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Pendant sa
campagne, François Hollande avait promis un petit coup de pouce au
salaire minimum. Le premier ministre en a confirmé le principe, sans
donner de chiffrage précis. On peut toutefois s’attendre
à une augmentation plus timide que les 1700 euros promis par Jean-Luc
Mélenchon. Pourtant, s’il suffisait simplement d’augmenter
le salaire minimum pour que les pauvres s’enrichissent et que le
pouvoir d’achat des Français s’améliore, on se
demande pourquoi aucun candidat ne propose de fixer une bonne fois pour toute
le SMIC à 4000 euros par mois.
On peut en
rire, mais le problème est sérieux. Chaque
« revalorisation » du salaire minimum
génère en réalité une hausse du chômage,
dont le coût pèsera mécaniquement sur
l’activité, alourdissant les charges, et pénalisant
d’autant une compétitivité déjà moribonde.
Cette hausse
structurelle du chômage s’explique simplement : Un employeur
ne peut embaucher une personne que si le produit de son travail a plus de
valeur que le salaire qu’il doit lui verser. Ainsi, en imposant un
salaire minimum, le législateur ferme l’accès à
l’emploi à tous les travailleurs dont la valeur de la production
est inférieure à celle du salaire minimum, charges sociales
incluses. Cette exclusion se fait donc au détriment des travailleurs
les moins qualifiés et les moins productifs.
Dans une étude
réalisée pour l’Institut
Economique Molinari, Guillaume Vuillemey illustre cet effet pervers de
l’augmentation du SMIC avec des exemples édifiants. La situation
de Porto Rico au sortir de la seconde guerre mondiale, qui adoptant les lois
relatives au salaire minimum américain, a vu disparaître 44% de
ses emplois industriels en dix ans. Ou encore l’Allemagne, où la
réglementation du travail ne prévoit pas de salaire minimum,
qui en décidant d’instaurer un salaire minimum dans le secteur
postal, a vu disparaître 5760 emplois dans la seule entreprise Pin
Group, car il n’était plus possible de les payer à
l’ancien salaire, et qu’il n’était pas rentable de
les payer au nouveau salaire minimum légal.
D’autres
effets sont malheureusement prévisibles.
- La
précarisation des travailleurs les moins qualifiés, qui pour
contourner le salaire minimum devront s’orienter vers
l’intérim, le travail au noir, ou les stages pour
étudiants. Ils ne sont donc pas gagnants au niveau du salaire, et
franchement perdants au niveau du statut, qui les cantonne aux formes
d’emplois parallèles et précaires.
- Et par
ailleurs, on assiste à l’accélération de la
mécanisation des tâches à faible valeur ajoutée.
Il ne faudra donc pas s’étonner, avec l’augmentation du
SMIC, de voir disparaître dans les supermarchés les
dernières caisses humaines au profit des lecteurs de code barre
à balance, et les derniers guichets en bornes tactiles. Il n’y a
d’ailleurs rien de choquant en soi dans ce genre de mutations, mais il
est fâcheux qu’elles soient le résultat d’un
surcoût de la main d’œuvre et non d’une adaptation
progressive des pratiques et des besoins.
Une fois de
plus, la bonne intention (en l’occurrence, améliorer le pouvoir
d’achat des salariés) est en réalité un lent
poison, qui exclut les moins formés et les moins productifs du
marché du travail. La meilleure façon de lutter contre la
précarité passe par l’existence de petits emplois, qui
permettent à ceux qui n’ont pas beaucoup d’atouts de
trouver malgré tout une place. En attendant, selon la formule
d’Alain Matthieu, si nous n’acceptons pas de le faire
évoluer vers la liberté et la responsabilité
individuelle, notre modèle social restera bel et bien un modèle
profondément anti-social.
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