre dans lequel il se vante d’avoir tué
des centaines d’Irakiens après s’en être retourné à la vie civile.
Ce
sont ces mêmes gens dont les églises sont flanquées de drapeaux américains si
gigantesques qu’ils éclipsent leurs icones chrétiennes, qui demandent à leurs
voisins s’ils ont un uniforme militaire qu’ils puissent porter à l’église,
qui chantent les hymnes nationaux de la guerre lors de leur sermon, qui prennent
leurs offrandes du dimanche d’entre les mains des pauvres de leur communauté
pour pouvoir la dépenser auprès de bureaucrates militaires déjà bien trop
rémunérés, et qui ne peuvent jamais cesser de remercier encore et encore les
« soldats » pour leur « service » effectué à l’étranger,
à massacrer des étrangers et détruire leurs villes – sinon leurs sociétés
toutes entières – au service des guerres agressives, et non défensives, de
l’Etat.
Mais
d’où vient donc cette religion, peu chrétienne, de la guerre ? La
réponse à cette question est que cette religion s’est développée en parallèle
au mouvement Yankee néo-puritain de Nouvelle-Angleterre du début du XIXe
siècle. Il a atteint son apogée dans les années 1860 lorsque, ayant pris le
contrôle du gouvernement fédéral, les Yankees de Nouvelle-Angleterre ont mené
une guerre contre la population civile au sein de leur propre pays et
assassiné en masse des Américains par milliers avant de chanter un chant
« religieux » à la « gloire de l’arrivée du Seigneur ».
Voici
comment Murray Rothbard les décrit dans son essai intitulé « Just
War » :
La
force motrice du nord, les Yankees – ce groupe ethnoculturel qui a pris
racine en Nouvelle-Angleterre puis est parti s’installer dans l’Etat de New
York, au nord-est de l’Ohio, dans l’Indiana et dans le nord de l’Illinois – a
été balayée par un néo-puritanisme fanatique et émotionnel né d’un
postmillénarisme fervent selon lequel la seconde arrivée de Jésus Christ sur
Terre nécessitait la construction d’un royaume de Dieu sur Terre. Ce royaume
devait être une société parfaite. Et afin d’être parfaite, elle devait être
libérée de tout péché. Si vous ne combattiez par les péchés, vous ne seriez
pas sauvé vous-même.
C’est
pourquoi la guerre contre l’esclavage a appartenu à une ferveur millénariste
fanatique, à un désir profond de déraciner les institutions, de déchaîner le
chaos et le meurtre de masse, de piller et de détruire, en le nom d’un haut
principe moral. C’est ainsi que l’explique Rothbard. Ils étaient les
« humanitaires à la guillotine », les « Jacobins, les
Bolchéviques de leur ère ».
Clyde
Wilson a décrit ces néo-puritains de manière similaire dans son essai intitulé
« The Yankee Problem in America » :
L’abolitionnisme, malgré ce qu’on en a dit plus tard, n’était pas basé sur
une sympathie pour les Noirs ou sur un idéal de droits naturels. Il était
basé sur la conviction hystérique que les propriétaires d’esclaves du Sud
étaient diaboliques et se tenaient en travers du chemin de la mission de
l’Amérique qu’était l’établissement d’un paradis sur Terre… De nombreux
abolitionnistes s’attendaient à ce que les Blancs comme les Noirs du Sud
disparaissent pour que leurs terres puissent être repeuplées par des Yankees
vertueux ».
En
effet, l'icône des Yankees de Nouvelle-Angleterre, Ralph Waldo Emerson, a une
fois prédit que les Noirs, puisqu'ils sont une "race inférieure",
mourraient bientôt pour suivre le chemin de l’oiseau Dodo.
L’historien
et nouvelliste Thomas Fleming, auteur de plus de cinquante livres, apporte
son soutien à Rothbard et Wilson dans son plus récent livre intitulé A
Disease in the Public Mind. La raison principale pour laquelle
une guerre civile a éclaté, et pour laquelle les Etats-Unis n’ont pas mis fin
à l’esclavage de manière pacifique à la fin du XIXe siècle, explique Fleming,
a deux facettes : premièrement, les gens du Sud éprouvaient une profonde
jalousie envers les Yankees de Nouvelle-Angleterre, qu’ils voyaient comme les
élus de Dieu qui devaient prendre le contrôle du gouvernement, sinon du
monde. Deuxièmement, des douzaines d’abolitionnistes influents ont abandonné
le Christiannisme, condamné Jésus Christ, et adopté une étrange religion de
violence basée sur les paroles et les actes de leur idole et mentor,
l’auto-proclamé communisme et assassin de masse, John Brown, qu’ils
percevaient comme leur véritable sauveur.
