Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Il est des sujets qui sont tellement sensibles que nous
préférons tous ne pas les aborder. Ne pas en parler. C'en est
presque interdit.
Au Contrarien Matin, nous pensons que nous
devons pouvoir parler de tout. Poser certains constats, c'est aussi commencer
à pouvoir y apporter une réponse.
Nous pensons également que nous pouvons parler de tout, si nous
en parlons factuellement et sans provocation. Cet article
va certainement choquer.
En réalité, ce qui est choquant ne sera pas tant ce que
vous lirez que les conclusions ou les hypothèses que nous pourrions en
tirer.
Ce que nous ne voulons pas voir, d'autres, qui nous regardent, le
voient pour nous. Nous ferions mieux, tant qu'il en est encore temps,
d'écouter ceux au-delà de nos frontières qui nous
observent et ont de nous une image que nous refusons de voir.
Si vous êtes une âme sensible, cet article ne sera pas
pour vous.
Si vous souhaitez dormir tranquillement, cet article n'est pas pour
vous.
Si vous souhaitez poursuivre votre rêve d'une économie
saine où tout va bien, cet article n'est pas pour vous.
J'écrivais il y a quelques mois dans un article intitulé
"Messieurs les Allemands, sortez les premiers" le texte suivant.
« La fin du "business model" des
États-providence
Les états européens, en
particulier français, sont bâtis sur l'idée
d'état-providence. La "providence" signifie que le cours des
événements est issu de l'action bienveillante d'une puissance
divine (généralement Dieu). En l'occurrence, la puissance divine qui veille sur
nous de la crèche au cimetière, c'est l'État.
L'État qui, à travers les allocations familiales, les pensions
de retraite, la sécurité sociale, Pôle emploi, le RSA,
les aides au logement, la CMU, est là pour prendre soin de nous.
À tous les niveaux, il existe des "amortisseurs sociaux".
La fin du business model de
l'État-providence signifie la fin inéluctable de l'ensemble de
ces aides. C'est cela la rigueur, sans la planche à billets pour
l'adoucir.
Or la société française, par
son hétérogénéité, ne pourra en aucun cas
supporter une cure d'austérité à la grecque. Nos zones
sensibles vivent pour beaucoup de la solidarité nationale. A cette
problématique financière se rajoutent des problématiques
communautaristes (cf. rapport officiel 2011 de
l'Observatoire des Zones Urbaines Sensibles,
www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_onzus_2011.pdf). Lorsque
les tensions s'exacerbent, l'histoire humaine prouve que les
modérés ne l'emportent jamais.
Les fragilités de la société
française ne sont pas celles de la société allemande.
Pour notre pays, le coût social d'une austérité brutale
risque d'être insupportable et de mener à des problèmes
intercommunautaires insurmontables. »
C'était
en décembre 2011... Une éternité
Cet article date de décembre 2011. A cette
époque, l'affaire « Merah »
ne s'était pas encore produite. A cette époque, Nicolas Sarkozy
était président de la République. A cette époque,
nous refusions d'imaginer que la rigueur puisse devenir une
réalité. Nous refusions ne serait-ce qu'un instant d'imaginer
que la situation de la Grèce pouvait être un avant-goût de
ce que nous pourrions connaître. Après tout
les Grecs, eux, l'avaient bien cherché !
Le
sociologique et l'économique sont indissociables
Celui qui ne regarde dans l'économie que les chiffres, les
statistiques financières, les cours de bourse ou même les niveaux
d'endettement ne pourra jamais avoir une vision pertinente d'une
économie s’il ne s'intéresse pas aussi aux aspects
sociologiques ou sociétaux.
La situation économique syrienne était plutôt
très favorable il y a encore quelques mois. Le prix de l'immobilier
à Damas ou a Alep aurait surpris plus d'un
Français par ses niveaux plus que comparables aux nôtres. La
guerre en Irak, qui a poussé de très nombreux irakiens à
l'exil, a fortement contribué d'ailleurs à cette augmentation
des prix de l'immobilier.
Aujourd'hui, la Syrie est un champ de ruines, un pays ravagé
par la guerre civile. Les causes de ce chaos sont d'ordre sociologique et
politique et l'économique y est pour bien peu de chose.
