Les sociétés de gaz et
de pétrole ont, tout au long de l’année dernière, eu de grandes difficultés à
s’adapter à la chute du prix du pétrole. Et les vents politiques et
financiers soufflent aujourd’hui une fois de plus dans la mauvaise direction
pour l’industrie, posant toujours plus de problèmes à une heure où seules
très peu de sociétés peuvent en adosser davantage.
Le forage de puits de
pétrole et de gaz coûte énormément d’argent. Pour les sociétés qui ont vu
leurs revenus diminuer en raison de l’effondrement du prix du pétrole,
l’accès au crédit est évidemment très important. Mais les régulateurs
financiers américains s’inquiètent de plus en plus d’une dette énergétique
dont la qualité ne cesse de diminuer. Un rapport
publié par la Federal Deposit Insurance Corporation, le Bureau du contrôleur
des devises et la Réserve fédérale a pris à parti le secteur pétrolier, et
conclu que le risque de crédit qui lui est associé augmente au travers des
Etats-Unis.
Il existe par exemple au
travers du secteur bancaire au moins 34,2 milliards de dollars de prêts dont
la note de crédit suggère un certain niveau de médiocrité, une qualité
douteuse ou une perte. Ces prêts ne représentaient que 6,9 milliards de
dollars en 2014. Pour dire les choses autrement, environ 12% des prêts aux
sociétés de gaz et de pétrole sont de mauvaise qualité.
La baisse du prix du pétrole
a réduit la capacité de certaines sociétés à rembourser leur dette. En
revanche, la supervision
accrue des régulateurs bancaires pourrait forcer les banques à prendre
des mesures correctives, afin de potentiellement réduire leur exposition aux
dettes énergétiques à risque. Voilà qui est loin d’être prometteur pour les
sociétés énergétiques. Un resserrement des conditions de crédit – qui pourrait
également être influencé par la hausse des taux par la Fed prévue pour le
mois de décembre – rendra les opérations de forage plus chères encore.
Sur la sphère politique,
la situation n’est pas plus réjouissante, et la semaine dernière a été
particulièrement éprouvante pour le secteur de l’énergie.
L’avocat général de New
York a d’abord demandé une enquête sur le cas d’ExxonMobil, accusée d’avoir
menti quant aux dangers climatiques. L’enquête fait suite à des rapports
publiés par InsideClimate News selon lesquels les scientifiques de la société
auraient été au courant de certains dangers climatiques depuis des dizaines
d’années, mais que les preuves scientifiques auraient été enterrées et de
l’argent dépensé pour mener de nouvelles recherches destinées à semer le
doute quant au danger potentiel.
Les critiques
d’ExxonMobil, dont trois candidats présidentiels et un nombre de plus en plus
important de membres du Congrès, ont appelé à une enquête par le Département
de la Justice. L’enquête demandée par l’avocat général de New York porte
l’affaire plus loin encore. L’avocat général Eric T. Schneiderman a ordonné
aux assignés à comparaître de fournir leurs bilans financiers, emails et
autres documents. L’enquête, comme
le dit le New York Times, cherche à savoir si « les déclarations de
la société à ses investisseurs quant aux risques climatiques jusqu’à cette
année vont de pair avec ses recherches scientifiques ». ExxonMobil a
confirmé réception de l’assignation à comparaître et était le 4 novembre
dernier toujours en train de formuler une réponse. Kenneth Cohen,
vice-président des affaires publiques d’ExxonMobil, a nié les accusations.
« Nous rejetons sans équivoque les accusations portées contre ExxonMobil
quant à la suppression des résultats de recherches climatiques ».
Le président Obama a
également rejeté le projet de pipeline Keystone XL le 6 novembre dernier, chose
qui ne devrait étonner que ceux qui ont coupé tout contact avec le monde
extérieur. La réaction immédiate devrait être d’observer les effets de cette
décision sur les marchés pétroliers, une analyse que l’on ne cesse plus de
marteler depuis sept ans. Au quatrième trimestre de 2015, il y a de bonnes
raisons de croire que ce rejet portera atteinte aux producteurs de sables
bitumeux en raison des capacités
de pipeline limitées. Les défenseurs du projet Keystone XL sont d’accord.
Joe Oliver, ancien Ministre canadien des ressources naturelles et Ministre
des Finances sous le Premier ministre Stephen Harper, a écrit
dans le Financial Post au sujet du besoin urgent en nouveaux pipelines.
Selon lui, les producteurs de pétrole canadiens perdraient 100 milliards de
dollars en quinze ans si aucun nouveau pipeline n’était construit.
L’atmosphère devrait s’alourdir davantage avec l’arrivée au Canada d’un
nouveau gouvernement qui a promis une enquête environnementale plus poussée
sur la question.
Mais les retombées
politiques de Keystone XL sont probablement plus significatives que ses
effets immédiats sur les marchés pétroliers. Le projet a été rejeté en raison
de ses émissions de gaz à effet de serre, et son rejet représente un
potentiel précédent pour les actions contre le réchauffement climatique. Le
monde pourrait un jour le percevoir comme la première d’une série de
décisions qui auront rendu plus raide encore la pente politique que devront
grimper les projets de production d’énergie fossile afin d’être acceptés. A
mesure que le coût des projets d’énergie alternative diminue, l’établissement
politique réalise que s’opposer à l’industrie de l’énergie n’est plus aussi
intimidant qu’autrefois.
Bloomberg a publié un graphique
assez flagrant qui montre que l’industrie a des années durant surestimé
ses perspectives de long terme. Au vu des développements de la semaine
dernière, qui ont inclus le lancement d’une enquête sur l’une des plus
grosses sociétés pétrolières du monde et le rejet du projet énergétique le
plus politisé de tous les temps, les problèmes de l’industrie de l’énergie
continuent de s’accumuler. Voilà qui devrait compliquer les futures fortunes
des sociétés de gaz et de pétrole.