Hamilton
Bertie “Tony” Gibson (1914-2001) était un anarchiste britannique,
un objecteur de conscience (ce pour quoi il a été emprisonné) et un
psychologue. Gibson a écrit Youth for Freedom (1951), un pamphlet
provocateur. A partir de son travail, nous pourrions extraire une théorie
expliquant la violence à l’école, un phénomène qui est international et ne se
limite pas qu’aux Etats-Unis. Puisqu’elle est internationale, la violence des
jeunes ne peut être expliquées par les moyens de violence utilisés, comme les
armes à feu, les clubs de golf, les couteaux, les pierres, les lances, le
feu, ou quoi que ce soit d’autre.
La
théorie de Gibson peut être partiellement développée comme suit. Les enfants
ont un certain ensemble de comportements qui se développent naturellement chez eux, instinctivement,
pourrait-on dire. S’ils sont autorisés à mener une enfance qui leur permet de
vaquer et de vivre au travers de ces instincts, ils deviennent plus tard des
adultes très inhabituellement agressifs. Mais si les adultes imposent aux
enfants un mode de vie qui aille trop à l’encontre de ces instincts, ils garderont
ces instincts féroces et agressifs jusqu’à la vie adulte, plutôt que de leur
donner cours pendant leur enfance. Ces adultes ont l’air d’adultes et
agissent en adultes mais retiennent leurs instincts et leurs comportements
d’enfants. Comme il le dit, « les jeunes hommes qui pilotent des avions
de chasse et dévastent des villes le cœur léger sont simplement des êtres
névrotiques qui ont dû attendre la vingtaine pour pouvoir exprimer leurs
instincts d’enfant ». Il écrit plus loin que « les enfants qui
grandissent dans un environnement de gratification de leurs instincts tout au
long de leur développement ont plus de chances de devenir des adultes
équilibrés à un jeune âge et donc de résister la demande de l’Etat en matière
de service militaire ».
Plus
une culture (notamment au travers des écoles publiques) tente de supprimer
des comportements modérément agressifs ou simplement physiques qui sont
singuliers aux enfants et les force de se comporter en adultes de manière à
trop les restreindre, plus ils ont de chances de présenter des signes
d’agression en tant qu’adultes. Donner des médicaments aux enfants pour
supprimer leurs activités ou tendances ne fait qu’augmenter leur risque de
devenir des individus violents, non seulement par l’aspect physique des
médicaments, mais par des réactions psychologiques au système de contrôle
comportemental. Les mêmes conséquences découlent chez les garçons que l’on
empêche d’agir en garçons en contrôlant les jeux bruts, les bagarres, les
poussées et les sports. Les enfants ont besoin d’être libres de jouer avec
d’autres enfants, de crier, d’être grossiers et de s’adonner à toutes formes
d’activités. Ils ont besoin d’être libres de se déplacer d’eux-mêmes. On ne
devrait pas les empêcher d’apprendre à utiliser une mitraillette ou un arc et
des flèches si c’est ce qui leur plaît. Les jeux vidéo pourraient être une
forme de substitution pour ce genre d’activités, bien que j’en doute
fortement.
La
base de cette théorie est l’observation de Gibson selon laquelle les enfants
sont plus faibles que les adultes, et que pour survivre en tant que faibles
sous des règles d’adultes, ils développent des comportements propres aux
enfants. « Les enfants peuvent être grossiers mais ne sont pas vraiment
des animaux sociaux ; et lorsqu’ils sont en bonne forme physique et
mentale, ils peuvent être agressifs au point de devenir féroces et capables
de choses que les adultes normaux perçoivent comme anormales. Les enfants
sont égocentriques, et l’amour qu’ils portent aux autres est différent de
l’affection qu’un adulte peut ressentir pour une autre personne ».
L’agression
chez les adultes et l’approbation des agressions commises par l’Etat sont,
selon cette théorie, générées par des systèmes sociaux au sein desquels les
adultes contrôlent excessivement les enfants. Puisque les écoles publiques
exercent ce pouvoir, elles produisent plus d’adultes qui apportent leur soutient à l’Etat, pas seulement en les endoctrinant ou
réécrivant l’Histoire, mais par des moyens psychologiques qui les rendent
confortables avec l’idée d’agression et d’immoralité.
« Les
moralistes sociaux qui éduquent leurs enfants avec les meilleures intentions
du monde selon un code de conduite idéalisé par les adultes sont à blâmer
pour l’immoralité suprême du comportement adulte.
L’Etat,
dans sa recherche de domination totalitaire, joue de plus en plus le rôle
d’un adulte hypocrite et répressif qui contrôle une masse d’enfants. Sous
tous les aspects de l’interférence de l’Etat avec la liberté, nous pouvons
voir un père pompeux, le bras de l’enseignement ».
La violence des enfants ne peut être expliquée par
les armes, parce qu’elle est internationale et n’implique pas toujours des
armes. Il existe d’autres théories que celle de Gibson qui tentent
d’expliquer la violence à l’école. Certaines s’y opposent directement en
expliquant que l’agression présentée par certains enfants n’est pas une forme
de jeu de laquelle les enfants peuvent sortir en grandissant. Elles
expliquent que l’agression est une chose qui s’apprend et doit être combattue
d’une manière ou d’une autre par les adultes. Mais si c’était vraiment le
cas, pourquoi les Américains et tous les autres qui font l’expérience de la
violence à l’école voient cette dernière accroître à mesure qu’ils essaient
de la supprimer ?
J’estime que la théorie de Gibson a du mérite. Lorsque
nous observons la violence à l’école, nous observons aussi la société qui
contraint les écoles, qui impose toujours plus de règles, cherche à féminiser
les garçons et tente de supprimer les comportements les plus modérément
agressifs, même verbaux. Des quantités accrues de médicaments sont
administrées aux enfants pour les calmer, ce qui met un frein au
développement naturel de l’enfance. Dans l’espoir vain de réduire la violence
entre personnes, nous l’encourageons. Pire encore, nous produisons aussi des
adultes confortables avec la violence et l’agression perpétrées par l’Etat.