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‘La sécession est un
principe profondément Américain. Notre pays est né de la
sécession’.
~ Ron Paul
Les gauchistes et les
néoconservateurs que l’on entend dans les médias et qui
tendent à être d’accord avec le développement
d’un Etat police/militarisé/centré sur la protection
sociale, se sont montrés particulièrement outrés des
propos tenus par Ron Paul sur son site internet. En déclarant que la
sécession est un principe fondamentalement Américain, Ron Paul
faisait référence au fait que l’ensemble de 50 Etats des
Etats-Unis ont envoyé des pétitions de sécession
à la Maison Blanche.
Une réponse typique des
médias a été le commentaire prétentieux
d’un dénommé Robert Schlesinger,
fils d’Arthur Schlesinger, qui est en quelque
sorte l’éditeur d’opinion du journal en banqueroute US News. Ron Paul a
‘parfaitement tort’, s’est-il exclamé, avant
d’accuser l’homme du Congrès d’être un
excentrique qui serait bientôt oublié de tous. Les mauvaises
manières de Robert Schlesinger vont main
dans la main avec son ignorance complète de l’histoire des
Etats-Unis.
Ron Paul a tout à fait
raison lorsqu’il dit que les Etats-Unis sont nés de la
sécession. La guerre d’indépendance des Etats-Unis
n’était rien de plus qu’une guerre de sécession
contre l’Empire Anglais. Comme l’a écrit Jefferson dans la
Déclaration d’Indépendance, le juste pouvoir des
gouvernements émane du consentement des gouvernés et toutes les
fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le
peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et
d’établir un nouveau gouvernement.
Comment pourrions-nous
possiblement interpréter ce passage de la Déclaration autrement
que par la volonté des Etats-Unis d’être
séparés de l’Empire Britannique ? ‘Ces
colonies unies sont et ont le droit d’être des Etats libres et
indépendants, sont dégagées de toute obéissance
envers la Couronne de Grande-Bretagne, et tout lien entre elles et
l’Etat de la Grande-Bretagne doit être entièrement
dissout’.
Dans son discours inaugural,
Jefferson disait favoriser les tentatives de persuasion, contrairement
à Lincoln qui, lui, prônait une guerre totale contre les
citoyens Américains qui cherchaient la désunion : ‘S’il
y en a parmi nous qui souhaiteraient dissoudre cette union ou changer sa
forme républicaine, les laisser tranquille est pour des raisons de
sûreté la meilleure chose que l’on puisse faire. Il faut
tolérer les erreurs d’opinions et laisser la raison seule les
combattre’. Dans une lettre écrite le 29 janvier 1804 au Dr.
Joseph Priestly, à l’origine
d’une étude sur l’éventuelle sécession des
fédéraux de Nouvelle-Angleterre, Jefferson écrit :
‘Que nous demeurions une confédération ou formions une
confédération Atlantique et une confédération du
Mississippi, je suppose que notre bonheur n’en dépendra pas. Les
confédérations de l’Est seront nos descendantes au
même titre que celles de l’Ouest. Si les Etats-Unis venaient
à se dissoudre dans le futur, alors je me ferais un devoir de
défendre les intérêts de l’Est aussi bien que ceux
de l’Ouest et de prendre soin de cette grande famille de laquelle je
suis responsable’.
Dans une lettre datée
du 12 août 1803 et envoyée à John C. Breckenridge,
Jefferson écrit que si la Nouvelle-Angleterre parvenait à faire
sécession, il conserverait l’Etat dans l’Union s’il
le jugeait nécessaire, ‘et accepterait de s’en
séparer s’il en valait mieux ainsi’. Le 20 juin 1816, dans
une lettre à Mr. W. Crawford, Jefferson écrit que ‘si un
Etat de l’Union désire opter pour la séparation, alors je
n’hésiterai aucunement à la leur accorder’ (The
Writings of Thomas Jefferson, vol. 15, p.
27). Selon Jefferson, le droit à la sécession était
nécessaire aux Etats-Unis s’ils voulaient éviter la mise
en place d’un gouvernement tyrannique (et Robert Schlesinger
n’avait pas la moindre idée de ce qu’il voulait dire par
là).
John Quincy Adams pensait que
si un Etat voulait faire sécession, une Union meilleure pouvait
naître d’une séparation avec ceux qui ne désiraient
plus y appartenir (John Quincy Adams, The
Jubilee of the Constitution, p. 66). Dans
son livre De
la démocratie en Amérique (p. 381), Alexis de
Tocqueville observe que ‘l’Union a été
formée par un accord volontaire entre les Etats qui en
s’unissant ensemble n’ont pas abandonné leur
nationalité propre… Si l’un d’entre eux choisissait
de se retirer de cette Union, il serait difficile de lui refuser ce droit et
le gouvernement fédéral n’aurait aucune raison de
l’en empêcher que ce soit par la force ou par le droit’.
L’ennemi juré de
Jefferson, Alexander Hamilton, défendait le droit des Etats à
faire sécession simplement parce que forcer un Etat à rester
dans l’Union était un projet insensé et faisait
référence à un gouvernement ne pouvant exister que par
l’usage de l’épée, ce qui serait une abomination
morale (Jonathan Elliot, Debates in the Several State
Conventions on the Adoption of the Federal
Constitution, p. 232).