Vous me direz sans doute, mais quel est le rapport entre la Syrie et
la France. Je vous répondrai aucun, mais cela
ne va pas vous rassurer longtemps. S’il n'y a aucun strictement aucun
rapport entre ces deux pays, il y a une constante historique applicable
à toutes les nations du monde.
Un pays est stable jusqu'à ce qu'il
devienne instable et retrouve une stabilité.
La
montée des tensions
Il y a deux ans, Angela Merkel disait que le
modèle du multiculturalisme était un échec.
Exprimé par la Chancelière allemande, ces propos ne sont pas
anodins. Loin de là. Ils sont mêmes porteurs d'une grande
menace.
L'affaire du film L'innocence
des musulmans a remis le feu aux poudres et propulsé mondialement
à la « une » de l'actualité les tensions
interreligieuses qui secouent le monde.
La France a découvert pétrifiée que nous
abritions sur notre sol quelques milliers de personnes qui ne partagent pas
vraiment les idées et les valeurs républicaines qui sont les
nôtres. Les salafistes se retrouvaient
dès lors sous les projecteurs.
L'affaire récente du massacre de deux jeunes gens à
Echirolles près de Grenoble a montré à quel point
d'ailleurs nos concitoyens d'origines étrangères sont ceux qui
souffrent le plus d'un climat qui désormais devient délétère
et étouffant. Certains habitants ont interpellé sans
ambigüité le président Hollande lors de sa visite
éclair.
La
montée des inquiétudes et la radicalisation
Lorsque je parle aux gens, je suis désormais
sidéré par la montée des inquiétudes qui
s'expriment ouvertement et transcendent l'ensemble des clivages politiques.
Je suis également ahuri par la radicalisation de nos
concitoyens.
Cela signifie qu'il s'opère actuellement, dans notre pays, un
vaste mouvement de repli communautaire.
En caricaturant un peu les choses (mais à peine), les catholiques
se sentent de plus en plus catholiques. De l'autre côté, les
musulmans de plus en plus musulmans.
Tous oublient qu'ils sont avant tout français, enfants de la
République.
Lorsqu'un Merah assassine froidement des
militaires français, portant l'uniforme français,
« physiquement issus de la diversité » (c'est
l'expression qu'il faut utiliser pour ne pas utiliser le mot
« noir » ou « magrébin »),
cela répond à la logique de « tuer du
traître », tuer celui qui représente l'image de
l'intégration à la République.
Par un effet de miroir, à l'autre bout de l'Europe et de
l'échiquier politique, un Anders Behring Breivik
qui commet la tuerie d'Oslo
répond à une logique identique en tout point. Il faut tuer du
socialiste, du tolérant, du gaucho-bobo. Lui aussi est le
traître à la pureté du pays, puisqu'il accepte l'autre et
l'étranger.
Dans tout cela, seules les victimes
changent. Les logiques funestes restent les mêmes.
Vers la
balkanisation de l'Europe
J'étais encore jeune lorsque la guerre civile a embrasé
les Balkans, quelques années après la chute du mur de Berlin.
Mais je me souviens. Je me souviens des massacres, je me souviens
d'expressions comme « épuration ethnique »,
« charnier ». Je me souviens d'un général
français debout sur une Jeep disant à des femmes, des hommes et
des enfants « nous ne vous abandonnerons pas ». Et je
me souviens qu'ils ont été abandonnés.
Nous avons même entendu « plus jamais ça, pas
en plein milieu de l'Europe ». Et pourtant, cela a eu lieu. Mais
nous avons voulu l'oublier.
Nous avons voulu croire que nous ne pouvions pas être
« politiquement » serbes ou croates, exactement de la
même façon que nous ne voulons pas croire que nous puissions
être « économiquement » grecs.
Seule une prise de conscience nationale nous permettra d'éviter
le cauchemar.
Notre
avenir : devenir économiquement grecs et politiquement serbes
Que nos amis serbes me pardonnent ce sous-titre. Qu'ils ne voient
là aucun jugement. Je pense au contraire que nous ne sommes ni mieux
ni moins bien et que l'histoire vécue là-bas est en tout point
en train de se reproduire ici, chez nous, sous nos yeux inconscients et
incrédules.
