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Versailles.
Il fut un temps, le Tiers-Etat s’emparait du
château de Versailles et pénétrait dans la chambre de la
reine. Essayez simplement de vous imaginer ce qu’ont pensé les
petites gens de Paris en découvrant les excès de la cour du roi
au château de Versailles. Comment pouvons-nous expliquer la
manière dont l’une des plus grandes puissances de
l’époque a pu en arriver à une telle situation ?
Comment l’aristocratie a pu vivre des années durant dans un tel
luxe alors que le reste de la population mourait de faim ?
J’y ai réfléchi quelques temps, et
comme vous pourrez vous en douter, tout est devenu bien plus limpide lorsque
je me suis penché sur la question de la monnaie, ou pour être
plus juste, de la bêtise de la monnaie.
Beaucoup d’entre vous ont sans doute
déjà entendu parler de l’Ecossais John Law (1671-1729).
Il était un mathématicien de génie, et un parieur de
renom. En 1715, après la mort du Roi Soleil, ou Louis XIV, son
arrière-petit-fils Louis XV fut nommé roi à
l’âge de cinq ans. Son cousin germain, le duc
d’Orléans, occupa la place de régent. Au cours de
l’année qui suivit, en 1716, John Law établit la Banque
Générale, la première banque centrale de France. Je suis
quasi-certain que John Law avait annoncé au duc que grâce
à cette nouvelle banque, le papier monnaie abonderait sans que
personne n’ait à payer de taxes supplémentaires (cela
vous semble familier ?). Dans le même temps, la compagnie
Mississipi, fondée en 1684, se trouvait en difficultés
financières. La Banque tenta de l’aider à se redresser.
En 1717, la compagnie fut rebaptisée compagnie de l’Ouest, puis
compagnie des Indes en 1719. En 1718, la banque centrale fut renommé
Banque Royale, ce qui lui permit de fonctionner grâce aux
décrets du roi. Comme vous pouvez vous l’imaginer, tout avait
commencé par fonctionner plutôt bien pour tout le monde.
L’économie fut stimulée, et le duc avait de la monnaie
qu’il pouvait dépenser. Cependant, après quelques temps,
l’inflation montra son horrible visage. Law mit en place, avec la
permission du duc, de nombreuses lois permettant de combattre cette
inflation :
1.
Il commença par interdire la possession
d’or et d’argent au-delà de 5,5 onces pour l’or et
de 78 onces pour l’argent.
2.
Il ordonna que tous les paiements de plus de 100
livres (soit environs une once d’or ou 15 onces d’argent) ne
soient effectués qu’à l’aide de billets de banques
imprimés par la Banque Royale.
3.
Comme les choses ne cessaient de s’empirer,
et que la richesse commençait à être exportée hors
des frontières du royaume, il bannit l’exportation de tout
lingot d’or et d’argent.
4.
Cela ne suffisant pas, il poussa à la
délation en offrant des récompenses à toute personne
dénonçant ses voisins ayant violé les points 1 à
3 présentés ci-dessus.
5.
Ses billets de banque finirent par se voir
tellement dépréciés que si un marchand infortuné
demandait à son client de le régler en or plutôt
qu’en billets de banque, il était condamné à mort.
(La logique ici était qu’étant donné que le
marchand doutait de la valeur des billets de banque de son royaume, il devait
être considéré comme traître). Bien entendu, la
peine qu’encourait tout marchand qui ne faisait pas cette requête
était la banqueroute.
Finalement, ce qui devait arriver arriva. En 1720,
malgré les décrets de lois imposés par Law, la Banque
Royale ne pouvait plus être sauvée. Le duc renvoya John Law, qui
fuit le pays. En 1723, le roi Louis XV, ayant atteint sa majorité
à l’âge de 13 ans, monta sur le trône. Une
importante partie des citoyens avaient perdu toutes leurs économie, et
une haine pour le papier monnaie demeura présente pendant plus d’une
génération.
En 1774, le roi Louis XV mourut, et ce fut son petit-fils
âgé de 20 ans, Louis XVI, qui devint roi. 54 ans
s’étaient écoulés depuis l’inflation qui
avait achevé la Banque Royale. Toutes les personnes ayant quelque
mémoire directe de cette période étaient mortes depuis
longtemps. Cependant, la France s’était lancée dans de
nombreuses guerres et sa trésorerie ne cessait de se désemplir.
