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On parle beaucoup aujourd'hui des
« monnaies » et, en particulier, de la « jeune »
monnaie dénommée «euro » après avoir mis un
long temps à en parler comme si l'ajustement mondial en cours depuis
des années n'aurait pas eu de relation directe avec celles-ci.
Je m’en étonnais il y a près de trois ans dans ce billet
intitulé "Motus et bouche cousue sur l'euro"
1. Ecrivons peu,
écrivons bien...
Mais, d’abord, on devrait parler des « monnaies
réglementées » nationalement, régionalement, ou
internationalement... sauf à identifier, sans le dire, comme une
évidence, monnaies et monnaies réglementées.
Les monnaies non réglementées n'existent plus aujourd'hui.
Elles sont à la merci des hommes de l'Etat et de leurs banques
centrales depuis au moins le XXème siècle.
Ensuite, on ne devrait plus employer le mot « monnaie » !
L'évidence est fausse.
Depuis la décennie 1930 et l'interdiction de la convertibilité
« intérieure » des substituts de monnaie bancaires –
billets et dépôts bancaires – en monnaie or ou argent,
à la demande et à un taux fixe, prise par les hommes de l’Etat
de par le monde, "billets et dépôts bancaires" sont
des « substituts de rien », du « néant
habillé en monnaie » pour reprendre l'expression que Jacques
Rueff avait forgée pour désigner la monnaie institutionnelle
que le Fonds monétaire international avait reçu l'autorisation
d’allouer au début de la décennie 1970, à savoir
les Droits de tirages spéciaux (D.T.S.) – cf. ce billet
intitulé "Plus çà
change, plus c'est pareil" - .
Restent certes les « pièces de monnaie », bien
dénommées.
Mais elles ne s'échangent pas internationalement et leur valeur
faciale est supérieure aux prix d’échange qu'on pourrait
tirer de la fonte de l'alliage dont elles sont faites : en d'autres termes,
elles ont « cours forcé » et c’est pourquoi elles ne
sont pas échangeables internationalement.
Soit dit en passant, la loi Glass Steagall –
juin 1933 (1) - qui a commencé à devenir fameuse en France,
depuis son abrogation en 1999 - est concomitante avec l’interdiction de
la convertibilité intérieure des substituts de monnaie
bancaires libellés en "dollar des Etats-Unis" en monnaie or,
prise en mars 1933 par le président des Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt (F.D.R....).
(1) « The first Glass-Steagall Act of 1932 was enacted in
an effort to stop deflation, and expanded the Federal Reserve's ability to
offer rediscounts on more types of assets, such as government bonds as well as
commercial paper.
The second Glass–Steagall Act (the Banking
Act of 1933) was a reaction to the collapse of a large portion of the
American commercial banking system in early 1933.
Literature in economics usually refers to this latter act simply as the Glass–Steagall Act, since it had a stronger impact on US
banking regulation.» (wikipedia anglais)
Ce point est rarement évoqué... Pourquoi ? Je vous laisse
deviner la réponse.
Je préfère insister sur le fait que les décisions
d'interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie
bancaires en monnaie or de la décennie 1930, décennie d'un
socialisme triomphant en particulier sur la dénaturation de la pensée
de Vilfredo Pareto, ne sont que des réactions
réglementaires à la "mauvaise conjoncture", de
prétendus remèdes qui, en vérité, ne font que
s'inscrire dans la ligne de l'accord international de Gènes (1922),
cf. par exemple ce billet intitulé "D'une quarantaine monétaire à l'autre",
mais il y a en a d'autres.
2. Conséquences de
l’interdiction de la convertibilité.
A qui a profité le crime de l’interdiction de la
convertibilité?
Aux ignorants … qui ont pu ainsi appeler « chat » un
chien... , abuser les honnêtes gens et les amener à croire,
comme c'est le cas aujourd'hui, qu’ils ont, dans la poche ou sur leur
compte bancaire, de la monnaie.
A ceux qui ont pensé pouvoir tirer les ficelles de la situation.
Par exemple, les dirigeants de l’institution internationale qui a
été créée par les accords monétaires
internationaux dits "de Bretton-Woods" en
1944 et qui aurait dû disparaître en 1971, au moment de la dénonciation par le président des
Etats-Unis de ces mêmes accords, à savoir
l'inconvertibilité « extérieure » des substituts de
monnaie bancaires nationaux en monnaie or, dénonciation qui
était la preuve que l'institution n'avait pas mené à
bien sa mission.
Par exemple, les dirigeants des Etats des pays de la zone « euro
» qui ont agi de façon à substituer à leurs
monnaies nationales respectives, effets de l’histoire…, à
partir du 1er janvier 1999 une monnaie régionale construite de toutes
pièces dénommée « euro », sans
précédent, dans le but de créer un Etat européen
comme si une telle entreprise eût pu avoir un début de
commencement de réalité (cf. billet intitulé "Vers une manipulation financière de trop")..