Alors que la crise menace d'emporter dans un trou noir l'ensemble de
l'économie mondiale, qu'avant cela nous devrons passer sous les
fourches caudines de la rigueur et de l'austérité, nous devons
être conscients que notre avenir proche est plus similaire à
celui de la Grèce qu'à un long fleuve tranquille.
Nous devons être conscients des dangers qui se profilent
à l'horizon et qui potentiellement peuvent faire littéralement
voler en éclat la stabilité de notre pays, mais plus
généralement de l'Europe.
Un
débat sur « l'identité
Républicaine »
Pour repousser ce danger, les bons sentiments ne serviront à
rien. Ils sont mêmes fondamentalement contreproductifs.
Il faut traiter deux aspects. Le premier est bien sur
économique. Plus la richesse est présente et partagée,
moins les tentations de haines peuvent se développer. Au sens
politique du terme, l'austérité est un non-sens.
Il faut traiter l'aspect politique et sociologique.
Être français, ce n'est pas une couleur de peau.
Être français, c'est l'adhésion inconditionnelle au socle
de valeurs républicaines.
Ces valeurs républicaines de tolérance,
d'égalité et de laïcité doivent être
défendues avec une force absolue. La République ne doit rien
céder à quelques extrémismes que ce soit. Toute
démission, tout manque de courage, nous rapprochera de l'abîme.
La réalité ? Toute démission aussi minime
soit-elle peut mener à « l'épuration ».
Les Suisses,
eux, se préparent déjà à la guerre civile
européenne
Alors ceux qui ne veulent pas voir, ceux qui pensent que tout le monde
est gentil, ce qui croient que nous sommes meilleurs que tous les autres,
ceux qui pensent que rien ne peut nous arriver, que la stabilité est
éternelle ne manqueront pas de me dire évidemment que je suis
pessimiste.
Alors qu'ils sachent qu'effectivement je partage le pessimisme de nos
amis suisses.
Les Suisses, conscients de ces risques majeurs pour la
stabilité politique de leurs voisins, ont lancé en septembre
2012 un exercice militaire de grande ampleur.
Nom de code de ces manœuvres ? STABILO DUE.
Scénario ? Suite à un effondrement économique majeur
et à la montée des tensions intercommunautaires et
interreligieuses, des grands voisins européens, membre de la zone
euro, s'enfoncent dans la guerre civile.
Des milliers de réfugiés tentent
désespérément de trouver refuge en Suisse.
La Confédération Helvétique mobilise dès
lors 200 000 réservistes afin de sécuriser ses
frontières.
Nous pouvons
changer les choses
Au siècle dernier, les gens de confession juive ont
été pourchassés, massacrés,
déportés.
Nous pourrions ouvrir ce nouveau siècle par le même type
d'acte. Si l'histoire se répète, ce n'est jamais de
façon vraiment identique.
Mais vous l'aurez compris, et ce que je vais dire est choquant, mais
le prochain « juif » pourrait être le
« musulman ».
Et ne me dites pas que c'est impossible. Tout concourt pour rendre
plausible une telle éventualité.
Ne me dites pas que c'est impossible en Europe. C'est exactement ce
qui s'est passé voilà à peine 10 ans dans les Balkans.
Ne me dites pas que c'est impossible, puisque l'armée suisse se
prépare à de telles hypothèses.
Dites-moi comment pouvons-nous faire, ensemble, pour que cela n'arrive
pas. Si vous niez le problème, si vous niez l'hypothèse, alors
cela se produira.
La stabilité de notre pays doit être élevée
au rang de priorité stratégique absolue et l'intendance
« économique » devra suivre.
Cela ne pourra se faire que dans un cadre national et d'un retour
à une souveraineté totale.
Lorsque nos intérêts vitaux seront en jeux,
l'économie, les lobbys et les intérêts corporatistes
seront balayés... comme en Syrie.
Pour le moment, nous courrons tout droit à la catastrophe. Mais
personne ne veut le voir.
Charles
SANNAT
Directeur des Etudes Economiques Aucoffre.com
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