La deuxième
génération de sécessionnistes Américains
n’était pas composée d’Etats
confédérés du Sud mais de
confédérés de Nouvelle-Angleterre qui haïssaient
tant Jefferson qu’ils n’ont cessé de parler de
sécession durant plus de 14 ans. Leurs
efforts ont atteint leur apogée avec l’Hartford Secession Convention de 1814 (voir James Banner, To the Hartford Convention: The
Federalists and the Origins of Party Politics in Massachusetts). Une grande partie des idées de
sécessionnistes de Nouvelle-Angleterre est contenue dans
l’ouvrage d’Henry Adams, Documents
Relating to New-England Federalism. Dans son livre, nous pouvons
apprendre que, parmi leurs rangs, était présent le
sénateur des Etats-Unis Timothy Pickering, qui avait également
servi en tant qu’adjudant-chef sous les ordres de George Washington
durant la révolution et en tant que secrétaire d’Etat et
secrétaire de la guerre sous l’administration Washington.
En 1803, Pickering
annonça qu’une sécession de la Nouvelle-Angleterre le
pousserait à prendre part à la création d’une
nouvelle confédération, loin de la corruption et de
l’influence des aristocrates Démocrates du Sud. Le
Sénateur des Etats-Unis James Hillhouse a
également déclaré que ‘les Etats-Unis devraient
être dissouts pour que soit formé un nouveau
gouvernement’. George Cabot, Elbridge Gerry,
John Quincy Adams, Fisher Ames, Josiah Quincy et Joseph Story ont, entre
autres, fait part d’opinions similaires au début du XIXe
siècle.
Le gouverneur du Connecticut
Roger Griswold a proclamé qu’en raison
du pouvoir politique des Etats du Sud, les Etats du Nord ne pourraient pas
être en sécurité tant qu’ils feraient partie de la
confédération’. Le Sénateur Pickering a
également expliqué que la sécession était le
principe même défendu par la révolution des Etats-Unis et
qu’elle pouvait être achevée sans verser une seule goutte
de sang. Et il avait raison : le président Jefferson
considérait les sécessionnistes de Nouvelle-Angleterre comme
des membres à part entière de la grande famille
Américaine, et bombarder Boston, Providence et Hartford au nom de la
sauvegarde de l’Union est la dernière chose qu’il aurait
faite.
Les fédéralistes
de Nouvelle-Angleterre ont finalement décidé lors de
l’Hartford Secession Convention de 1814 de
rester dans l’Union. Au cours des quatorze années de
discussions, les fédéralistes de Nouvelle-Angleterre et les
Démocrates Jeffersoniens n’ont jamais cessé de croire que
leur adhésion à l’Union était volontaire et
qu’il était de leur plein droit de faire sécession sans
en demander la permission à un autre gouvernement.
Le troisième plus
important mouvement sécessionniste Américain est né au
sein de ce qui au milieu du XIXe siècle s’appelait les Middle
States – New York, New Jersey, Pennsylvanie, Delaware et Maryland. Dans
son livre The
Secession Movement in the
Middle Atlantic States,
l’historien William C. Wright décrit comment ces Etats, qui dans
les années 1850 représentaient 40% de l’économie
des Etats-Unis, ont formé ensemble un mouvement politique visant
à la création d’un nouveau pays. A la veille de la guerre
ayant empêché l’indépendance des Etats du Sud, ces
Etats ont demandé à ce que le Sud puisse faire sécession
en paix et à rejoindre la confédération ainsi
créée, ou de pouvoir former une nouvelle nation Atlantique.
A la veille de la guerre de
sécession des Etats du Sud, beaucoup pensaient encore que les
Etats-Unis étaient une Union volontaire entre Etats et qu'il serait un
crime de guerre et une abomination morale pour le gouvernement que de forcer
un Etat à demeurer dans l’Union. Northern Editorials on Secession, édité par Howard C. Perkins, décrit comment une majorité de
journaux des Etats du Nord préconisait une sécession pacifique
du Sud en 1860-61. Par exemple, le Bangor
Daily Union du 13 novembre 1860 indiquait que ‘l’Union
dépend du consentement libre des citoyens de chaque Etat, et lorsque
ce consentement n’est plus, l’Union doit être brisée’.
Le New York Journal of Commerce condamnait
l’esprit importun des ‘Yankees’ du Nord qui cherchaient
à contrôler les membres de leur propre communauté. Le New York Tribune publiait le 17
décembre 1860 un article clamant que ‘si la tyrannie et le
despotisme justifiaient la révolution de 1776, je ne vois pas pourquoi
ils ne pourraient pas justifier la sécession de cinq millions
d’habitants des Etats du Sud en 1861’. Le Democrat de Kenosha, Wisconsin, indiquait quant à lui le 11
janvier 1861 que la ‘sécession est l’expression de la
liberté, et appartient au peuple de chaque Etat’.
Ron Paul n’aurait pas pu
dire les choses plus brillamment.
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