Il s'ensuit que ce qu'on dénomme aujourd’hui « monnaie
» n'est plus ce qu'on dénommait « monnaie » au
début du XXème siècle – alors que ce qu'on
dénommait alors « monnaie » était presque identique
à ce qu'on dénommait « monnaie » un siècle plus
tôt, voire antérieurement. Attention donc aux comparaisons
inter temporelles et aux anachronismes.
Parler des "monnaies" aujourd'hui est purement et simplement un
abus.
En d’autres termes - certes … théoriques et peu
employés -, ce qu’on dénomme « monnaie »
aujourd’hui n'est plus le grand processus qui avait contribué
à la diminution du coût des actes d'échange de vous et
moi, ni, si on préfère, la manifestation d'un aspect de la loi
de l'économie qu'elle était et aurait dû le rester.
3. Pitié pour les
banques de second rang.
Pire peut-être que l’interdiction de la convertibilité, il
y a maintenant la cause du sort que connaissent les banques dites « de
second rang » du fait de leur gestion "actif-passif".
Les banques émettrices de monnaie dans le passé sont en effet
aujourd’hui des banques centrales privilégiées qui
émettent des billets – billets qui relèvent donc du
« néant habillé en monnaie » - et, à
concurrence des dépôts reçus, des banques de second rang
assujetties à ces banques centrales.
Il s’avère qu’après « s’être fait
avoir » par les produits financiers conséquences des lois
américaines sur les créances hypothécaires dites «
subprime
», les banques de second rang se voient mises en difficulté par
les créances dites « souveraines ».
Ces placements a priori
« de bonne mère de famille » en créances sur
certains Etats des pays de la zone « euro »
s’avèrent aussi pourris que l’ont été
– et le sont encore car l’affaire n’est pas terminée
– les créances « subprime
» ou les produits structurés assis sur ces dernières.
« A qui se fier ? », les dirigeants de ces banques doivent-ils se
demander ?
4. Un grand merci au
marché financier.
Il en est ainsi car le marché financier n’accepte plus de
prêter aux Etats aux conditions qu'il avait pratiquées
antérieurement étant données son évaluation de
leur présent et surtout son évaluation de leur avenir.
En vérité, l’interdiction de la convertibilité et cette
prise de position du marché financier sont intimement liées et
leur succession logique.
Si la convertibilité n’avait pas été interdite,
jamais les Etats n’auraient pu accumuler les déficits
qu’ils ont accumulés.
Le marché de la monnaie – « marché des changes
» - se serait chargé de rappeler à l’ordre les
Etats prodigues qui auraient présenté quelques déficits
consécutifs en faisant pression sur le taux de change de leur monnaie
nationale – et la pression se serait résolue par une
dévaluation -.
Ce fut le cas au moins jusqu'à 1971.
Avec la convertibilité interdite tant intérieurement (depuis la
décennie 1930) qu’extérieurement (depuis le début
de la décennie 1970), les hommes de l’Etat ont crû
qu’ils pourraient abuser autant qu’il leur plairait et cela
d’autant plus que le marché financier connaissait de grandes
innovations.
Ce fut une grosse erreur, une de plus…
Ainsi, au’au lieu que ce soit le
marché de la monnaie qui les rappelle à l’ordre,
c’est le marché financier qui s'en charge.
Et les premiers dindons sont les banques de second rang : "information
ordonnée commence par soi-même", n'est-ce pas.
Et les provisions qu’elles doivent constituer pèsent sur leur
activité et donc sur ce qu'il est convenu de dénommer
«monnaie».
A cette occasion, que certains hommes de l’Etat ou de la classe
politique critiquent les banques tient autant de la merveille, d'une farouche
hypocrisie que d’une ignorance crasse.
Qu’auraient-ils dit, quelles nouvelles réglementations
auraient-ils trouvé le moyen de pondre si les banques n’avaient
pas souscrit aux emprunts d’Etat à long terme ?
Rappelons en passant qu'en France, c'est depuis mai 1972 que les banques
peuvent souscrire à ce type d'emprunt. La décision en
avait été prise suite au rapport "Marjolin-Sadrin-
Wormser" qui conseillait de décloisonner les marchés -
marché boursier des obligations, marché monétaire -, les
actions de la Banque de France et les activités des
établissements financiers.
5. La
réalité.
L’interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie
bancaires en monnaie or et l’instauration d’un néant
habillé en monnaie dénommé différemment selon le
monopole privilégié qui s’en occupe (« monnaie euro
», « monnaie dollar des Etats-Unis », « monnie yuan renminbi », etc.) sont en
définitive la cause de la situation actuelle qui, elle-même,
ponctuellement, n’est jamais qu’une situation de plus dans la
longue série commencée depuis lors, à cause de
l’interdiction.
Grande différence avec les précédentes : le rôle
tenu par le marché financier.
Il montre que la situation n’est pas une crise monétaire, mais
d'abord un vaste capharnaüm monétaire.
C'est lui qui va y mettre de l'ordre.
Comment va-t-il y procéder ? La réponse sera l’objet
d’un prochain billet.
Georges Lane
Principes
de science économique
Georges
Lane enseigne
l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié
avec l’aimable autorisation de Georges Lane.
Tous droits réservés par l’auteur
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