Rien de tel qu’une bonne guerre pour connaître des pertes
humaines et financières des plus importantes. Le château de
Versailles, dont la construction avait été lancée sous
Louis XIV, n’était toujours pas terminé. La France
était sans doute la plus grande puissance mondiale, et
s’enfonçait dans la banqueroute avec allure. Le roi était
haï de sa population qui mourait de faim alors qu’il se faisait
construire les châteaux les plus luxueux jamais construits quelques
kilomètres hors de Paris (ou devrais-je dire quelques
kilomètres hors de la saleté de la populace).
En 1789, une manifestation partie de Paris se dirigea vers
les portes du château. La révolution française se
déroula de 1789 à 1799, et plongea le pays dans le chaos. En
1793, le roi Louis XVI, ainsi que son épouse Marie-Antoinette, furent
décapités à Paris, dans le même temps que de
nombreux autres membres de l’aristocratie. Les citoyens étaient
devenus fous, et soulageaient leurs frustrations sur toute personne
qu’ils considéraient trop riche. En 1790,
l’Assemblée Nationale confisqua les propriétés du
clergé. Peu de temps après, des bons du trésor furent
distribués, représentant ces propriétés
cléricales. Ces bons eurent vite fait de devenir des devises. Comme
vous pouvez l’imaginer, ces bons furent distribués en de trop
importantes quantités, et une hyperinflation en découla. En
1792, ils ne valaient plus rien. D’autres monnaies papier furent imprimées,
sans aucun succès. Les révoltes contre la famine
éclatèrent à la même période, et
l’économie toute entière s’effondra. L’acte
du Prix Maximum fut instauré en 1793. Cet acte faisait peser un
contrôle sur les prix qui ne parvint qu’à augmenter la
rareté des biens. Après tout, un marchand ne pouvait pas vendre
un bien pour moins cher que ce même bien ne lui coûtait. Les
fermiers et agriculteurs refusèrent de planter et de vendre à
perte. Les biens se raréfièrent, et les épiceries furent
fermées ou vendues sur le marché noir (la même situation
se produisait au Zimbabwe 200 ans plus tard). En réponse à
cette situation devenue de plus en plus catastrophique, d’autres
révoltes éclatèrent.
Napoléon devint premier consul après son
coup d’état en 1799. Alors que ceci se produisit, personne ne
semblait y prêter attention. Les citoyens étaient
fatigués de 10 années de révolution, et avaient
simplement besoin d’un gouvernement stable. Napoléon nomma un
Sénat qui fut chargé de rendre ses décrets
légaux. En 1803, Napoléon vendit la Louisiane aux Etats-Unis
pour la modique somme de 15 millions de dollars (soit 3 centimes de
l’acre) dans le but de remettre sur pieds l’économie du
pays. En 1804, après cinq années de manœuvres politiques
et militaires, il s’autoproclama empereur de France et reçut les
pleins pouvoirs.
En 1803, Napoléon abolit le papier monnaie et
introduisit le franc germinal en tant que nouvelle devise. Cette nouvelle
devise contenait 0,29032 grammes d’or. La pièce d’or de
vingt francs contenait 0,1867 once d’or et fut monétisée
durant plus de 100 ans, jusqu’en 1915. La pièce de vingt francs
apportait à la France la stabilité économique dont elle
avait été privée depuis l’arrivée de John
Law sur la scène économique du pays. L’Union
Monétaire Latine fut réunie en 1865 et fixa une même
quantité d’or pour le franc français, le franc belge, le
franc suisse, la lire italienne et la drachme grec, ce qui apporta une
stabilité économique à l’ensemble de l’Europe
jusqu’à l’éclatement de la première guerre
mondiale.
Il fallut attendre l’arrivée au pouvoir
d’un dictateur pour restaurer l’ordre économique
grâce à une monnaie saine basée sur un étalon or.
Je me demande ce qu’il faudrait pour que ceci se reproduise
aujourd’hui ? Combien de temps devront-nous encore subir
l’inflation avant que quelqu’un ne se décide à
régler le problème en émasculant les banquiers et en
rétablissant une monnaie or ? A qui décideront-nous de
confier notre république en échange de la promesse de
l’abolition du chaos financier dans lequel nous ont plongé les
banques ? Soyez sûrs que les banquiers ne se rendront pas
facilement. Le pouvoir ne se voit jamais rendu sans un combat. Lorsque
j’en viens à parler de pouvoir, je me souviens du prince Salomon
qui disait que jamais rien n’est nouveau sous le soleil, que la nature
humaine ne change jamais. Un combat aux proportions épiques est sur le
point d’être déclaré. Comme le disait Marc Faber, ‘Optez pour le système fiduciaire,
achetez votre or et devenez votre propre banquier central’.
Larry Laborde
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