Le 1er mars dernier, tous les voyants de France fêtaient les 22
ans de dépénalisation de leur profession. Une tolérance désormais affichée
par les pouvoirs publics pour un marché représentant 3 milliards d’euros par
an… et surtout de précieuses rentrées fiscales.
Certains pensent qu’il s’agit d’abus de faiblesse
légalisé, d’autres soutiennent que cela répond à un vrai besoin du public et
qu’on devrait même lui reconnaître un statut d’utilité publique. En tout état
de cause, et quel que soit son opinion sur le sujet, il n’en demeure pas
moins que le marché français de la voyance représente plus de 3
milliards d’euros par an, soit un peu mieux que le jeu vidéo, toutes consoles confondues
!
Un marché sous-estimé
Et encore, cette somme ne comprend que les montants déclarés par les
professionnels de l’occultisme qui ont choisi de formaliser leur activité à
travers un statut d’entreprise classique. Dans la pratique, nombreux sont
encore les médiums de salon, les cartomanciennes de quartier ou encore les
marabouts sénégalais non immatriculés qui encouragent leurs
clients à les payer en espèces pour éviter les tracasseries
administratives. Autant de règlements en liquide qui passent entre les
mailles du filet déclaratif, si bien qu’on en arrive légitimement à se dire
que ce qui est le plus occulte dans ce milieu, ce sont les rémunérations. On
estime ainsi que la réalité économique du business paranormal serait en
réalité bien plus proche des 5 milliards d’euros par an.
Une absence de reconnaissance légale compensée par une reconnaissance…
fiscale
Mais quelle est exactement la définition légale de cette profession si
particulière ? En réalité, il n’y en a pas car, si l’État a bien
dépénalisé en 1994 “l’art de prédire l’avenir”, il n’a pas pour
autant donné de cadre légal précis aux métiers de l’occulte. Et pour cause,
car cela aurait pu être considéré comme une forme de reconnaissance des
prétendus pouvoirs dont se prévalent les voyants. Néanmoins, l’administration
fiscale considérant désormais les recettes des professions liées au
paranormal au même titre que celles de n’importe quel autre prestataire de
services (le pragmatisme économique l’emporte sur la protection des
citoyens naïfs), le Droit français accorde de fait une sorte de
reconnaissance officielle à ces “conseillers” d’un genre particulier. Au
point que, même si tout le monde s’accorde à dire qu’on frôle le plus souvent
l’abus de faiblesse, personne ne se risquerait aujourd’hui à
voir dans ces activités des faits susceptibles d’être qualifiés
d’escroquerie.
Des professions rentables qui surfent sur la crise
Par conséquent, la voyance prospère au grand jour et les nombreux salons
qui se tiennent un peu partout en France mois après mois témoignent de la
bonne santé de ce marché qui ne connaît pas la crise. Ou plutôt, qui la
connaît particulièrement bien puisqu’elle constitue justement son fonds de
commerce. En effet, avec plus 15 millions de consultations déclarées
par an, les voyants, médiums et autres consultants occultes gagnent
d’autant mieux leur vie que leur clients s’inquiètent pour la leur. On estime
à 100 000 le nombre de professionnels de l’occulte en France, qui gagnent
en moyenne entre 1000 et 6000 euros par mois (avec des tarifs
variant de 60 à 300 € par séance selon la discipline).
Une clientèle fragile plus facile à capter sur Internet
Pour autant, l’essentiel de la clientèle est très largement
féminine (80%) et ses demandes couvrent majoritairement la sphère
sentimentale. Une cible désormais beaucoup plus facile à toucher grâce à
Internet. Ainsi, une entreprise d’affiliation internet pour les services
télématiques avait très sérieusement décrypté le marché pour expliquer aux
futurs voyants franchisés que “la cible reste la ménagère de 25 à 55 ans
qui consulte pour des problèmes sentimentaux“. Et d’ajouter sans
complexes : “Plus vous compliquez votre communication, en proposant par
exemple des services annexes ou des spécificités, et moins ça fonctionne,
croyez-en notre expérience ! La demande est axée essentiellement sur les
problèmes de cœur, de couple et professionnel/financier, avec toutes ses
déclinaisons en fonction des âges et de la situation de chacun“.
Enfin, puisqu’on évoque Internet, il est devenu LE média incontournable
pour le développement de ces activités ultra-rentables, puisqu’il permet non
seulement de “démocratiser” l’occulte sur une plus large zone de chalandise
mais qu’il offre en plus une certaine confidentialité, voire un relatif
anonymat à celles et ceux qui n’osaient pas consulter jusqu’ici. Certes, le
Net favorise aussi les arnaques et les faux mediums se
multiplient sur la toile, attirés par l’argent facile et la simplicité des
démarches pour se déclarer voyant : un simple statut
d’autoentrepreneur suffit. Reste à savoir distinguer un vrai voyant
d’un faux…