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Shinzō Abe, le nouveau premier ministre
japonais, n’est pas pleinement satisfait de la décision de la
Banque du Japon d’augmenter de l’équivalent de 100
milliards d’euros ses achats d’obligations souveraines, et de reporter
à sa réunion de janvier l’éventuelle adoption
d’une nouvelle cible de 2 % pour l’inflation (se contentant de
l’accroître à 1 %). « Il faut abandonner les
vieilles méthodes, qui n’ont pas réussi à
combattre la déflation depuis plus d’une décennie »
a-t-il martelé, menaçant de faire adopter une loi remettant en
cause l’indépendance de la Banque si elle
n’obtempérait pas.
Le
financement d’un programme de grands travaux assuré, le premier
ministre veut aussi favoriser la dévaluation du yen pour relancer les
exportations japonaises. Le Japon, première victime de la
dévaluation compétitive du dollar qui résulte de
l’adoption d’un taux de 0 % par la Fed, s’engage dans la
même voie pour y résister. En favorisant un dollar faible, la
Fed cherche également à doper les exportations
américaines, quitte à ce que les monnaies des pays
émergents asiatiques et latino-américains en subissent le
contrecoup, affectant les exportations de ces pays. Ce que le gouvernement
brésilien a qualifié à de nombreuses reprises de «
guerre des devises ».
La
course à la dévaluation compétitive afin de relancer
l’économie vient de brutalement s’intensifier et va se
poursuivre. Ce qui a préventivement conduit le FMI a
tolérer l’adoption de mesures de contrôle des changes
provisoires par les pays qui en sont les victimes, remettant en cause un des
dogmes de la mondialisation. Car le danger serait que d’autres pays
s’engagent à leur tour dans cette compétition en baissant
leurs taux d’intérêt, générant à leur
tour une baisse des taux favorable aux investissements financiers et à
l’inflation du prix des actifs, en d’autres termes la
création d’une nouvelle bulle, déjà bien
entamée.
La
Banque d’Angleterre et la BCE participent également de ce
processus (cette dernière à sa manière), et
l’action conjuguée des banques centrales aboutit au
déversement d’un énorme flux de liquidités dans le
système financier. Mais les résultats d’une
dévaluation compétitive ne sont pas pour autant garantis. La
livre sterling a perdu environ 25 % de sa valeur sous les effets de la
politique d’assouplissement monétaire de la Banque
d’Angleterre, mais le déficit commercial n’a cessé
de progresser. D’autres facteurs déterminent la
compétitivité des exportations d’un pays, une question
que les dirigeants européens devraient étudier, qui fondent
l’amélioration de celle-ci sur la diminution du coût du
travail. La récession atteignant les pays européens est
également un puissant frein à l’exportation pour de
nombreux pays, dont le Royaume-Uni, dont ce sont les principaux clients.
D’un
côté les banques centrales injectent des masses de
liquidités, de l’autre l’Union européenne et les
États-Unis s’engagent difficilement dans des stratégies
de désendettement dans un contexte de récession. La résultante
est indécise et peut pencher soit du côté de la
déflation, soit de celui de la stagflation. Mais quoi qu’il en
soit, les objectifs de relance de l’économie à partir de
dévaluations compétitives dont les effets tendent à
s’annuler n’ont que peu de chances d’être atteints.
Aboutissant à ce que la guerre des devises produise ses ravages sans
aboutir à une victoire, pour avoir soigné le mal par le mal.
Les
gouvernements attendent des banques centrales des miracles tandis que
celles-ci expliquent qu’elles ne peuvent pas tout faire. Ni les uns ni
les autres n’ont en réalité en main les clés qui
permettraient de sortir de cette crise, ayant comme horizon que tout
redevienne comme avant.
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