Les Etats-Unis ressemblent de
plus en plus à la France à l’aube de la révolution de 1789. Les classes
sociales y sont distribuées différemment, mais les inégalités y sont tout
aussi prononcées. L’aristocratie américaine, autrefois strictement basée sur
les comptes en banque, devient de plus en plus héréditaire à mesure que la
progéniture insignifiante des stars de la politique, du show-biz, des
affaires et des arts font valoir leurs prérogatives de célébrité, de pouvoir
et de richesse – pensez-vous que les électeurs n’ont pas saisi le caractère sinistre
du message de Mme C’est-mon-tour ?
Ce qui est particulièrement
frappant, ce sont les similarités qui existent entre la cour des Bourbons et
l’ignorance absolue de l’élite américaine au regard de l’agonie des masses
qui grouillent en-dessous d’elle, loin des villes côtières. Tout ce qui leur
était cher leur a été volé, bien qu’il leur reste encore beaucoup des emblèmes
matériels de leur existence : un toit, des semblants de nourriture, des voitures,
et des écrans de toutes les tailles.
Mais les endroits où tous ces
gens sont supposés vivre sont aujourd’hui en délabrement – les premières petites
villes des Etats-Unis – ou ont été remplacées par de nouveaux « développements »
si dépourvus d’histoire, de caractère et de charme qu’il est impossible d’y
vivre en communauté, et que l’idée même de « foyer » y prend des
airs de mauvaise blague.
Ces endroits étaient déjà dans
un état suffisamment déplorable dans les années 60 et 70, quand les gens qui
y vivaient étaient encore capables de trouver du travail dans les chaînes d’assemblage
et de distribution. Aujourd’hui, ils n’ont même plus de quoi donner du sens à
leur existence, ou même en couvrir les coûts. Dans les banlieues conçues pour
l’automobile, les espaces publics n’ont pas leur place, et ce qui en reste
aujourd’hui a été remplacé par de tristes ersatz, des centres commerciaux à l’agonie.
Tous les autres aspects de la vie publique et d’association ont été entassés
dans une sorte de boîte informatique équipée d’un écran.
Les masses de gens précaires n’ont
pas appris la grande leçon de notre temps, qui veut que le virtuel ne soit
pas un substitut adéquate pour l’authentique, alors que les élites qui créent
ce fatras vicieux dépensent des millions pour se rencontrer en personne dans
les Hamptons et à Martha’s Vineyard, pour se dire les uns aux autres combiens
ils sont merveilleux et combien nous leur sommes redevables pour nous avoir
fourni toute cette programmation sociale artificielle et tous ces appareils
scintillants.
Les effets de cette dynamique
ont jusqu’à présent été puissamment soporifiques. Il est possible de priver
les gens d’un véritable foyer pendant un temps, de leur fournir, au travers
du petit écran, des amis virtuels sur lesquels projeter leurs émotions, et de
les inciter à acheter une voiture grâce à une escroquerie financière
quelconque pour qu’ils continuent de tourner en rond stupidement dans un
paysage profané, croyant encore aller quelque part – mais nous en sommes
arrivés à un point où les gens ne peuvent même plus assumer les coûts de leur
dépendance à ces conditions dégradantes.
Le prochain grand évènement qui
viendra les divertir sera l’implosion financière des élites, à mesure que les
forces de la physique reverseront enfin les ruses et les stratagèmes de ceux qui
ont joué aux cartes avec notre monnaie. Les observateurs professionnels ne se
lassent pas de nous dire que le gouvernement ne pourra jamais manquer d’argent
(parce qu’il pourra toujours en imprimer davantage), mais il pourra certainement
en détruire la valeur ainsi que la confiance consensuelle qui permet à sa
devise d’opérer en tant que monnaie.
Et c’est exactement ce qui est
sur le point de se passer à la fin de l’été, quand le gouvernement n’aura
plus de sous et que le Congrès se trouvera incapable de répondre au problème
du plafond de la dette venu bloquer tout nouvel emprunt. Les élites seront
alors certainement rentrées des Hamptons et de Vineyard, et les étés
pourraient pour elles ne plus jamais être les mêmes.
Le Deep State pourrait gagner
cette guerre contre le très pathétique président Trump, mais il ne gagnera
pas la guerre contre les impératifs de l’univers et la manière dont il s’exprime
dans la valeur de toute chose. Quand le moment sera venu de clarifier la
situation – le moment de la découverte des prix – les élites ignorantes
devront véritablement commencer à s’inquiéter pour leurs têtes.