John
Brown « descendait des puritains », écrit Fleming, il était la
« personnification d’un puritain ». Il est devenu un dieu pour les
Yankees comme Ralph Waldo Emerson, qui appelait Brown « le nouveau
saint » qui rendrait les « potences aussi saintes que la
croix ». Emerson faisait l’apologie de Brown pour avoir assassiné un
homme et ses deux fils devant leur mère dans le Kansas. Ces hommes n’étaient
pas des propriétaires d’esclaves, mais Brown a dit vouloir « faire
naître la terreur dans les cœurs des défenseurs de l’esclavage » en
commettant des meurtres. Il s’en est ensuite allé à Harpers Ferry pour
répéter son crime.
Henry
David Thoreau a écrit que « Brown était Jésus », « le plus
brave et le plus humaniste des hommes du pays » (dans un Anglais qui
aurait mérité un F à l’école). William Lloyd Garrison était un autre idolâtre
de John Brown, comme l’était son compatriote abolitionniste Henry C. Wright,
qui a déclaré que Jésus Christ était un « échec » et que
« John Brown deviendrait bien plus efficace que le Christ ».
Ces
« géants » littéraires, comme beaucoup d’autres pamphlétaires
yankees, ont mené une campagne de haine de plusieurs décennies contre les
gens du Sud, une campagne si outrageuse que Fleming l’a comparée aux
croisades puritaines de Nouvelle-Angleterre telles que le Salem, le jugement
et l’assassinat des sorcières du Massachussetts. Il n’est pas surprenant que
les gens du Sud aient décidé en 1861 qu’ils ne désiraient plus faire partie
de l’Union, dont faisait partie le Massachussetts et ses fous brûleurs de
sorcières et ennemis du Christ néo-puritains et qui, en plus de tout le
reste, n’hésitait pas à leur imposer des impôts exorbitants.
La
glorification de la violence, de la guerre et des meurtres de masse en le nom
de la religion était très prévalent dans les journaux de Nouvelle-Angleterre
à l’aube de la guerre qui a empêché l’indépendance des Etats du Sud. Elle est
très similaire à l’adoration actuelle dont bénéficie tout ce qui touche au
militarisme par les va-t’en guerre évangéliques (et les néo-conservateurs qui
utilisent les fils et filles des va-t’en guerre évangéliques comme de la
chair à canon pour mener leurs guerres d’agression).
Le
26 avril 1861, le Providence (Rhode Island) Daily Journal
a écrit qu’à « aucun moment dans l’histoire de ce pays, si ce n’est
pendant la révolution… n’a-t-il été plus glorieux d’avoir une vie à offrir ».
Ces lignes ont été écrites en référence à l’invasion des Etats du sud, qui
ont été mentionnées comme « le devoir solennel mais utile demandé par le
Paradis ». Les jeunes hommes devaient être « fiers » de « mourir
pour une cause sainte », écrivaient les vieux hommes du journal du Rhode
Island, ce qui prouve que Dick Cheney,
Rush Limbaugh, Sean Hannity, et William Kristol n’étaient pas les
premiers va-t’en guerre de salon aux Etats-Unis. Aucune mention n’a été faite
de l’esclavage comme raison justifiant l’invasion des Etats du sud.
Le
27 avril 1861, le Buffalo Daily Courier écrivait ceci :
« Nous ne croyons pas qu’il puisse y avoir un homme qui ne remercie pas
Dieu d’avoir pu vivre jusqu’à ce jour ». La guerre, écrit le Buffalo, un
journal de New York, était menée dans l’objectif de préserver le caractère
sacré du gouvernement et le « Christianisme de la terre est vitalisé par
les prières qui émanent d’un autel commun jusqu’au Dieu des combats ».
Encore une fois, aucune mention de la libération des esclaves.
Le
29 avril 1861, le New York Herald a laissé entendre que « sans la
guerre, la société deviendrait stagnante et corrompue ». Le journal
s’est lamenté à l’idée que « pendant un demi-siècle, il n’y a eu aucune
guerre sur notre territoire » et fait l’apologie des « chefs d’Etat
d’Europe qui ont su se faire la guerre bien plus souvent que les Etats des Etats-Unis ».
La justification première de la guerre, a stipulé le New York Herald,
était un excès de prospérité. Les Américains étaient « trop heureux et
trop aisés » aux yeux des New-yorkais néo-puritains qui haïssaient le
bonheur. La guerre, ont-ils dit, finirait enfin par renverser la situation.
La Philadelphia
North American and United States Gazette a décrété que la guerre « élève le standard du caractère
national, purifie l’atmosphère morale et chasse la corruption, la méchanceté
et d’autres principes qu’une période de paix trop longue tend à
encourager ». La guerre établira finalement la prospérité des Yankees
sur les gens du Sud : « Lorsque cette guerre prendra fin, l’homme
du Nord sera reconnu pour ce qu’il est – le fondateur véritable de notre grandeur
nationale ». (Encore une fois, aucune mention des esclaves, uniquement
de la grandeur nationale).
La
chaire des Etats du Nord est « dans sa quasi-unanimité en faveur d’une
condamnation de la guerre », a écrit le Boston Evening Transcript le 10 mai 1861. Prétendant s’être
entretenu avec la chaire des Etats du nord, les éditorialistes de Boston ont proclamé
qu’il n’y a dans le Nouveau Testament « aucun mot qui interdise la
formation d’une armée de centaines de milliers d’hommes pour annihiler
Jefferson Davis et ses défenseurs ».
Une
telle campagne de meurtres de masse est justifiée, disent les Bostoniens, par
l’admonition biblique « Rendre à César ce qui appartient à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu », les va-t’en guerre évangéliques s’allient.
« Cela nécessite l’usage de la force », disent-ils. « En
rendant à Abraham Lincoln, notre César, ce qui lui appartient, nous obéissons
à la commande divine ». Encore une fois, pas un mot sur l’esclavage.
Le Springfield
(Mass.) Daily Republican faisait preuve d’une pareille soif de sang le
27 mai 1861, en décrétant ne pouvoir « imaginer rien de plus sublime
qu’un peuple marchant à l’unisson à la guerre ». Le journal a dénoncé le
mouvement de la paix dirigé par les Quakers comme étant « idiot »,
et déclaré les motivations de l’invasion du Sud comme « l’esprit de la
noble dévotion chrétienne au drapeau de notre pays », au « drapeau
sacré national ». Aucune mention de l’esclavage.
Le Dubuque
(Iowa) Daily Times a informé
ses lecteurs le 28 mai 1861 que les gens du Sud n’étaient pas des gens
religieux (« nous suspectons que les traîtres n’ont que peu de réunions
religieuses ») et ont mis les gens du Sud en garde contre « une
armée d’hommes emplis de courage chrétien ». Nulle mention de
l’esclavage.
L’objectif
véritable de la guerre, a annoncé l’Albany (New York) Evening
Journal le premier juin 1861,
était de prévenir le reste de la terre chrétienne de la dominance imminente
de l’empire des Etats-Unis. « Si nous parvenons à convaincre le monde
que notre gouvernement est suffisamment puissant, vigoureux et déterminé à
combattre toutes combinaisons d’offensives, qu’elles naissent de
conspirations internes ou d’invasions externes ; si nous parvenons à
convaincre les Chrétiens de la conviction que notre empire occidental est
construit sur de la roche que rien ne pourra secouer – alors la guerre, peu
importe combien de temps elle durera, sera l’entreprise la moins coûteuse
dans laquelle notre nation se sera jamais embarquée ». Chaque
« goutte de sang versée » et « chaque dollar qui a été
dépensé » auront permis des « bénédictions futures ». Aucune
mention de l’esclavage. (Tous ces éditoriaux peuvent être trouvés dans Howard
Cecil Perkins, editor, Northern Editorials on Secession (Glouchester,
Mass: Peter Smith, 1964), pp. 1063-1097).
Selon
les deux personnes qui en étaient les plus proches, Lincoln lui-même n’est
jamais devenu Chrétien – sa femme et son avocat, William Herndon. Mais la
vieille machine politique de l’Illinois que H.L Mencken a comparé à une
organisation à la Tammany faisait un usage rusé sinon de maître de la
rhétorique religieuse dans ses discours politiques. Comme l’a écrit Charles
Adams dans When in the Course of Human Events,
« Le complexe de Lincoln avec Jéhovah a donné à la guerre un fatalisme
calviniste psychopathique, plaçant Dieu au-dessus de tout, punissant à la
fois le Nord et le Sud pour avoir toléré l’esclavage. Lincoln n’a jamais
tenté d’expliquer pourquoi Dieu n’a pas aussi puni les Britanniques, les
Français, les Espagnols, les Danois, les Portugais et les Suédois. Ou encore
les Noirs libres propriétaires d’esclaves. Le massacre de centaines de
milliers de jeunes hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards, le vol de
propriétés privées dans le Sud et le bombardement et la mise à sac de villes
entière se poursuivront, a dit Lincoln, jusqu’à ce que Dieu en décide
autrement. « Pas même le plus fou des fanatiques religieux n’a jamais
prononcé des mots similaires à ceux prononcés par Lincoln à l’occasion de son
second discours d’investiture », a écrit Adams. (Le second discours
d’investiture de Lincoln est celui lors duquel il s’est exonéré de toute
responsabilité face à la guerre et fait porter le blâme à Dieu. La guerre est
« arrivée », a-t-il dit, de nulle part, sans sa participation).
Il
fait bon mentionner que ces éditoriaux qui mentionnent la guerre et la
présentent comme la défense du caractère sacré du drapeau américain vont de
pair avec ce que le partisan de Lincoln, James McPherson, a écrit dans son
livre intitulé What
They Fought For: 1861-1865. Après avoir lu des centaines de
lettres et de carnets de soldats des deux camps, McPherson en est arrivé à la
conclusion que le soldat Yankee pensait se battre pour le drapeau, alors que
le soldat confédéré pensait se battre contre un gouvernement tyrannique qui
avait envahi son pays, bombardé ses villes et menacé de faire du mal à sa
famille.
Ayant
conquis les péchés du sécessionnisme, du fédéralisme, des droits des Etats et
du Jeffersonalisme, la génération d’Américains humanitaires à la guillotine
du début du XXe siècle avaient toutes les chances d’utiliser les pouvoirs de
contrainte du gouvernement pour combattre plus profondément encore les péchés
du monde, depuis le Catholicisme jusqu’à la consommation d’alcool. Ils
percevaient la participation des Etats-Unis à la première guerre mondiale
comme une grande démonstration de la manière dont le paradis sur Terre
pouvait être achevé au travers du gouvernement. Comme Murray Rothbard l’a
écrit dans son essai « World War I
as Fulfillment: Power and the Intellectuals », « les va-t’en
guerre religieux de la génération de la première guerre mondiale étaient
animés par un protestantisme pieu post-millénial qui avait conquis les
régions Yankee du Protestantisme du Nord dans les années 1830 et avait poussé
les plus pieux à user des gouvernements locaux, d’Etat et fédéraux pour
combattre les péchés, faire des Etats-Unis une terre sainte, et créer le
royaume de Dieu sur Terre ».
Une
illustration de cette philosophie meurtrière offerte par Rothbard est la
lettre reçue par Woodrow Wilson écrite de la main de son beau-fils, le progressiste
William Gibbs McAdoo, alors Secrétaire du Trésor, pour le féliciter d’avoir
plongé les Etats-Unis dans la guerre européenne. « Vous avez fait un
excellent travail !, écrit-il. Je suis certain qu’il en va de la volonté
de Dieu que les Etats-Unis rendent ce service transcendant à l’humanité, et
que vous êtes Son instrument élu ». Plus de seize millions de personnes
ont perdu la vie pendant la première guerre mondiale, dont plus de sept
millions de civils.
Ce
fanatisme religieux a offert une protection religieuse à l’industrie de
l’armement et à ceux qui soutenaient (et soutiennent encore) la guerre pour
des raisons monétaires. Certaines choses ne changeront jamais.